Les deux bars Italiens d’Esch-sur Alzette ont poussé la Squadra jusqu’au bout, lundi soir, pour cette ultime rencontre face à la Suède. L’immigration transalpine est historique dans la Métropole du fer.
À la fin de la rencontre, personne n’osait croire au résultat. « 1958, glisse un jeune homme en pensant à la dernière élimination de l’Italie en phase de qualification. Ça veut dire que leurs pères ont toujours vu l’Italie à la Coupe du monde, et leurs grands-pères aussi. Avant de toute façon, il n’y avait pas la télé, pas de souvenirs… » L’Italie ne sera pas dans l’album Panini 2018.
Pourtant dès 20h, les deux bars italiens qui font l’angle du boulevard Prince-Henri avaient fait le plein. Impossible de trouver une place assise. Dans une sorte de hiérarchie convenue, tout le monde s’était mis d’accord pour laisser les « anciens » prendre les places devant, et les plus jeunes, coiffés les cheveux en arrière, pour rester debout. Au café Italia, le patron a monté le son comme un sourd pour l’hymne transalpin, repris comme un seul homme par le bar.
En face, au café San Siro, le drapeau vert blanc rouge orne les poteaux. Toute la première mi-temps, personne ne s’attend encore à vivre un drame (le mot est à peine exagéré…). Au café Italia, deux filles s’amusent de cet univers très masculin. Pour les clients au fond du bar, impossible de se lever, ceux qui sont assis près du comptoir sont priés de faire passer les commandes. Dans la salle, on ne sourit pas beaucoup. L’ambiance est tendue.
Fin de première mi-temps, la petite Italie d’Esch-sur-Alzette y croit sur deux actions : mais l’attaque reste stérile. Les observateurs les plus avisés commencent à douter : « C’est ça, l’attaque nationale ? C’est ça la ‘crème de la crème’ du pays ? » Le cappuccino est tiède, loin de la belle époque. Et dans le bar bondé, les anciens sont nombreux à avoir connu la « vraie équipe d’Italie », comme si celle-là était une fausse. La deuxième mi-temps ne sera guère mieux. Pourtant San Siro pousse, à la télé comme dans le café éponyme, en face du café Italia donc. On a soif de but mais à défaut, on boit de la bière ou des litres d’eau « frizzante » au citron. Tout le monde passe ses commandes en italien, comme si chaque détail pouvait compter. L’irrationnel atteint son comble lorsqu’un type change de siège car l’autre ne « porte pas bonheur » à la Squadra.
La rue entre les deux bars se retrouve jalonnée de fumeurs qui préfèrent subir le chrono derrière les carreaux, dans le froid de novembre. « Dix minutes putain… sinon c’est fini », lâche un quinquagénaire qui n’en revient pas. L’Italie est loin. On pourrait prendre tout ça à la rigolade, se dire que le foot n’est qu’un jeu. Mais sur le coup, au sifflet final, les immigrés – et les Luxembourgeois descendants d’immigrés – sont perdus. Avant, même sans retourner au pays, il y avait le foot pour garder un lien. Et maintenant, ça veut dire quoi « Italia » ?
Hubert Gamelon