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Jeff Strasser, cinquante ans, ça en fait des histoires !


20220620 - Football - ( Premier entrainement Progrès Niederkorn 2022 ) Jeff Strasser - Photo Luis Mangorrinha / Le Quotidien

Longtemps seul joueur professionnel du pays, devenu l’un des coachs les plus prolifiques du Grand-Duché avec une féroce envie d’aller retourner voir plus haut, Jeff Strasser fête samedi son demi-siècle d’une existence quasiment en permanence axée sur le ballon rond.

Ses premiers crampons

«Avec du coton au bout»

«Comme beaucoup de garçons à l’époque : des Adidas noires avec les trois bandes blanches. C’était des simili-« Kaiser«  que je voulais absolument avoir alors que ma taille n’existait pas puisque j’avais 4 ans. Du coup, ma mère a mis du coton au bout pour compenser.»

Son premier coach

«Au moins, ma mère…»

«Indirectement, c’était mon père. Il y a une photo de moi que j’ai retrouvée chez ma mère il y a quelques jours où je suis sur l’ancien terrain de Mondorf, au centre-ville, en survêtement bleu, avec lui. Quand il m’entraînait, au moins, ma mère n’avait pas besoin de s’occuper de moi (il rit). Mais comme je voulais absolument faire de la compétition et qu’il n’y avait pas de catégorie poussins à Mondorf, je lui ai tellement pris la tête qu’il a fini par m’amener à l’Union. Là-bas, M. Felten, ou Feltes, je ne sais plus, a voulu que je signe après le premier entraînement.»

Sa première fois à Metz

«Tu viens pour de bon ou plus du tout»

«Entre 12 et 14 ans, je faisais beaucoup de tournois à Pâques et à Noël avec le FC Metz. J’étais invité. Et à un moment, on m’a dit : « Maintenant, tu viens pour de bon ou plus du tout« . La première année, j’étais en horaires aménagés dans une école à Luxembourg, jusqu’à 13 h 45, puis je prenais le train pour aller aux séances. Je faisais ça trois fois par semaine. Finalement, en 1989, j’ai intégré l’internat. C’était un nouveau système scolaire. Les trois premiers mois ont été très durs.»

Son premier match de D1

«C’était avant l’arrêt Bosman»

«C’était le 11 décembre 1993 contre Sochaux à Saint-Symphorien, à l’époque de Robert Pires, Jacques Songo’o… C’était avant l’arrêt Bosman. Il n’y avait que trois places pour les étrangers sur la feuille de match. Il y avait Jacques Songo’o, Anthony Baffoe… et moi, le jeune Luxembourgeois. Tous les autres, c’étaient des Français. À cette époque, le staff était restreint et quand vous êtes en train de vous échauffer et que Joël Muller vous appelle, avec le président Molinari en train de regarder, dans un stade où vous venez voir tous les matches, il y a une certaine émotion et une certaine pression. Ce n’était pas la concrétisation des efforts, c’était le début de quelque chose. Tu y vas très vite, vers le banc, pour entrer.»

Sa première fois en Bundesliga

«On perd 5-0, je sors à la 51e»

«Il y avait plus de ferveur, plus de médiatisation qu’à Metz mais c’est ce que je voulais, alors ce n’était pas déstabilisant. Quand on a 24 ans et que le coach s’appelle Otto Rehhagel, il fallait faire son trou. Je n’ai pas joué les quatre premiers matches. Je me suis vraiment demandé ce que j’étais venu faire là. Et puis je suis titulaire le cinquième, sur la pelouse du Werder Brême. On perd 5-0, je sors à la 51e minute. C’est fatalement plus facile, dans un groupe avec plein de stars, de sortir le petit jeune et tu te dis en sortant que ce n’est pas la meilleure chose qui puisse t’arriver. Et pourtant, après ça, je suis titulaire tout le reste de la saison parce que j’étais tombé sur un coach très expérimenté qui voulait me faire comprendre des choses. Après, il m’a donné sa confiance.»

Il y a eu un moment où les gens se prenaient des PV avenue Jeff-Strasser

Son premier capitanat

«C’est Dick Advocaat qui m’a installé»

«Je crois que c’était le 17 octobre 2004 avec Mönchengladbach contre… Kaiserslautern. Le premier capitaine, à l’époque, c’était Christian Ziege mais à partir de la phase retour, Dick Advocaat m’a installé au poste et ce n’était pas une pression. Juste un honneur après des années de travail et d’abnégation. Qu’un très grand coach de son acabit te donne le brassard alors que tu es un étranger dans un club de traditions. De ces brassards, j’en ai encore à la maison. D’ailleurs, ma mère avait fait une vitrine à la maison et tout récemment, elle l’a nettoyé et elle m’a remis des choses que j’avais presque oubliées. Comme un vieux panneau de rue que la ville de Metz avait installé pour en rebaptiser certaines autour du stade après notre qualification en Ligue des champions (NDLR : en 1998). Il y a eu un moment où les gens se prenaient des PV avenue Jeff-Strasser! (il rit)? J’ai aussi un vieux puzzle de Kaiserslautern même pas déballé, toutes les cartes de dédicaces de mes anciens clubs et c’est drôle de voir mon évolution physique… Tout ça, je le montre à mes enfants, qui ont envie de faire carrière aussi…»

Son premier duel avec une star

«Marc Overmars était injouable»

«Je dirais qu’un des tous premiers, c’était le Brésilien Rai, avec le PSG. Après, à Metz, j’ai joué à différents postes, mais j’ai vraiment commencé à gauche. Mais vraiment au tout début, j’ai joué le Colombien Asprilla, le Marseillais Ravanelli, l’Anglais Shearer ou le Parisien Ginola. Mais celui qui était vraiment injouable, c’était le Néerlandais Mark Overmars.»

