Dans quel climat vivent aujourd’hui les (nombreux) non-vaccinés de DN ? Nous avons trouvé un de ces parias. Il témoigne, mais anonymement : «trop dangereux».
En général, terminer une interview par les mots «bon courage» est un petit geste d’empathie strictement réservé aux joueurs dont on sait qu’ils vont devoir surmonter quelque chose de lourd. Souvent une blessure. Ou une défaite particulièrement douloureuse. Là, les mots sont sortis naturellement et ont résonné curieusement.
Le joueur au bout du fil les a acceptés de bonne grâce, sans même se rendre compte qu’ils étaient peut-être curieusement placés. Mais par les temps qui courent, en cette course effrénée à la vaccination, sur le point d’être institutionnalisée par le gouvernement ce qui met tant de sportifs du pays en demeure de faire une croix sur leur passion, ce «bon courage» était presque de circonstance.
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Et puis le joueur en question a rappelé, trente minutes plus tard. Entretemps, il avait eu sa mère au téléphone et pris le pouls. «Elle m’a conseillé de conserver l’anonymat. Vous comprenez, c’est dangereux.» Être non vacciné dans le football luxembourgeois, aujourd’hui, c’est «dangereux», donc. Et ce très bon joueur, dont on a beaucoup parlé en ce début de saison et qui se retrouve menacé de devoir plier bagage, ne voudrait pas se rajouter un poids supplémentaire en se retrouvant aussi stigmatisé au travail.
C’est une rareté donc, mais l’anonymat sera de rigueur. Que ne ferait-on pas pour un témoignage de ce que vivent les joueurs qui refusent pour l’heure de passer sous la seringue…
Le temps est à l’orage pour les non-vaccinés. Comment allez-vous ?
Oui, effectivement, je suis non vacciné. Mais je tiens le coup même si psychologiquement, c’est dur. On se rend compte qu’on ne vit plus forcément dans une démocratie mais un peu dans une dictature. Parce qu’on nous force finalement à faire ce qu’on veut qu’on fasse. Je ne suis pas du tout antivaccin, mais il conviendrait juste qu’on soit libres de le faire ou pas. C’est triste d’en arriver là, à cette position inconfortable.
Comment avez-vous appris ces mesures ?
Je ne lis pas trop les journaux, je ne regarde pas trop les médias. Mais là, sur mon téléphone, toutes les cinq minutes, je voyais des alertes qui tombaient au fur et à mesure que les mesures étaient annoncées. Je n’avais pas trop envie d’y croire. Mais j’avais compris. Et j’ai reçu un coup de téléphone du coach qui m’a dit que ce serait bien que je me vaccine maintenant.
J’étais au travail et j’avais l’esprit occupé, je lui ai répondu « oui, oui« , mais ensuite, j’y ai réfléchi et j’ai envoyé un message pour dire qu’on en reparlerait. Il m’a dit « on en parle ce soir« . Et le soir, il y avait le coach, mais aussi le secrétaire, le président…
Ils m’ont expliqué qu’on avait eu des cas il y a un mois et demi et que tous ces cas étaient des non-vaccinés. Moi, j’ai dit que forcément, puisque les vaccinés, eux, ne se testaient pas. Donc on ne peut pas savoir. J’ai ajouté que l’idée du vaccin ne me dérange pas, mais aussi qu’on est dépassés par cette histoire.
J’ai vu mes dirigeants énervés après moi, mais je les comprends
On imagine que ce n’en est pas resté là.
Cela ne pouvait pas en rester là vu la situation. Ce jour-là, je les ai vus un peu paniqués par les annonces. Et énervés après moi, mais c’était sous le coup de la panique. Je les comprends, pourtant. Et je crois qu’ils me comprennent. Aujourd’hui, j’ai un choix à faire.
Ils m’ont même proposé de faire un Johnson parce qu’on peut être vacciné avec une seule injection, mais je crois que si je dois le faire, je prendrai plutôt un Pfizer. Mais je ne suis pas dans l’optique de le faire pour le moment.
Vous vous rendez compte de ce que cela implique. Ce n’est même pas une question…
C’est une grande partie de ma vie, le football. J’ai commencé à 7 ans et envisager de ne plus en faire n’est pas agréable. Je me dis, à certains moments, que je peux aller jouer à l’étranger mais ce genre de pression risque d’arriver un peu partout ailleurs très vite. En fait, quand on me présente les choses, c’est comme ça : soit tu te vaccines, soit tu arrêtes de jouer au foot.
J’ai entendu dire que même Aurélien Joachim (NDLR : l’attaquant de Differdange) pensait arrêter. Mais lui a 36 ans. Moi, j’ai une dizaine d’années de moins. Je crois qu’il serait bon de rappeler aux dirigeants, aussi, que beaucoup de joueurs ont choisi de faire ce vaccin seulement pour pouvoir continuer à jouer au foot, coûte que coûte. Beaucoup ne voulaient pas. Et aujourd’hui, la BGL Ligue risque d’être privée de beaucoup de très bons joueurs. Des bien meilleurs que moi d’ailleurs.
Avez-vous l’impression que les clubs ont vraiment respecté le libre choix de leurs joueurs, ces derniers mois ?
Des fois, à la buvette, des dirigeants ou des bénévoles me disaient gentiment « alors, tu as décidé de te faire vacciner« en riant, mais finalement, c’est une façon de mettre la pression sans en avoir l’air. Moi, je réfléchis. Je ne veux pas qu’on m’impose quelque chose.
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Mais si c’est pour sauver vos droits à jouer au football…
J’ai fait tous les vaccins obligatoires. Même si je ne me dis pas qu’il y en a, on ne sait pas encore s’il y a des effets indésirables avec celui-ci. Bref, moi, j’aurais voulu continuer à jouer le plus longtemps possible. Jusqu’à 38-40, on voit encore des joueurs très performants. Mais moi, le football, je pourrais aussi le pratiquer dans un club « de buvette« (sic) sans problème. Je pense que si je ne me vaccine pas, je rejouerai quand même un jour au football.
Ma situation n’est pas si dramatique. Mais cela me fait bizarre de penser que mon dernier match de championnat était peut-être, justement, le dernier. Je m’y suis blessé là. Si ça se trouve, je ne rejouerai plus et je ne le sais pas.
Vous comprenez que tous les clubs de DN annoncent qu’ils mettront bientôt fin aux contrats des non-vaccinés ?
Oh vous savez, moi, j’ai un travail à côté. Le foot, c’est une rentrée d’argent supplémentaire. Je sais bien que l’argent, ça vient, ça part, et que le foot, ça n’est pas ça, c’est autre chose.
Recueilli par Julien Mollereau
Vous jouerez au mini foot de table, a la clinique, avec long covid et oxygene pendant 1 an…