La scène qu’ont découverte les policiers tenait des meilleurs films gores. Alberto, schizophrène, dit avoir été inspiré par Dieu pour commettre un crime barbare dans la colocation où il vivait.
«Aux yeux de Dieu, j’ai tué Lucifer. Je n’ai pas tué une femme.» Alberto a l’air loin, très loin. Sur le banc des accusés, ce grand gaillard de 47 ans affiche l’air ravi d’un enfant qu’on emmène au spectacle. Son propre procès. Un procès exceptionnel par l’horreur du crime commis. Le cuisinier d’origine andalouse est accusé d’avoir assassiné la petite amie de son colocataire avant de la démembrer, la décapiter et la dépecer partiellement.
Le rapport de la médecin légiste donne des haut-le-cœur. Elle avait prévenu les parents de la victime avant de commencer. Certains membres ainsi que des bouts de peau et de chair avaient été placés dans des sacs en plastique. Alberto s’était ensuite rendu dans un magasin pour acheter un hachoir à viande. Les faits ont eu lieu le 22 décembre 2022 rue Anatole-France à Bonnevoie le matin entre 8 h 40 et 13 h 15. La jeune femme de 32 ans a succombé des suites de ses blessures au cou. Les autres sévices lui ont été infligés post mortem.
Le crime avait été découvert après qu’un des colocataires avait été secouru par la police alors qu’il venait lui-même d’être attaqué par le prévenu. En visitant la colocation, les agents avaient découvert la scène du crime et les restes de Diana. «La situation était surréaliste. J’ai vu des bras avec des bijoux et j’ai compris», s’est souvenu à la barre le policier qui a été le premier à pénétrer dans l’appartement. «Alberto était couvert de sang. Il parlait de manière incohérente de Lucifer. Il n’a pas opposé de résistance quand nous l’avons appréhendé.» Alberto portait un sac à dos contenant une statue de la Vierge Marie.
«J’étudiais pour mes cours du soir. Il a fait irruption dans ma chambre armé d’un couteau et d’un outil pour l’aiguiser. J’ai été surpris, parce que d’habitude il toquait à la porte. Il m’a frappé. Je suis tombé à terre et il s’est assis sur moi et a continué à me frapper. J’ai essayé de le désarmer», a témoigné le jeune homme qui a été très gravement blessé aux mains, au bras gauche, aux jambes et au thorax juste à côté du cœur. Il a réussi à se libérer grâce à un voisin venu le secourir.
Délires mystiques
Le procès qui a débuté ce vendredi matin doit se poursuivre toute la semaine prochaine. L’état mental du prévenu pourrait conduire la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg à le déclarer irresponsable. Alberto pourrait alors échapper à une incarcération criminelle. Pour un expert psychiatre, le prévenu est atteint d’une forme sévère de schizophrénie paranoïde qui est caractérisée par le délire et des troubles du comportement.
Arrivé au Luxembourg il y a 12 ans après avoir traversé l’Europe à la recherche d’un emploi, le père de deux filles aurait «décompensé» à la suite du décès d’un ami. «Il était persuadé qu’il était allé en enfer», rapporte le médecin. L’homme a des délires mystiques. «Il entendait les voix de Dieu et de démons (NDLR : le pape François, Kim Jong-un et Shakira) qui lui dictaient son comportement», a poursuivi l’expert. Alberto avait déjà été interné une première fois après «avoir mis le feu pour chasser les démons. Il était persuadé d’en avoir capturé et voulait les livrer au Vatican.»
Encadré dans un premier temps par la Ligue luxembourgeoise d’hygiène mentale et un psychiatre, Alberto allait mieux. Il avait quitté son appartement thérapeutique et emménagé dans la colocation de Bonnevoie où il a rechuté un an plus tard malgré son traitement. L’expert ne parvient pas à l’expliquer. Il ne peut qu’émettre des hypothèses. «Il a vu Lucifer en la compagne de son colocataire. Il a pu la percevoir comme un élément perturbateur de son intimité», note-t-il. «Il a peut-être vu en elle le mauvais œil. L’œil du diable.» Ce qui expliquerait qu’il lui a également écrasé les yeux.
Sa maladie a annihilé ses capacités de discernement, selon l’expert. «Il ne distinguait plus le bien et le mal. Au contraire, il les intervertissait. Il était persuadé de faire le bien.» Il ne peut exclure une rechute. Un débat s’est ensuite engagé entre l’avocat de la partie civile, Me Rollinger, et l’expert sur la possibilité que l’arrêt partiel de son traitement ait pu favoriser son passage à l’acte. Pour l’expert et le procureur, cet arrêt ne lui serait pas imputable, car la rechute l’aurait entraîné et pas l’inverse.
L’avocat des parents de la victime va plus loin. Si Alberto est déclaré irresponsable, quelqu’un d’autre doit porter la responsabilité de son acte. «Le risque zéro n’existe pas», a indiqué l’expert. Se pose alors la question épineuse de la place d’Alberto dans la société ou en détention et du danger potentiel qu’il représente avec ou sans traitement.