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[JO-2024] «Nous avons de la chance de nous être rencontrés»


Entre Ni Xia Lian et Tommy Danielsson, c’est une belle histoire qui dure depuis bien longtemps. 

Voilà plus de 20 ans que Ni Xia Lian et Tommy Danielsson partagent leur vie de tous les jours. Au moment d’aborder leurs sixièmes JO ensemble, ils reviennent sur leur belle histoire.

Quelques jours avant de prendre le train à destination de Paris, Ni Xia Lian et son mari Tommy Danielsson nous ont ouvert les portes de leur jolie maison jaune à Ettelbruck. L’occasion de revenir avec eux sur leur destin croisé. Et leur histoire d’amour qui dure depuis plus de deux décennies.

Lors de la présentation du Team Lëtzebuerg, vous avez évoqué en riant que même si Xia Lian allait disputer ses sixièmes JO, vous auriez pu être le premier de la famille à y aller ?

Tommy Danielsson : Oui. À l’époque, j’étais coach de l’équipe nationale en Australie. J’avais remporté le tournoi de qualification en Nouvelle-Zélande, mais j’ai choisi de laisser la place aux futures générations. Je ne voulais pas prendre la place de quelqu’un qui jouait mieux que moi.

Quand avez-vous vu Ni Xia Lian pour la première fois ?

T. D. : C’était aux championnats du monde de Tokyo en 1983 où elle a gagné deux médailles d’or. Je n’aurais jamais imaginé que quelques années plus tard, on serait mariés.

Comment est-ce arrivé ? 

T. D. : En 1994, j’étais devenu coach de l’équipe nationale du Luxembourg et elle était là.

Ni Xia Lian : En fait, après avoir joué en Chine, on m’a indiqué qu’il serait bon que je m’exporte. Moi je voulais faire des études, j’en ai fait d’ailleurs, mais finalement j’ai accepté d’aller jouer en Allemagne. Un jour, sur un tournoi, on me dit qu’une fille cherche une partenaire de double. Il s’agissait de Peggy Regenwetter. On a remporté le tournoi. Pour moi, c’était quelque chose de normal. Mais pas pour elle. Après, je suis retournée dans mon club en Allemagne. Ça devait être en novembre 89. Et début 90, Pierre Kraus le maire d’Ettelbruck, et Romain Sahr, le secrétaire général de la FLTT, se sont déplacés pour me demander de rejoindre le Luxembourg. Ils étaient tellement sympathiques, le feeling est tout de suite passé alors j’ai dit oui. Et je ne suis plus jamais repartie. Au début des années 90, les Américains sont venus me chercher avec une très belle offre. Mais j’ai refusé, car je me sentais très bien au Luxembourg. 

Et par la suite, vous avez défendu les couleurs du Luxembourg. Mais vous n’avez pas tout de suite voulu aller aux JO ?

N. X. L. : En 1996, j’aurais pu aller à Atlanta mais je n’ai pas voulu y aller.

T. D. : À l’époque, elle ne se sentait pas complètement luxembourgeoise. Donc pas légitime à défendre les couleurs du Grand-Duché. C’était un peu trop tôt.

Ni Xia Lian affichait un large sourire au moment d’arriver sur le village olympique. Photo sportspress.lu/jeff lahr

Et finalement, vous débutez à Sydney ? 

N. X. L. : En 1998, on a eu une grosse réunion avec le COSL, qui voulait vraiment que je participe aux JO. J’étais quatrième mondiale. Cela faisait huit ans que je vivais au Luxembourg. J’étais seule avec Willy (NDLR : son fils, né d’une première union). Les nuits étaient courtes. Je sentais un peu le mal du pays. Mais j’ai reçu beaucoup d’aide de la part du comité olympique et de la ville d’Ettelbruck. Avec toute cette aide, sans oublier celle de ma sœur qui est venue ici aussi, je savais que c’était possible. Et puis surtout, je savais que je pouvais permettre à Peggy d’aller aux JO. C’était une énorme motivation.

Vingt-quatre ans plus tard, vous êtes encore là.

N. X. L : Je suis très excitée à l’idée de jouer à Paris.

Xia Lian ne peut pas rivaliser avec les meilleures au niveau de la vitesse et de la puissance. Mais sur le plan de la stratégie, elle est la n° 1 au monde!

Quel est le secret d’une telle longévité ? 

T. D. : C’est comme un coureur de 100 m, il sait toujours courir.

N. X. L. : Ma technique s’est améliorée au fil des années. Sinon, on pouvait oublier.

T. D. : Si tu as une F1 d’il y a 20 ans, tu ne peux pas rivaliser. Maintenant, c’est comme si elle était une New Beetle et qu’elle devait affronter des Ferrari et des McLaren.

