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Jeune femme attaquée à coups de marteau à Esch : l’heure du procès


La trentenaire venait de descendre du bus (arrêt à droite) et traversait le passage piétons pour se rendre au travail quand son agresseur l'a plusieurs fois frappée à la tête avec un marteau. (Photo : Fabienne Armborst)

Le procès du quadragénaire qui avait violemment frappé la fille de son ex à la sortie du bus avenue des Terres-Rouges fin 2018 s’est ouvert, mardi matin, devant la chambre criminelle. La victime avait encaissé au moins huit coups de marteau.

C’était le 2 novembre 2018 vers 8 h 25. Ce matin-là, elle se souvient d’être descendue du bus pour se rendre au travail, d’avoir traversé la route sur le passage pour piétons, d’avoir remercié la voiture qui s’était arrêtée et puis elle s’est effondrée en tombant sur le côté droit «très fort» par terre. «Tout mon corps, c’était comme des fourmis.» Après, plus rien. La jeune femme de 30 ans, qui d’après l’expert avait encaissé au moins huit coups de marteau, se trouvait entre la vie et la mort. Elle se réveillera bien plus tard à l’hôpital. Transférée d’urgence au CHEM à l’arrivée des secours, puis au CHL au vu de la gravité de ses blessures à la tête, elle passera 21 jours dans le coma. Et jusqu’au 1er mars, elle restera en arrêt maladie.

Pour le procès de son agresseur mardi matin, la victime, qui souffre toujours de vertiges et de maux de tête, n’avait pas pris place dans la salle d’audience. C’est par vidéoconférence depuis une autre salle du tribunal (lire également ci-dessous) qu’elle a livré son récit. Grâce à des témoins, l’homme avait été rapidement appréhendé par la police alors qu’il se dirigeait vers le boulevard Prince-Henri à Esch. «J’ai tapé une femme avec un marteau», avait reconnu Jalal M. (41 ans aujourd’hui) face aux agents. Cette femme, c’était en fait la fille de son ex. Depuis, il dort à Schrassig.

«Le marteau, c’était pour le travail»

À leur arrivée sur les lieux, avenue des Terres-Rouges, les policiers avaient retrouvé près de la victime accroupie le fameux marteau sur le trottoir. Il y avait aussi un sac à dos de Jalal M. avec un tournevis. Cela faisait a priori partie de ses outils pour effectuer quelques travaux au noir à Soleuvre. Mais ce n’est pas la direction qu’il avait empruntée ce matin-là. L’enquête a permis de retracer qu’il avait pris un ticket de bus à 6 h 30 à Beggen où il logeait chez un ami. Son trajet le mènera ensuite à Belair et plus particulièrement près du logement de son ex. Fin septembre, elle avait porté plainte contre lui pour tentative d’étranglement. La relation, dont les débuts remontaient à 2012, semblait rompue pour de bon. Si l’on suit les déclarations du prévenu, il voulait parler à son ex. Sauf qu’il y a croisé peu avant 8 h sa fille qui allait prendre le bus. Et qu’il lui avait donc demandé si elle pouvait intervenir pour que sa mère retire sa plainte, sinon il ne pourrait pas aller travailler…

La fille avait refusé. Pas très rassurée, elle avait appelé son petit ami. Elle pensait toutefois s’être débarrassée de Jalal M. en montant à 7 h 57 dans le bus vers Esch. En effet, il n’était pas dans la troisième rangée à gauche derrière le chauffeur, où il avait l’habitude de s’asseoir quand il le prenait. C’est avec effroi qu’elle avait dû constater en descendant qu’il avait pris place à l’arrière. La suite, on la connaît.

D’après certains témoins, Jalal M. s’y est même pris à deux fois. Une fois la jeune femme au sol, il se serait saisi à nouveau du marteau. Les coups de klaxon qu’un automobiliste déclare avoir donnés ne l’avaient pas coupé dans son élan. Il avait porté deux à trois autres coups sur la tête de la victime.

«J’ai tapé, ouais.» Voilà les premiers mots du prévenu face aux juges de la 13e chambre criminelle, mardi. À la barre, celui qui n’en est pas à son premier séjour en prison évoquera ses problèmes d’alcool et de drogue. D’après l’analyse, il se trouvait bien sous l’influence de la cocaïne au moment des faits. «Mais ce n’est pas la cocaïne qui fait prendre le marteau…», lui fera remarquer la présidente.

– «Non, c’était pour le travail.» Mais ce matin-là alors qu’il attendait son ex, sa fille l’aurait surpris. Et sa façon de lui parler – «Laisse-moi tranquille. Je n’ai pas le temps. Mes frères, c’est aussi des hommes» – l’aurait « perturbé» : «Elle ne m’a pas respecté, elle m’a rabaissé.» Sans oublier son regard, détaillera le prévenu : «Elle m’a regardé méchamment, dans le genre « Vas-y, dégage ».»

«Un moment de folie»

«Je n’ai plus eu envie d’aller au travail. Et j’ai pris le bus vers Esch… pour aller chercher de la drogue. En descendant du bus, elle m’a regardé méchamment. J’ai perdu le contrôle. J’ai pris le marteau et j’ai frappé.»

«Vous aviez tout le trajet entre Luxembourg et Esch et vous n’avez pas réussi à vous ressaisir?», l’interrogera la présidente. Le parquet lui reproche en effet en premier lieu la tentative d’assassinat, donc un acte prémédité.

– «Je n’avais pas l’intention de l’attaquer quand je suis monté dans le bus. Mais quand elle m’a regardé méchamment…»

Tout cela juste pour un regard? «Actuellement, je vous fixe aussi. Est-ce que je vous regarde aussi méchamment?», tentera de comprendre la présidente.

– C’est pas le même regard, vous!» Jalal M. parlera encore d’un «acte impardonnable» et d’«un moment de folie» avant de retomber dans son refrain : «Elle m’a parlé et regardé méchamment.»

– «Vous pouvez le répéter jusqu’à la Saint-Glinglin. Mais je n’ai toujours pas compris en quoi elle vous a rabaissé», dira la présidente. La suite du procès ce mercredi après-midi.

Fabienne Armborst

Une première audition vidéo au tribunal

On a assisté, mardi matin, à la première audition par vidéoconférence d’un témoin au tribunal d’arrondissement de Luxembourg. La victime de l’attaque au marteau a en effet pu témoigner dans une autre salle en présence d’un officier de police judiciaire. La présidente assise face à un écran voyait le témoin et vice-versa. Accompagnées du son, les images de cette audition qui a duré un petit quart d’heure ont également été projetées sur le grand écran de la salle d’audience.

À noter qu’à Diekirch le tribunal correctionnel avait déjà recouru aux moyens de télécommunication audiovisuelle le 28 mars 2019. À l’époque une victime de violence domestique avait répondu aux questions du juge par vidéoconférence. «Pour permettre à la victime de répondre en toute sérénité et en toute sécurité aux questions du juge, sans devoir affronter son agresseur présumé dans une même salle, le parquet avait demandé au tribunal de permettre à la victime de déposer par vidéoconférence dans une salle adjacente», avait communiqué le parquet à l’époque.