La digitalisation est parfois un terme assez éloigné du quotidien des PME. Pourtant, Luxinnovation, l’Agence nationale pour la promotion de l’innovation et de la recherche au Luxembourg, veut aider les petites et moyennes entreprises à développer leur potentiel digital et numérique.
Pouvez-vous faire un petit bilan de la structure Luxinnovation depuis que vous avez pris vos fonctions de directeur en 2013?
Jean-Paul Schuler : Il y a eu des changements significatifs depuis que j’ai pris mes fonctions. Pour commencer, nos effectifs ont presque doublé, passant de 38 personnes à 68. Mais au-delà du nombre, c’est la mentalité et la culture qui ont changé.
Il faut se rappeler que ma prise de fonction s’est accompagnée d’une volonté d’apporter un regard nouveau, notamment sous l’impulsion de Raymond Schadeck, devenu président de Luxinnovation en 2012. Sa volonté, et celle des membres du conseil de gérance, était d’engager une personne expérimentée venant du secteur privé afin de changer le style de management et les processus au sein de Luxinnovation.
Donc, aujourd’hui, Luxinnovation est plus dynamique qu’auparavant?
Je pense avoir réussi, avec mes équipes, à rendre Luxinnovation plus innovante. Sans vouloir être péjoratif, à mon arrivée, cette institution était plutôt poussiéreuse et bureaucratique. J’ai eu la chance d’avoir dès le départ une grande partie des équipes déjà en place qui affichaient une mentalité davantage tournée vers l’innovation que vers l’administratif.
Il fallait alors juste leur donner les moyens d’exprimer cette mentalité et de s’épanouir dans ce nouveau style de management. D’un autre côté, il a fallu convaincre une plus petite partie des équipes de changer leur façon de travailler. Je pense qu’au fil du temps, nous avons réussi.
Pour finir, il y a une très petite minorité de personnes qui n’ont pas été convaincues par ce changement et qui sont parties de leur plein gré, réalisant qu’elles ne pourraient pas s’intégrer dans cette nouvelle organisation ni adopter notre nouvelle culture entrepreneuriale.
Une de vos missions a été de vous rapprocher des PME luxembourgeoises. Est-ce que vous avez réussi?
Oui, nous avons réussi. Au début, il y avait une interprétation différente, tant du côté du ministère de l’Économie que des PME et de Luxinnovation, du terme « innovation ». L’innovation était alors davantage perçue comme étant le résultat d’une recherche débouchant sur un nouveau produit.
Alors que pour nous, il s’agit avant tout de la création de valeur ajoutée pour l’entreprise. Cela peut être un nouveau produit ou un nouveau service, mais aussi une amélioration d’un processus de production ou de logistique, ou bien une amélioration de la qualité du travail, du produit ou encore du processus des achats et ventes. Quand on comprend cette notion, cela permet d’ouvrir différentes portes pouvant déboucher sur de nouvelles opportunités.
Concrètement, comment cela se traduit-il pour une entreprise de petite taille ou de taille moyenne?
Nous avons par exemple créé le programme Fit 4 Innovation, qui est justement destiné aux PME. Il s’agit d’un diagnostic complet du fonctionnement d’une entreprise, des achats jusqu’aux ventes. À la suite de cette analyse, il est proposé à l’entreprise en question de mettre en place des actions concrètes pour améliorer sa productivité, sa performance ou même son efficience.
Est-ce que cela fonctionne?
Oui, car dans le cadre de ce programme, Luxinnovation qualifie les experts qui vont travailler avec les PME. Il y a un suivi de la part de nos équipes tout au long du projet afin de s’assurer que la PME est bien accompagnée. De surcroît, le programme Fit 4 Innovation pose deux conditions essentielles à l’expert, qui garantissent le bon déroulement du projet : il exige que les coûts de l’expert soient rentabilisés au moins du double dans l’année qui suit le projet et que la moitié de la rémunération de l’expert soit versée en fonction des résultats atteints.
Cela permet d’éviter que des experts proposent des solutions non adaptées aux besoins des entreprises ou non réalisables à court terme. Ce programme fonctionne très bien, avec plus d’une cinquantaine d’entreprises qui y participent depuis le lancement en 2015, après une phase pilote en 2014.
Ce programme a-t-il tout de même un coût pour les PME?
Le coût moyen pour une PME, du diagnostic à l’implémentation des solutions proposées, se situe entre 150 000 et 200 000 euros. Il faut préciser qu’elles peuvent bénéficier d’une aide de l’État à hauteur de 25 %.
C’est quand même un investissement très important pour une PME…
C’est vrai. Comme mentionné, ce programme garantit un retour sur investissement d’un minimum de deux fois la mise de départ. Pour être précis, on parle de 50 % des honoraires, qui ne sont dus que si l’entreprise gagne ou économise, sur la durée du projet, le double des honoraires budgétisés.
Par exemple, une entreprise ne paiera 150 000 euros d’honoraires que lorsque 300 000 euros de gains auront été avérés. Mes équipes suivent la mise en œuvre des projets et cette règle ne peut être contournée. Actuellement, nous sommes en moyenne à un retour sur investissement se situant entre trois et quatre fois l’investissement de départ pour les entreprises après la première année de l’implémentation des solutions envisagées.
Retrouvez l’intégralité de l’interview dans votre Quotidien du lundi 4 décembre.
Jeremy Zabatta