N. X. L. : Oui, mais j’avais déjà l’IA intégrée avant (elle rit). Je n’ai pas le bon physique. Je fais moins de 1,60 m, ce n’est pas bon pour le tennis de table. Mais j’utilise d’autres moyens pour résoudre le problème. Chacun a ses atouts et ses défauts. J’essaie de trouver la faille de mon adversaire et de m’y engouffrer. 

T. D. : Xia Lian ne peut pas rivaliser avec les meilleures au niveau de la vitesse et de la puissance. Mais sur le plan de la stratégie, elle est la n° 1 au monde!

N. X. L. : La tactique fait partie du jeu. C’est très important.

T. D. : Un peu comme aux échecs.

N. X. L. : Oui, c’est une forme de science. Que j’appelle de l’IA. Tout est question de balance. Quand vous avez 20 ans, vous vous concentrez sur l’entraînement et moins sur d’autres choses. Plus on avance en âge, moins on s’entraîne. Et plus on fait de physio. Il faut que le corps s’adapte afin de récupérer le mieux possible. Il faut trouver le bon équilibre. Je n’ai jamais eu une seule grave blessure.

T. D. : On fait tout pour prévenir ce risque.

Les JO, ça vous faisait rêver ?

N. X. L. : Non, pas du tout. Il y a tellement de bons joueurs en Chine, le niveau est tellement élevé que je n’y pensais pas trop. Je ne voulais pas perdre de l’énergie là-dedans et me concentrer sur ce qui compte vraiment. C’est pourquoi je suis partie étudier.

T. D. : La première apparition du tennis de table aux Jeux était seulement en 1988, à l’époque Xia Lian était déjà double championne du monde.

Et quelque temps plus tard, vous officialisez votre relation ?

T. D. : Oui. Cela faisait plus ou moins sept ans qu’on se connaissait et en 2002, on a décidé de vivre ensemble. J’ai déménagé à Ettelbruck et notre fille Celine est née en 2003.

Et vous avez vécu les 6 JO ensemble ? 

T. D. : Oui, même si certains ont été douloureux. En 2008, j’ai dû partir précipitamment car ma fille est morte dans un accident de voiture. Et c’est donc Heinz Thews qui a pris le relais. Mais sinon j’étais avec elle en 2000, 2012, 2016 et 2020.

Six qui auraient même pu être 8 ? 

T. D. : Oui, on lui avait demandé en 1994 pour Atlanta mais à l’époque, elle ne se sentait pas encore totalement luxembourgeoise mais plutôt moitié-moitié. Et en 2004, elle a décidé de ne pas y aller pour régler des problèmes personnels.

Trois Luxermbourgeois pour la première fois, c’est une fierté!

Pour la première fois, vous allez être 3 Luxembourgeois. Qu’est-ce que cela représente ? 

N. X. L. : C’est une grande fierté. Quelque chose d’historique. Et Tommy a fait plus que le maximum pour qu’on puisse être trois à ces Jeux. Être présent, c’est déjà un objectif atteint. Ce serait mentir que de dire qu’on vise plus. 

T. D. : Il y a six semaines, seule Xia Lian était qualifiée. On avait essayé de qualifier le double mixte. Malheureusement, on a échoué d’un rien. En finale contre une des meilleures équipes du monde.

N. : On a eu moins de 10 mois pour se préparer alors que nos adversaires ont eu plusieurs années. On s’est dit qu’on allait tenter la qualification olympique alors qu’on n’avait aucune expérience du double mixte. On partait de zéro. Et finalement, on rate la qualification pour une balle.

 Mais tout est bien qui finit bien. Avec, notamment, la qualification incroyable de Luka Mladenovic ? 

N. X. L. : On lui a donné beaucoup de conseils au niveau de la technique. Il nous a dit qu’il n’avait jamais appris autant dans sa vie. Mais il s’est battu très dur pour arriver où il en est. 

T. D. : Il y a trois mois, c’était impossible à imaginer.

N. X. L. : On est très fiers de lui. Venir comme cela d’un ranking au-delà de la 200e place, c’est très fort. Tommy lui a donné tellement d’informations et de motivation. Le fait d’avoir joué avec lui, ça lui a apporté de la confiance, de la technique, de la tactique et ça l’a habitué à jouer sous pression. C’est un package global qui permet ce résultat. Sans travail collectif, on n’aurait jamais eu un tel résultat. Sans équipe, impossible d’être à trois à Paris!

Quid de Los Angeles ? 

N. X. L. : Je n’y pense pas.

T. D. : Mais elle ne ferme pas la porte pour autant. Pour le moment, on n’écrit pas une lettre indiquant qu’elle arrête. On verra bien quelle sera la situation. Il peut s’en passer des choses en quatre ans. On avait déjà dit que ce seraient les derniers JO à Sydney. Et maintenant, à plus de 60 ans, tu ne dis pas oui ou non. On parle du double féminin à Los Angeles, avec Sarah (De Nutte) elles auraient une grande chance d’y aller.

