Le LSAP n’a pas trouvé de majorité pour inviter le gouvernement à allonger le délai de 12 à 14 semaines. Un refus catégorique du CSV a empêché une discussion plus approfondie.
La cheffe de fraction du LSAP, Taina Bofferding, a pris un peu de court les autres partis siégeant à la Chambre en déposant, hier, en début de séance plénière, une motion invitant le gouvernement à «prolonger le délai légal pendant lequel une interruption volontaire de grossesse peut être pratiquée de 12 à au moins 14 semaines de grossesse». Il s’agit d’une revendication majeure du Parti socialiste, venu présenter son plan d’action vendredi dernier. S’y ajoutent notamment l’extension des exceptions aux 12 semaines, l’intégration du délit d’entrave dans le code pénal ou encore le renforcement global du travail de prévention et de sensibilisation.
«Il est important, en ces temps où le droit à l’IVG est remis en question par certains gouvernements de droite, que le Luxembourg reconnaisse très clairement le droit des femmes à disposer de leur corps. L’avortement est un choix très personnel, dans lequel l’État ne doit pas s’immiscer, mais il doit assurer le meilleur encadrement possible aux femmes concernées», résume Taina Bofferding.
«Un sujet fondamental»
Aucun parti n’est venu remettre en question, hier, le principe du «mon corps, mon choix». Lors du débat sur la motion, les différents intervenants se sont accordés pour discuter plus en profondeur des revendications du LSAP. Un compromis s’est retrouvé sur la table : renvoyer la motion en commission parlementaire afin d’analyser et décortiquer davantage les arguments. «Je ne suis pas opposée à cette proposition, mais j’insiste pour que tous les points soient débattus, y compris la prolongation du délai légal. Si ce n’est pas le cas, on n’a pas besoin de discuter», se positionne Taina Bofferding.
«On est prêt à discuter du contenu de la motion, mais pas du délai», avait martelé auparavant Diane Adehm (CSV). Ce refus catégorique a fait voler en éclats la proposition d’approfondir la thématique avant de soumettre la motion au vote en séance plénière. Le DP, partenaire de coalition du CSV, s’est montré moins strict, même si, entre les lignes, l’opposition d’allonger le délai est à déceler.
«Passer à 14 semaines constitue le point de discussion majeur. Le projet de loi supprimant l’abolition du délai de réflexion obligatoire de trois jours entre la consultation médicale et l’acte de l’IVG constitue un premier pas. Une discussion éthique accompagne un allongement du délai d’avortement. De plus, une IVG tardive représente un risque de santé plus élevé», développe Carole Hartmann (DP).
L’ADR s’est joint à la position du CSV. «Je trouve que l’on force ce débat. En même temps, les choses sont très claires pour nous : on s’oppose à un allongement du délai», martèle Fred Keup.
Même les partis plutôt favorables à la revendication majeure du LSAP ont souhaité temporiser. «Le contenu de la motion obtient notre plein soutien. Or, je comprends aussi ceux qui souhaitent mener une discussion plus approfondie. L’objectif doit être de dégager le plus large consensus politique possible sur la question», avance ainsi Marc Baum (déi Lénk). «Je salue le principe de discuter de l’IVG, mais il ne m’est pas possible de prendre une décision en âme et conscience dans un délai de quelques heures», ajoute Sven Clement (Parti pirate).
Pour Sam Tanson (déi gréng), il est «très important que la Chambre se positionne sur ce sujet fondamental». «On est en 2025, mais l’IVG n’est plus une évidence. La question la plus importante est dès lors d’ancrer le droit à l’avortement dans la Constitution», souligne l’ancienne ministre de la Justice. Elle invite aussi à approfondir la réflexion sur le délai légal, sachant que le Planning familial enregistre de plus en plus de cas, où des femmes doivent partir à l’étranger pour avorter au-delà des 12 semaines de grossesse.
Le vote : 39 non, 18 oui, 2 abstentions
L’argument avancé lors du débat qu’un délai allongé ouvre la porte à d’éventuels abus est rejeté par le LSAP, déi gréng et le Parti pirate. Des gynécologues renvoient vers le test prénatal qui permet au bout de 10 semaines de détecter le sexe de l’enfant. Ils redoutent des avortements si le sexe ne convient pas. «Je suis un peu choquée par ces propos. Il existe certainement des cas, mais les femmes qui veulent avorter pour cette raison, peuvent déjà le faire», estime Sam Tanson. Sven Clement évoque des résultats scientifiques concluant à un nombre «anecdotique» de tels cas. «Les abus n’ont pas explosé dans les pays où le délai est déjà fixé à 14 semaines», termine Taina Bofferding.
En fin de compte, la motion du LSAP, et donc aussi la proposition d’allonger le délai légal d’avortement, a été rejetée par 39 députés (CSV, DP, ADR), contre 18 oui (LSAP, déi gréng, déi Lénk) et 2 abstentions (Parti pirate). Le résultat du vote reflète la position du gouvernement, qui est opposé à toute prolongation du délai légal de l’avortement.