Son premier stade fou

«Jouer au pied du Mur, quelle motivation !»

«Paris et Marseille le sont en France. Kaiserslautern l’est aussi. Mais je dirais Dortmund. Jouer là-bas, au pied du Mur jaune, même en étant sifflé – de toute façon, tu ne t’entends pas quand tu es en bas de cette tribune –, quelle motivation! Quand tout le public est contre toi, ça ne rend pas les choses plus faciles. Ce genre de truc, il faut le vivre. J’ai eu la chance d’y retourner pour le jubilé de Roman Weidenfeller. C’était d’une totale légèreté.»

Sa première grande déception

«Ils ont utilisé les mêmes escaliers»

«Je pourrais dire d’avoir raté le titre de champion en 1998 avec Metz, mais je jouais peu. Par contre, j’étais titulaire pour la finale de la Coupe de la Ligue 1999. Perdre 1-0 sur une frappe d’anthologie (NDLR : signée du Lensois Moreira) et regarder ton adversaire utiliser les mêmes escaliers que toi mais pour aller chercher le trophée…

Après, ne pas avoir atteint la finale de la Coupe de l’UEFA qui se jouait à Dortmund et se faire éliminer par Alavés en demi-finale, ça reste une immense déception. Après avoir perdu 5-1 à l’aller avec trois penalties contre nous, on se disait qu’avec la mentalité allemande, on pouvait renverser le score. Mais non. Je le garde en travers de la gorge.»

Qu’est-ce que tu changeras quand la prochaine chance arrivera ?

Ses premiers pas de coach

«Serais-je devenu coach sans ce hasard ?»

«Quand je décide de m’arrêter, en 2010, parce que mon genou ne suit plus. Alors je fais mon dernier match contre les Bleus à Saint-Symphorien, pour boucler la boucle. Comme le Fola n’était alors que 6e en championnat, venait de perdre à domicile contre Canach, que Philippe Guérard venait d’être remercié et que je ne pouvais plus jouer, autant que je serve à quelque chose alors qu’il restait trois matches à jouer avant la trêve. On a perdu le premier match – mais gagné les deux suivants –, que j’avais été préparer le samedi chez Pascal Welter. Cela m’a plu, mais il était hors de question que je devienne coach sans avoir les diplômes. Serais-je devenu coach sans ce hasard? Oui, je pense. Mais au Fola, c’était le début d’une histoire qui a accouché de deux titres.»

Ses premiers pas de coach… pro

«On est derniers. On gagne 3-0»

«Les dirigeants de Kaiserslautern et moi, on s’était rencontrés à l’aéroport de Francfort deux heures avant le départ de l’équipe pour l’Union Berlin où ils allaient perdre 5-0. Le directeur sportif m’appelle dans la foulée en me disant qu’il faut changer tout de suite. Je suggère qu’il vaudrait mieux attendre la trêve internationale. On me répond non et là, j’ai trois jours et trois séances pour préparer ma grande première, contre Greuther Fürth. Des moments très intenses pour être prêts, entre entraînements, vidéos… On est derniers. On gagne 3-0. Là-bas, c’était 100 % différent du boulot que j’avais au Fola. À cause des conférences de presse, des analyses, du fait qu’à Esch, je travaillais avec une équipe dominatrice et que là, ce n’était pas le cas… Là-bas, j’ai trop forcé sur ma santé pour ne pas laisser les joueurs seuls. Je suis persuadé à 300 % qu’on se serait maintenus si j’avais pu rester au lieu d’avoir ce problème d’arythmie cardiaque qui m’a mis au repos forcé. Je n’ai pas eu l’impression d’aller au bout des choses. Je me suis souvent dit : « Qu’est-ce que tu changeras quand la prochaine chance arrivera ?« .»

Une riche carrière en chiffres

Joueur ou coach sur 757 matches.

En tant que joueur : 401 matches professionnels (Metz, Kaiserslautern, Mönchengladbach, Strasbourg, Grasshoppers) dont notamment 194 de Bundesliga, 100 de Ligue 1, 50 de Ligue 2

En tant qu’entraîneur : 356 matches dirigés dont 218 avec le Fola (2,06 pts pris en moyenne par match), 11 avec Kaiserslautern (0,91 pt), 7 avec le Swift (1,57 pt), 30 avec la Jeunesse (1,57 pt), 80 avec le Progrès (2,15 pts)


Coupes d’Europe

En tant que joueur

Demi-finaliste de l’Europa League 2001

22 matches d’Europa League disputés

2 matches de Ligue des champions disputés

2 matches de Coupe Intertoto disputés

En tant que coach

8 qualifications avec le Fola, 2 avec le Progrès

24 matches dirigés, 3 tours passés en 12 oppositions

Sélection

98 sélections entre le 12 octobre 1993 et le 12 octobre 2010, 7 buts

Palmarès

En tant que joueur

1 Coupe de la Ligue française (1996)

1 montée en Ligue 1 (2007)

En tant que coach

2 titres de champion du Luxembourg (2013 et 2015)

1 Coupe de Luxembourg (2024)

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