On a très peu de divergences car à la fin, c’est toujours la femme qui a raison

 On vous sent apaisée ? 

N. X. L. : Pour être performante, il faut que tout le monde dans mon environnement se porte bien. Ma sœur est venue m’aider. C’est pratiquement une deuxième mère pour Celine. C’est très important de pouvoir se reposer sur quelqu’un en qui vous avez toute confiance. Et sans Tommy, ce ne serait pas possible d’être ici et de continuer à jouer. Tout ce soutien me permet d’avoir l’esprit libre pour pouvoir bien jouer. De toute façon, vous ne pouvez pas jouer à plus de 60 ans si votre maison est en train de brûler. Si mes enfants ont des problèmes, j’ai des problèmes. Mais le COSL, la fédération, la ville d’Ettelbruck m’ont apporté beaucoup de soutien. Tout va bien à la maison, mentalement, je suis libre. 

Comment se passe la vie au quotidien ?

T. D. : Tous les deux, on est des dingues du ping. En même temps, on ne se dispute jamais. Ce n’est pas évident de passer 24 h sur 24 et de travailler avec son mari ou sa femme. Mais on a très peu de divergences… car à la fin, c’est toujours la femme qui a raison! En tout cas, ça me va. Je suis à l’arrière. Je fais en sorte qu’elle n’ait à s’occuper que de jouer. Aussi longtemps qu’elle jouera, je ne veux pas qu’elle ait à s’inquiéter pour quoi que ce soit. 

Vous êtes toujours amoureux ? 

T. D. : On s’est connus huit ans avant de se mettre en couple. Je pense que notre relation est juste parfaite.

N. X. L. : Je pense que nous sommes chanceux de nous être rencontrés. Même si tout n’est pas toujours facile, on peut parler. On est très heureux et on en profite au maximum.

Ce que vous ne savez peut-être pas sur Ni Xia Lian

Elle était la pongiste la plus âgée de l’histoire à Tokyo… et l’est encore plus à Paris! Ni Xia Lian avait décrit l’histoire de son sport à Tokyo, en devenant à 58 ans, la pongiste olympique la plus âgée de l’histoire. Évidemment, en étant présente trois ans plus tard, elle conserve aisément son titre. Même si une Chilienne affiche 58 ans au compteur. Un bébé!

Elle est désormais seule recordwoman de participations aux JO : Paris seront les sixièmes JO de Ni Xia Lian. Avec cette sixième participation, elle devient seule recordwoman du nombre de participations. En effet, elle partageait jusque-là cet honneur avec le gymnaste Josy Stoffel, qui a participé sans discontinuer à 5 JO entre 1948 et 1964.

Une renommée internationale : Un jour qu’il était assis dans un bus en direction de Corpus Christie, aux États-Unis, où se déroulait un tournoi, Tommy Danielsson a été interpellé : «Une personne m’a demandé d’où je venais. Quand j’ai répondu « Luxembourg », elle m’a dit qu’elle avait entendu parler d’une femme assez célèbre et m’a demandé si je la connaissais. Alors, je lui ai montré une photo de nous deux. Elle n’en croyait pas ses yeux!»

Une star sur TikTok «Si Xia Lian est porte-drapeau, deux milliards de personnes la connaîtront», prophétisait Tommy Danielsson. Mais en attendant, Ni Xia Lian a déjà une belle communauté qui la suit : «Grâce à elle, le Luxembourg est connu dans le monde entier. Elle a 40 millions de personnes qui la suivent sur TikTok. On la voit mise en scène dans des petits clips très courts, dont certains ont été vus des millions de fois.»

Elle veut servir d’exemple pour les autres personnes de son âge Ni Xia Lian veut représenter les personnes de son âge. Leur dire qu’il ne faut pas abandonner même si on a 50, 60 ans ou plus. De nombreuses personnes sont à la retraite et ne font rien quand elles ont 60 ans. Elle dit à cette génération que la vie n’est pas finie quand on a plus de 60 ans.

Elle va envoyer son livre à Xi Jinping  Ni Xia Lian reste très attachée à la Chine. Elle a d’ailleurs prévu d’envoyer le livre qu’a écrit sur elle Gaston Zangerlé au président chinois. Ce dernier s’intéresse en effet à la Luxembourgeoise. Il connaît même son style de jeu : «J’ai été surprise d’apprendre par des amis qu’il me connaissait. Je vais lui envoyer mon livre. C’est un grand honneur», explique-t-elle. «On sait par l’ambassade de Chine qu’ils sont très fiers d’elle», ajoute Tommy Danielsson.

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