La toute nouvelle LVGA va tenter de fédérer les acteurs du secteur pour bâtir une véritable industrie locale du jeu vidéo et offrir des opportunités aux jeunes talents.
«C’était un peu comme dans Pokémon, on traversait le pays pour aller chercher les développeurs cachés dans leur coin.» Avec cette image, Fred Neuen, président de la nouvelle Luxembourg Video Game Association (LVGA), résume la genèse du projet. «On s’est rendu compte qu’il y avait bien plus de talents qu’on ne l’imaginait. L’objectif était de se mettre ensemble pour structurer l’industrie du jeu vidéo au Luxembourg.»
L’ASBL compte aujourd’hui une vingtaine de membres, autour d’une centaine de personnes si l’on inclut les effectifs de la quinzaine de studios partenaires. Elle ambitionne de donner du poids à une scène déjà capable de succès internationaux, comme Haven Park, jeu indépendant développé au Luxembourg et vendu à plus de 100 000 exemplaires, ou encore Rooftops & Alleys, disponible sur les plus consoles les plus connues, en juin dernier, et qui dépasse déjà les 400 000 ventes.
Quinze studios divers et variés
Fred Neuen rappelle que «tout part d’une idée». Pour qu’elle devienne ensuite un jeu vidéo, il faut une diversité d’acteurs : «un jeu vidéo ne naît jamais d’un seul métier», insiste-t-il. La création passe par plusieurs étapes. D’abord le game design, qui établit les règles et les mécaniques de jeu. La création artistique et l’animation donnent vie aux personnages et aux décors. La programmation transforme ces idées en un jeu. L’aspect sonore s’ajoute par la suite avec le sound design et l’écriture narrative qui donne vie à l’histoire. Enfin, le jeu passe par une phase de tests et d’optimisation avant sa sortie.
L’écosystème LVGA regroupe une quinzaine de studios illustrant la diversité du secteur. Certains sont spécialisés en réalité virtuelle comme Virtual Rangers, d’autres en immersion audio avec Serge Courtois, doublement primé aux Grammy Awards. Enfin, des équipes comme Bubblebird Studio, créateur de Haven Park, montre qu’il est possible de développer un succès international de A à Z.
S’associer pour former les futurs talents
Cette dynamique s’appuie aussi sur l’enseignement supérieur. Depuis 2018, deux BTS (Game Programming & Game Design et Game Art & Game Design) enseignent le développement de jeux vidéo au lycée des Arts et Métiers. Cette structure proposait d’ailleurs des game jams, évènements où des équipes créent un jeu complet en un week-end, souvent autour d’un thème imposé.
«Rassembler ces acteurs éparpillés, c’est une bonne chose, surtout pour nous les étudiants», explique Matéo Costille, diplômé du BTS Game Programming. «Personnellement, je veux en faire notre métier et je pense que la LVGA va nous aider à apprendre concrètement auprès d’eux, en stage par exemple.»
Le jeune homme poursuit en affirmant que créer un jeu en solo représente «un travail colossal». Selon lui, «plus il y a de membres, plus les projets peuvent être ambitieux». Le jeune développeur espère intégrer l’un des studios partenaires, convaincu que le pays possède déjà une identité propre qu’il qualifie de «cosy et tranquille, avec des histoires au centre du développement».
Pour Fred Neuen, cette mise en réseau était une «nécessité» pour exister dans ce marché mondial ultraconcurrentiel. «Notre concurrence, ce ne sont pas les gros jeux. Ce sont les milliers d’autres petits. L’enjeu, c’est de ne pas se perdre dans la masse.» La LVGA mise sur la collaboration et la mutualisation de compétences via des formations pour «permettre aux créateurs luxembourgeois de trouver leur public».
L’association espère aussi faire reconnaître au Grand-Duché le jeu vidéo comme forme d’art. «Il faudrait une reconnaissance officielle, au moins au niveau européen, comme une forme artistique à part entière. Cela permettrait un vrai soutien institutionnel.» Chez nos voisins français, la loi reconnaît le jeu vidéo comme œuvre de l’esprit, ce qui lui confère la protection du droit d’auteur. La LVGA ambitionne d’ailleurs de voir le Film Fund soutenir le jeu vidéo, à l’image de ce que fait le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) pour les studios en France.
Le pays voit ainsi une nouvelle filière prendre forme. Encore fragile mais déterminée, elle sera portée par la passion de ses développeurs et l’arrivée d’une nouvelle génération, qui «peuvent désormais se rassembler», sourit son président.
Un secteur en bonne santé
Au niveau mondial, les montants générés par le secteur du jeu vidéo sont estimés à hauteur de 182 milliards d’euros avec de plus de 17 000 jeux sortis en 2024. C’est trois fois plus d’argent que le secteur du cinéma et de la musique réunis, qui comptent à eux deux pour environ 60 milliards.