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Italie : un programme contre l’austérité, contre les immigrés etc.


Luigi Di Maio, 31 ans, chef de file du Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème), aujourd'hui premier parti d'Italie avec plus de 32% des voix aux dernières législatives. (Photo : AFP)

Les populistes italiens ont rendu public vendredi un « contrat de gouvernement » qui, s’il ne prévoit pas de sortie unilatérale de l’euro, tourne résolument le dos à l’austérité et aux « diktats » de Bruxelles.

Ce programme commun entre le Mouvement Cinq Etoiles (M5S, antisystème) et la Ligue (extrême droite) affirme aussi son caractère nettement à droite sur les thèmes comme l’immigration ou la sécurité. Il sera en principe présenté lundi au président Sergio Mattarella en vue de former, dans les jours suivants, le premier gouvernement antisystème dans un pays fondateur de l’Union européenne.

Mais encore faudra-t-il lui trouver un chef. « C’est un moment historique », a annoncé le chef de file du M5S, Luigi Di Maio, 31 ans, en révélant sur Facebook ce texte en 30 points présentés par ordre alphabétique sur une soixantaine de pages. Les militants sont invités à voter jusqu’à 20h sur « Rousseau », la plate-forme internet du M5S, formation qui prône la démocratie participative depuis son lancement en 2009 par le comique Beppe Grillo.

« Fini les mensonges des journaux »

« Des jours et des nuits de travail (…). Fini les mensonges des journaux et télés, voici la réalité: ça vous plaît ? », a demandé sur Twitter Matteo Salvini, 45 ans, chef de la Ligue, qui a promis de faire voter ses militants samedi et dimanche sur des stands à travers le pays.

Mais le mystère reste entier sur le nom et même le profil du futur chef du gouvernement. Seule certitude, « ce ne sera ni moi, ni M. Di Maio (…). Nous sommes en train de chercher une synthèse », a assuré Matteo Salvini, 45 ans. D’une façon générale, ce « contrat de gouvernement du changement » tourne résolument le dos à l’austérité et parie sur une politique de croissance pour réduire la colossale dette publique italienne.

Ce programme ne parle plus explicitement d’une sortie de l’euro, comme cela avait été le cas dans de premières ébauches, mais entend « revoir, avec les partenaires européens, le cadre de la gouvernance économique », y compris la monnaie unique, pour revenir à une Europe des pères fondateurs, de « paix, de fraternité, de coopération et de solidarité ». De quoi préoccuper les partenaires européens, qui ont régulièrement rappelé l’Italie au respect des règles européennes. Et les marchés financiers: la Bourse de Milan perdait 1,3% dans l’après-midi et le spread — l’écart très regardé en Italie entre les taux d’emprunt italien et allemand à dix ans — atteignait 161 points (+30 points par rapport à mardi soir).

Comment financer tout cela ?

Selon certains experts, il n’y a pourtant, pas encore, péril en la demeure. « Par rapport aux projets précédents, le texte est beaucoup plus modéré », a jugé Giovanni Orsina, professeur de sciences politiques à l’université Luiss de Rome. Reste cependant, souligne-t-il, le « problème du financement » de toutes les mesures préconisées, dont le coût total a été estimé par certains experts à plus de 100 milliards d’euros par an. Dans le pays le plus vieux du monde après le Japon, les deux partis prévoient d’abaisser l’âge de la retraite, qui devait selon la loi actuelle passer à 67 ans en 2019. Désormais, il sera possible de cesser le travail quand la somme de l’âge et des années de cotisation aura atteint le chiffre 100.

De l’écologie à l’anti-islam…

Et les deux promesses-phare des partis sont bien là: une réforme fiscale « courageuse et révolutionnaire » avec des baisses d’impôts drastiques pour la Ligue, l’instauration d’un « revenu de citoyenneté » de 780 euros par mois pour le M5S. Dans cette tentative de synthèse de deux philosophies politiques, on trouve aussi bien la rhétorique du M5S sur l’environnement, les nouvelles technologies ou encore la moralisation de la vie publique que le tour de vis sécuritaire, anti-immigrés et anti-islam de la Ligue.

Le texte évoque aussi l’abandon des sanctions contre la Russie, l’instauration d’un salaire minimum, un coup d’arrêt à la vente d’Alitalia et une remise à plat du projet de liaison Lyon-Turin, une lutte contre les jeux de hasard ou encore l’interdiction des francs-maçons au gouvernement. Le nouveau gouvernement, s’il voit le jour, devra aussi résoudre l’équation de l’équilibre du pouvoir entre le M5S, qui a obtenu plus de 32% aux législatives du 4 mars, et la Ligue qui ne « pèse » que 17% mais a beaucoup monté dans les sondages et assure toujours représenter les 37% d’électeurs de la coalition de droite formée avec Silvio Berlusconi. Vendredi, le vieux milliardaire a clairement rejeté ce programme commun, le jugeant hors sujet. Or, la Ligue et le M5S ne disposent que d’une courte majorité de six élus au Sénat.

AFP.