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[JO-2024] Hepp, l’arbitrage dans le sang


Carole Hepp a été récompensée de sa très belle quinzaine en étant missionnée sur la finale messieurs, entre la France et la Pologne, samedi. (Photo : luis mangorrinha)

LES JUGES LUXEMBOURGEOIS AUX JO À force de volonté et grâce à son talent, Carole Hepp a décroché sa place parmi les 16 arbitres qui officient en volley sur ces Jeux.

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Ce n’est pas forcément évident à croire, mais il y a bien un représentant ou plutôt une représentante luxembourgeoise dans les épreuves olympiques de volley. En effet, Carole Hepp fait partie du contingent très restreint des arbitres retenus pour le plus gros évènement sportif mondial. Une consécration pour une jeune femme de 42 ans, qui a, très tôt, su ce qu’elle voulait faire!

«Je viens d’une famille de volleyeurs. Mes parents ont joué tous les deux. Toute petite, je passais des heures à la salle. Mon oncle, mon grand frère jouaient aussi. Du coup, assez jeune, je savais que je voulais faire du volley. Mais à l’époque, il fallait attendre d’avoir 10 ans pour s’inscrire», se rappelle-t-elle. Très têtue, elle refuse de pratiquer un autre sport : «En primaire, tout le monde faisait un sport. Moi, j’ai dit que je voulais attendre car je voulais faire du volley.» Et dès qu’elle a l’âge requis, elle participe à son premier entraînement, à Lorentzweiler, son club de toujours : «J’étais assez petite. Alors l’entraîneur m’a dit qu’on allait faire un test pour voir si ça irait.»

Mais la petite Carole, qui ne sera jamais une grande joueuse, a une autre idée en tête : «Je savais que je voulais faire arbitre.» Et là encore, elle doit prendre son mal en patience : «On ne pouvait passer un cours d’arbitrage qu’à partir de 17 ans. Mon anniversaire est en octobre. En novembre, j’étais inscrite.» Et c’est une révélation : «J’ai adoré!»

Comme elle se rendait compte qu’elle progressait davantage comme arbitre que comme joueuse, elle arbitre dès qu’elle le peut, l’après-midi et le soir. Et rapidement, elle devient l’une des seules femmes à officier en Division nationale. La FLVB lui offre la possibilité d’effectuer un stage international. Elle saute sur l’occasion : «En 2011, je suis partie en Roumanie. J’ai passé mon stage d’arbitre international. Et après avoir été vue trois fois par des superviseurs, on est officiellement nommé arbitre international.»

Un Luxembourg rapidement trop petit pour Carole

Elle effectue ses débuts internationaux lors des championnats d’Europe des Petits États juniors, aux îles Féroé : «Lors de ma première saison, j’étais stressée. Il y a une pression. Mais j’ai appris à gérer tout cela avec l’expérience.» Rapidement, le petit Luxembourg devient trop petit pour Carole : «Quand j’ai été supervisée, on m’a dit qu’il fallait que j’arbitre régulièrement au plus haut niveau.» Elle se rapproche donc de la Belgique, de l’Allemagne et de la France. Et c’est finalement dans l’Hexagone qu’elle officiera régulièrement pendant plusieurs saisons : «Je suis arrivée en 2015 et je suis restée deux ou trois ans. Par la suite, les personnes avaient changé, on ne voulait plus de nous. Et depuis, les choses se sont à nouveau arrangées et cela fait trois ans que j’arbitre en France. Au plus haut niveau.»

Grimper dans la hiérarchie internationale n’est pas quelque chose d’aisé, notamment pour une jeune femme qui vient d’un «petit» pays du volley : «Je suis au troisième niveau. Le groupe 2 peut arbitrer en Ligue des champions. Le groupe 1 aux plus grands évènements comme les championnats du monde.» Mais elle ne désespère pas d’y arriver : «Il faut avoir de la chance. Faire un bon match au bon moment et être vu par la bonne personne. Seulement, afin de permettre aux arbitres d’avoir régulièrement des matches, ils ont décidé de limiter le nombre de ceux qui sont en Ligue des champions. Je suis contente avec ce que j’ai. Mais on peut toujours rêver.»

Pour une petite Luxembourgeoise, être aux JO est quelque chose de très compliqué

Et la preuve qu’on a le droit de rêver en grand même quand on est luxembourgeoise, c’est que Carole Hepp officie sur les JO. Une présence qu’elle doit, encore une fois, à sa ténacité : «Pour une petite Luxembourgeoise, être aux JO est quelque chose de très compliqué. Vu que le niveau du volley au Luxembourg n’est pas si élevé, je pense que nous ne sommes pas vus sur la carte mondiale du volley. Maintenant, j’arbitre en France. Et la fédération française avait envoyé un mail à tous les arbitres qui officient en France pour leur demander s’ils étaient intéressés pour être marqueur ou juge de ligne aux Jeux de Paris. J’avais postulé comme marqueur. Il fallait passer un entretien. La commission d’arbitrage française a fait un préchoix et la décision finale est revenu au COJO.»

