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Jérémy Muller : «La VAR, c’est plus usant : il faut dire ce qu’on a vu et pourquoi on a fait ce qu’on a fait»


Jeudi dernier, Jérémy Muller a été le premier arbitre luxembourgeois à officier sur un match de Coupe d’Europe avec l’aide de la VAR. Il nous a raconté l’expérience.

En 2022, Alain Durieux avait déjà sifflé  une rencontre avec l’aide du système, à Gibraltar. Mais c’est la première fois qu’un Luxembourgeois se retrouve devant 7 500 spectateurs avec des caméras en soutien, après que la fédération ait énormément travaillé pour inclure ses «sifflets» dans les programmes de formation internationaux. Jérémy Muller est allé trois jours en Suisse, deux jours à Madrid et deux autres aux Pays-Bas, pour se former et s’offrir ce genre d’opportunités. Il nous a fait vivre, Zalgiris Kaunas – Arda de l’intérieur.

C’est comment, d’arbitrer en Coupe d’Europe avec la VAR ?

Jérémy Muller : Totalement différent. D’un point de vue psychologique, c’est un mix de pression supplémentaire et de sérénité qu’on n’a pas sans la VAR. La pression parce que dès qu’on a pris une décision, on se demande si c’est la bonne. De sérénité parce que si on rate quelque chose, on sait que la décision peut être inversée. Mais mentalement, je dirais que c’est quand même plus usant : chaque décision, on doit la justifier verbalement car l’équipe qui est dans le camion écoute, alors il faut dire ce qu’on a vu et pourquoi on a fait ce qu’on a fait.

Ils écoutent, et ils parlent aussi. Vous êtes littéralement en conversation constante tout en arbitrant ?

Ah mais c’est le côté très bien de la VAR! Parce qu’en plus, on a la validation directe de nos décisions. On me le dit dans l’oreillette.

C’est plus stressant d’être dans le camion que sur le terrain

Ça ne vous dérange pas, au contraire ?

L’arbitre du centre est responsable de tout le groupe d’arbitres, qui est à six et pas à quatre, quand il y a la VAR. La veille du match, on a eu une réunion pour que je dise ce qu’on voulait ou pas, en termes de communication. Mais là, c’était inversé. Nos collègues autrichiens qui étaient derrière l’écran, bossent avec la VAR depuis 6 ou 7 ans. Ils nous ont donc dit comment ils ont l’habitude de travailler. En vrai, le plus dur, ce n’est pas d’être sur le terrain mais dans le camion.

C’est plus dur? Parce que devant notre écran de télé, parfois, on a du mal à comprendre certaines décisions sur la foi des images que l’on a, nous, sous les yeux…

Comme toujours quand il y a des décisions, il y a le risque de la faute humaine. C’est très stressant d’être dans ce camion parce que devant vous, il y a deux écrans.  qui sont divisés en quatre écrans chacun. Et il faut tout voir, tout surveiller. Quand vous êtes dans votre canapé, avec un seul plan déjà parfaitement coupé, avec des ralentis, c’est plus facile de juger. Je crois que ce serait utile d’expliquer plus les procédures aux gens. D’ailleurs, les gens sont moins respectueux qu’avant depuis que la VAR est entrée en service. Maintenant, avec toutes ces caméras, ils s’étonnent quand on ne prend pas la bonne décision. Alors oui, chez nous, il y a de la peur parce qu’on est vite jugés. Le degré d’acceptation des gens a baissé.

 

Vous concernant, à quelle note vous attendez-vous pour cette prestation? La VAR et vous, ça a «matché»?

Si un arbitre doit voir quelque chose, les critères UEFA disent qu’on doit être sanctionnés si la décision n’est pas la bonne immédiatement. On ne l’est pas quand il y a impossibilité de le voir. Genre un coup donné à 25 mètres de l’action, hors de mon champ de vision ou de celui d’un de mes adjoints. Mais on est notés aussi sur notre présence, ça c’est primordial. Le management des joueurs aussi, les émotions… On veut des arbitres avec des personnalités.

Après chaque action majeure, on nous demande de jouer la montre, de ne pas reprendre tout de suite

Quel est l’aspect le plus curieux à gérer, avec la VAR?

Après chaque décision majeure, un but ou un pénalty, on nous demande de jouer la montre. Il faut prendre le temps avant de laisser se poursuivre le jeu. On nous le dit dans l’oreillette : «ne reprends pas immédiatement». Il faut prendre ce délai pour vérifier.

Samedi, en DN, lors de Progrès – Mondorf, vous en auriez eu besoin, de la VAR ?

Je pense à une situation sur une main que la VAR aurait peut-être inversée. Mais c’est une décision qui a été vite acceptée tout simplement parce que les joueurs, chez nous, n’ont pas l’habitude d’être arbitrés avec la VAR. Mais si vous me demandez mon avis, nous, les arbitres, on veut un jeu juste. Si je me suis trompé, j’aurais aimé être corrigé. Dans ce cas-là, on sait mettre notre égo de côté.

Donc? Vous souhaiteriez qu’elle arrive au moins en Division nationale ?

On le souhaite, oui. Pour nous et les futurs arbitres. Mais c’est assez cher. Les clubs peuvent-ils l’assumer? Même la VAR light, avec quatre caméras, il faut des ressources pour que cela fonctionne.

La suite pour vous ?

Tout dépend du rapport de l’observateur. Tout a été très vite. Jusqu’à présent, je n’avais jamais fait qu’un premier tour de Conference League et me voilà dans un 3e tour avec la VAR alors que c’était ma première fois… On a été surpris. En septembre, je sais que j’aurai un match U21 sans la VAR. Mais là, la formation est validée pour un ou deux ans et à chaque fois que l’on fait un match avec la VAR et on repart automatiquement pour la même durée. Derrière, j’aimerais recevoir un match international A… Il y a toujours des moments où l’UEFA donne sa chance à un arbitre. Il faut en profiter quand ça arrive. Les Luxembourgeois ont un gros avantage : les langues. Ça aide. On n’a pas à se cacher non plus sur la qualité de nos décisions. Et à chaque fois qu’on va à l’étranger, on nous demande des nouvelles de Alain Hamer. Son nom a du poids. Si cela peut nous aider…