L’inscription de l’IVG dans la Constitution française se heurte mercredi aux réticences de la droite lors d’un vote indécis au Sénat, où certains vont tenter de freiner la réforme à défaut d’être suffisamment nombreux pour la rejeter.
Le président Emmanuel Macron avait pris l’engagement le 8 mars 2023 d’inscrire l’IVG dans la loi fondamentale, répondant aux inquiétudes nées de l’annulation de l’arrêt garantissant aux Etats-Unis le droit d’avorter sur tout le territoire. Après une adoption fin janvier à l’Assemblée avec une majorité écrasante, les débats qui débutent dans l’après-midi au Sénat s’annoncent plus tendus.
D’un côté, le gouvernement soutenu par la gauche en faveur de cette révision, de l’autre, une partie de la droite et des centristes encore sceptiques devant la formulation retenue par l’exécutif.
« La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Le texte soumis au vote des 348 sénateurs peine à convaincre les rangs de la majorité sénatoriale, une alliance entre la droite (Les Républicains – LR) et le groupe centriste.
Le camp du « pour » a remporté une première victoire mercredi matin : la Commission des Lois du Sénat a en effet rejeté tous les amendements de modification rédactionnelle déposés par la droite, selon plusieurs parlementaires. Une tendance qui doit encore être confirmée en séance publique dans l’après-midi.
Ces débats sémantiques sont essentiels car un vote sans modification de la chambre haute est un préalable à cette révision constitutionnelle soutenue par 86% des Français, selon un sondage Ifop de novembre 2022. La réforme sera ensuite soumise au Congrès réunissant les deux chambres du Parlement à Versailles, où une majorité des trois cinquièmes sera requise pour l’adopter définitivement.
Mais le vote du Sénat reste incertain: les trois chefs de la majorité sénatoriale – le président du Sénat Gérard Larcher, le président du groupe LR Bruno Retailleau et celui du groupe centriste Hervé Marseille – sont en effet opposés à la réforme.
Congrès le 4 mars
« Il n’y a pas de menace qui pèse sur l’avortement en France », insiste M. Retailleau. « Nous prendrons le temps qu’il faut », répète toutefois à l’envi le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, assurant que la France deviendrait « le premier pays au monde à protéger (constitutionnellement) la liberté des femmes à disposer de leur corps », alors que celle-ci est remise en cause aux États-Unis ou dans certains pays d’Europe.
Les associations de défense des droits des femmes comme les collectifs d’opposition à l’IVG ont multiplié les initiatives ces derniers jours pour convaincre les sénateurs. Plusieurs rassemblements pro et anti-constitutionnalisation sont annoncés aux alentours du Sénat dans l’après-midi.
Dans les rangs de la droite, la pression sociale ou familiale a fait basculer certains votes: en privé, plusieurs sénateurs reconnaissent qu’ils ont changé d’avis et ne s’opposeront pas à la réforme, laissant entrevoir une nette majorité en faveur de l’inscription de l’IVG dans la Constitution.
Amendements
La question est surtout de savoir si le texte sera modifié, ce qui obligerait l’Assemblée nationale à s’en saisir à nouveau et repousserait le calendrier de la réforme.
« Il n’y a pas d’opposition pour la constitutionnalisation, à condition que ce soit fait proprement », résume la rapporteure Agnès Canayer, désignée par le groupe LR. Cette dernière défend un amendement de suppression du mot « garantie », au profit d’une simple « liberté »… Cette rédaction avait déjà été approuvée par le Sénat en février 2023.
« Le seul objectif: faire échouer le texte », s’est insurgée l’écologiste Mélanie Vogel, déterminée comme toute la gauche à obtenir une adoption sans modification. Une trentaine de sénateurs LR portent, par ailleurs, un autre amendement pour inscrire dans la Constitution la clause de conscience des médecins, non tenus de pratiquer l’IVG s’ils ne le souhaitent pas.
Encore une sottise de Macron, qui les accumule.