Une immense joie : «Il n’y a que 16 arbitres. Entre les différents quotas au niveau des continents, il n’y a que quelques Européens avec de grands pays de volley. Du coup, il ne reste plus beaucoup de place pour les autres. J’ai passé l’entretien au mois d’avril. Ça s’était bien passé. J’étais confiante. Mais j’ai dû encore patienter quelques jours avant l’officialisation.»

Et une grande fierté : «Les JO? Comme pour les joueurs, pour les arbitres, c’est le graal. Je suis très, très contente de pouvoir vivre cela. D’être là sur le terrain avec les plus grandes équipes de volley de la planète.»

À Paris, elle est marqueur, c’est-à-dire qu’elle s’occupe principalement de la feuille de match : «On note tout ce qu’il se passe dans le match. On attribue les points, on note les éventuels cartons, on vérifie les six de départ, les changements de libéro, enregistrer les demandes de challenge vidéo…» Avec une petite contrainte supplémentaire : «Habituellement, on travaille avec un logiciel italien. Mais la fédé internationale a changé d’opérateur et c’est désormais un logiciel polonais qui est compatible avec le système Hawk-Eye. On a fait quelques tests l’année passée. Ils se ressemblent tous, mais il faut s’y habituer.»

Toujours sur son petit nuage

Après avoir officié l’an passé sur les finales de championnat d’Europe juniors, des rencontres de Silver et Golden Ligue ou encore sur des matches de poule en Ligue des champions, Carole Hepp, fonctionnaire aux impôts dans le civil, franchit un nouveau cap dans sa carrière arbitrale : «Il n’y a que 16 arbitres et c’est une fois tous les quatre ans. C’est vraiment génial d’en faire partie. Bien sûr, quand j’ai commencé ma carrière, j’en rêvais. Mais j’étais assez réaliste pour savoir à quel point ce serait compliqué.»

Vue sur place, Carole Hepp n’était pas descendue de son nuage : «C’est magique. Je ne pensais pas qu’il y aurait autant de monde. Même pour les préliminaires, c’était plein. Il y a un match avec des Kényanes, qui n’avaient aucune chance. Mais elles s’encourageaient sur chaque point. Et tout le monde était derrière elle. C’était incroyable!» Et de s’extasier devant les lieux de ces Jeux : «Les Jeux sont très bien faits. Les sites en plein Paris, le Grand Palais, la Concorde, c’est magnifique.»

Et elle a pris un abonnement avec Paris. En effet, outre les Jeux olympiques, elle a également été retenue pour les Jeux paralympiques. Pour lesquels elle avait aussi postulé : «Je serai aussi marqueur. Je ne savais pas si je serais retenue pour l’un ou l’autre. Lors de l’entretien, j’avais bien sûr expliqué que je préférais aller sur les JO. Mais que si jamais ils avaient du mal à trouver du monde pour le volley assis, je pouvais me rendre disponible. J’ai été retenue pour faire les deux. On est quelques-uns dans ce cas-là.» Pour être prête, elle a suivi une formation spécifique : «On a suivi une formation en ligne où on nous a expliqué les différences de règles. On nous a également avertis sur le fait de ne pas être trop choqués quand les joueurs enlevaient leurs prothèses. Et puis la fédé voulait que tout le monde puisse participer une fois à une compétition de volley assis. Avec, justement, le fameux logiciel polonais pour pouvoir aussi le tester. Donc j’étais au Super Six, à Nancy.»

Une promo grâce aux JO

Visiblement, Carole Hepp a tapé dans l’œil des superviseurs : «Lors du match France – Slovénie, il y avait plein de trucs à faire. Un responsable du logiciel à côté de moi me demande si j’avais une adresse mail. Je lui donne. Et un autre de la fédé internationale me demande si j’ai un compte e-learning. Il m’explique qu’il fallait que je regarde une vidéo, que je réponde à un questionnaire et après je passerai marqueur FIVB.» En clair, elle ferait partie d’un pool de marqueurs, appelés à participer aux plus grandes compétitions internationales. Et d’ici là, on attend de savoir si Carole Hepp officiera lors de la finale France – Pologne, demain. A priori, ses chances sont grandes!