Le président sortant de la Commission a vécu, jeudi et vendredi, son dernier sommet européen. «Je suis soulagé, mais pas content», indique un Jean-Claude Juncker ému.
Selon ses propres dires, il déteste les séances nocturnes des sommets européens. Mais Jean-Claude Juncker a eu droit jeudi à une énième mais aussi ultime réunion à rallonge. Vers 2h du matin, il confiait encore «ne pas trop s’occuper» de la prolongation de son mandat à la tête de la Commission européenne. «Les traités prévoient que la Commission sortante reste en fonction si la nouvelle connaît du retard. Eh bien, moi je fais partie de l’ancienne Commission», indiquait-il un brin ironique.
Mais à ce moment, Jean-Claude Juncker (64 ans) savait déjà qu’il allait siéger une dernière fois vendredi à la table des chefs d’État et de gouvernement. Et douze heures plus tard, l’émotion l’a rattrapé. «Je resterai fier jusqu’à la fin de ma vie d’avoir pu servir l’Europe», concluait Jean-Claude Juncker, les larmes aux yeux, lors de sa dernière conférence de presse majeure en tant que président de la Commission européenne. C’est sur un simple «bye-bye» et les applaudissements de la presse internationale que le futur retraité politique a quitté la scène.
Un premier sommet dès 1995
Sauf nouvel imprévu majeur, la nouvelle présidente de la Commission, l’Allemande Ursula von der Leyen, siègera les 12 et 13 décembre à la place de Jean-Claude Juncker. Une ère est donc sur le point de s’achever. «Cela suffit après 148 sommets», dit l’ancien Premier ministre. Il aura assisté en janvier 1995 à son premier sommet européen. Sa présence à ces sommets aura connu une courte interruption entre son départ du gouvernement luxembourgeois en décembre 2013 et son arrivée à la tête de l’exécutif européen en novembre 2014. «Mais si j’y pense de plus près, 148 sommets et quelque 450 réunions de travail au Conseil des ministres, c’est quand même impressionnant», enchaîne celui qui a aussi assuré la présidence de l’Eurogroupe entre 2004 et 2013.
«Je suis soulagé, mais pas forcément content. Car j’ai aimé faire ce travail, plus avec les uns qu’avec les autres», avoue Jean-Claude Juncker. Nicolas Sarkozy fait probablement partie de ceux avec lesquels cet Européen convaincu a moins aimé travailler. En novembre 2009, l’ancien président français avait en effet posé son veto à la nomination de Jean-Claude Juncker comme président du Conseil européen. «Nicolas m’a tué», fustigeait-il à l’époque dans les colonnes de Libération.
«Je vais leur manquer»
Déboulonné en juillet 2013 au Luxembourg, le désormais leader de l’opposition à la Chambre allait prendre sa revanche après avoir remporté les élections européennes de 2014. Nommé en juin, Jean-Claude Juncker devenait le 1er novembre président de la Commission européenne.
«J’ai fait quelques erreurs. Je n’ai pas toujours voulu tout entendre. Mais j’ai aussi signé beaucoup de succès», résume cinq années plus tard le successeur du Portugais José-Manuel Barroso. Le plan Juncker, qui a réussi à générer 315 milliards d’euros d’investissements, et l’approfondissement de l’Union économique et monétaire figurent parmi ces succès. Dans la dernière ligne droite, le président sortant de la Commission a fini par arracher un nouveau deal pour permettre une sortie ordonnée du Royaume-Uni de l’UE. S’agira-t-il du dernier acquis majeur de sa longue carrière politique ? La balle est entre les mains du Parlement britannique.
Mais quoi qu’il en soit, Jean-Claude Juncker quittera Bruxelles non sans nostalgie. «Je vais leur manquer plus que ce ne sera le cas pour moi», lance-t-il avant de jeter un dernier regard en arrière : «Quand je suis arrivé, il y avait dix pays autour de la table. Chacun savait tout sur l’autre. Puis on est passé à 12, 15, 25 et même 28. Aujourd’hui, plus personne ne connaît vraiment l’autre.» Mais cela n’a pas empêché Jean-Claude Juncker de marquer l’Europe de son empreinte.
David Marques