Ruben Querinjean apprend vite. Très vite. Invité de dernière minute pour les Europe de Rome, il a décroché in extremis et avec la manière, son billet pour Paris.
S’il y en a un sur qui on ne comptait vraiment pas pour faire partie du contingent olympique il y a encore quelques mois de cela, c’est bien Ruben Querinjean! Et pourtant, le spécialiste du 3 000 m steeple est bien là! Comme pour Rome, où il avait arraché de justesse l’avant-dernière place qualificative pour les championnats d’Europe, il a réussi à se faufiler in extremis dans le bon wagon pour Paris.
Classé au-delà de la 50e place dans le Road to Paris (pour 36 places) avant le dernier week-end de qualifications, l’élève de Thomas Vandormael devait tout miser sur une seule tentative : «Après Liège, où il avait fait une bonne course en 8’22″, on a regardé le ranking. On s’est dit que ça allait être compliqué. Mais comme on pouvait avoir la wavelight et des lièvres au Luxembourg, on a tenté le tout pour le tout», indique le technicien.
C’est le steepler qui a pris les choses en main : «Il s’est occupé de contacter les mecs. Il a regardé tous les athlètes qui n’étaient pas repris aux championnats de France. De fil en aiguille, il est tombé sur un entraineur qui connaissait un gars, qui connaissait un gars. Vol, logement, Ruben a tout négocié. Avec l’assistance technique de la fédé, le jour même, je me suis dit qu’on allait tenter.» Avec un résultat époustouflant puisqu’il explosait son record national. En 8’18″82, il se rapprochait vraiment des minima olympiques (NDLR : 8’15″00). Et à l’issue de sa course, il voulait y croire : «Je n’ai pas de regret. J’ai tout donné. On verra si ça passe.»
Son coach avait savouré : «Ça s’est hyper bien passé. C’était assez prenant alors qu’il n’y avait que des courses de haies ce jour-là. On a vu les gens du COSL débarquer pour l’encourager aussi. Et je dois dire qu’il m’a scotché! C’était un moment magique!»
«C’est une aventure assez romanesque»
Comme quoi Thomas Vandormael arrive encore à être surpris par un gars qu’il côtoie depuis plusieurs années : «Cela fait six ou sept ans qu’on travaille ensemble. On a commencé en championnats provinciaux en Belgique, puis en région francophone, les championnats d’Europe et maintenant les JO. C’est une aventure assez romanesque», sourit-il.
En coulisses, son coach avait sorti sa calculette. Et son téléphone : «J’ai activé mes sources et j’avais reçu des informations d’Angleterre et de Suède qui me donnaient beaucoup d’espoir.» Et effectivement, quelques jours après la fin de la période officielle de qualification, on apprenait que Ruben Querinjean avait réussi son incroyable pari de se qualifier pour les JO!
Absent de la cérémonie d’ouverture – «ça aurait fait trop d’allers-retours» –, l’athlète avait préféré continuer sa préparation : «On avait un stage de prévu à Font-Romeu (NDLR : où ils vont depuis 4 ans et se sentent comme à la maison) mais on ne savait pas exactement quand. Il a bataillé jusqu’au bout pour se qualifier. Il était sur la corde raide. En plus il était un peu malade donc on a attendu 5 ou 6 jours et on est partis le 4 juillet pour trois semaines. J’ai senti qu’il avait besoin de récupérer. Et avec Jean-Baptiste Souche (NDLR : le DTN), on a convenu qu’il était préférable pour lui d’arriver trois jours avant le début de sa compétition.»
Une énorme marge de progression
C’est en altitude qu’ils ont continué le boulot. En mettant, entre autres, l’accent sur le gros point faible de Ruben Querinjean : le franchissement de haies. Où il a clairement une énorme marge de progression : «En 2020, on revenait de Font Romeu. Il avait fait 8’26″ sur le plat. Je lui ai dit que s’il faisait la même chose avec des haies, il irait à Paris. On avait prévu de bosser la technique. Mais chaque fois, ces 18 derniers mois, notre travail a été limité car il a eu pas mal de blessures.» Malgré tout, le technicien voit du mieux. Même si ce n’est forcément très beau : «On voit qu’il arrive de mieux en mieux à enchaîner les franchissements. Après, c’est vrai que ce n’est pas esthétique mais c’est efficace. Il se qualifie pour les Jeux en étant techniquement médiocre. Ça fait rêver!»
Avant de rêver à plus grand, place aux séries, ce soir : «Il a le 30e chrono. Ils ne sont que quinze en finale. Il faut prendre l’une des cinq premières places. On est ambitieux mais réaliste. Les mecs sont prêts comme jamais. Beaucoup ont peu couru pour préparer les JO. Maintenant il est plus stable qu’à Rome, où il avait manqué d’énergie sur la fin. On a travaillé là-dessus. Il est prêt pour aller à la bagarre sur le dernier kilo. En tout cas, il s’est donné les chances pour passer en finale.»
Et d’ajouter : «Je pense qu’il faudra courir en 8’15″ pour aller en finale. Ruben n’est pas si loin. Ce sera très dense. Souvent, dans ce genre de situations, c’est l’expérience qui parle. Et il faut avouer qu’il n’en a pas beaucoup. On verra bien.» Comme on l’a déjà dit, le garçon n’a pas fini d’épater son coach : «Il doit vivre sa série. Il va courir avec son style à lui, pas élégant mais avec du cœur. Chaque grosse course qu’il avait, personne ne l’attendait. Il n’a jamais froid aux yeux!» Alors, Thomas Vandormael ne serait pas contre se faire encore surprendre par son athlète.