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Jessie Ware dépoussière le disco


Avec That ! Feels Good !, Jessie Ware lâche pour de bon son penchant pour la pop et oublie les effets de manche synthétiques comme électroniques. (Photo EMI Records)

Avec That ! Feels Good !, Jessie Ware invite à un généreux lâcher prise sur le dancefloor grâce à sa voix élastique et une joie sauvage communicative.

Doucement, mais sûrement, le disco revient à la charge, toujours aussi flamboyant et aguicheur qu’avant. Il n’est plus seulement au centre des remix de tout poil ou remis au goût du jour par les amateurs de sonorités «vintage», mais défendu par des artistes, plus ou moins aguerries, dont la modernité ne se discute pas. Au point qu’aujourd’hui, le genre s’offre les faveurs des majors et se déhanche jusqu’aux sommets des classements musicaux.

Pour mémoire, en 2020, alors que le monde entier était placé à l’arrêt et que, par ruissellement, les boîtes de nuit étaient plongées dans le noir pour un bon bout de temps, on a quand même eu le droit à un audacieux triptyque : un album de Kylie Minogue (intitulé, pour ne tromper personne, Disco), précédé de quelques mois par celui de Dua Lipa, Future Nostalgia, porté aux nues. Coincés entre les deux, Róisín Murphy et son «avatar», Róisín Machine.

Repousser toujours plus loin la nuit

Tous différents et porteurs d’un ADN commun : celui de la boule à facettes, des talons hauts et des cols «pelle à tarte». Cette année, une nouvelle production met tout le monde d’accord : That ! Feels Good ! qui, comme son nom l’indique, invite à un généreux lâcher prise sur le dancefloor et sous les stroboscopes. Derrière l’appel à repousser toujours plus loin la nuit, on trouve une diva qui ne fait pas semblant : Jessie Ware.

Cette dernière, toujours en 2020, avait posé la première pierre de son évolution, dans une carrière riche mais cantonnée jusque-là à la sphère soul-R’n’B. What’s your pleasure ?, disque coloré et chatoyant taillé pour la fièvre des soirées estivales, allait lui donner un nouvel élan. Mais avouons-le, sa filiation se tournait plus vers Madonna ou Whitney Houston que Donna Summer ou Gloria Gaynor. Ce n’était qu’une question de temps. 

L’ensemble, gavé de hits, ne connaît aucune fausse note

Car avec That! Feels Good!, elle lâche pour de bon son penchant pour la pop (que Beyoncé ou Lizzo, par exemple, magnifient déjà) et oublie les effets de manche synthétiques comme électroniques. Non, avec ce cinquième album, elle fait dans l’authentique, avec une bonne dose d’hédonisme et une mécanique impeccablement huilée, style Chic de la grande époque. Elle qui est à la tête (avec sa maman Lennie) d’un des podcasts de cuisine les plus populaires (Table Manners) connaît forcément la recette sur le bout des doigts, et, bonne élève, l’applique à la lettre sur dix chansons.

Avec l’aide de producteurs spécialisés dans le disco comme Stuart Price et James Ford, Jessie Ware réussit l’exploit de dépoussiérer le genre tout en restant fidèle au matériau d’origine. Et sur à peine quarante minutes qui filent sans retenue, tout y passe : chœurs à la pelle (aux accents gospel), cordes sucrées, cuivres luxuriants, synthétiseurs «house» et grooves lumineux à la Giorgio Moroder, portés avec maestria par le groupe Kokoroko, pourtant plus à son aise dans l’afrobeat et le funk. Sans oublier deux autres atouts de poids : une voix élastique et une joie sauvage, communicative, fédératrice même. 

Pour tout ça, That! Feels Good! ne sonne à aucun moment comme un pâle remake des productions des années 1970. Des morceaux plus calmes, où l’on chante l’amour, l’extase et la fusion des corps, à ceux plus enlevés où il est question de se libérer de la sinistrose ambiante dans une grande jouissance, l’ensemble, gavé de hits, ne connaît aucune fausse note. Dans une élégance naturelle, Jessie Ware prend tout le monde par la main et l’emmène jusqu’au petit matin derrière une formule implacable : «Freedom is a sound, and pleasure is a right» («La liberté est un son, et le plaisir est un droit.») Avant d’assener un «Do it Again» qui, ce printemps, risque de se répéter longtemps dans les amplis.

Jessie Ware. That ! Feels Good ! Sorti le 28 avril. Label EMI Records. Genre disco