La très contestée approbation par la CSSF d’émettre via le Luxembourg des obligations de l’État d’Israël a été discutée, mardi, à la Chambre. Le dossier sera analysé vendredi par le gouvernement.
Au lendemain de l’annonce que le Luxembourg compte reconnaître la Palestine comme État à part entière, le conflit israélo-palestinien s’est une nouvelle fois invité dans les travaux d’une commission parlementaire.
Après le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères, qui se sont présentés lundi devant les députés, c’était aujourd’hui au tour du ministre des Finances, Gilles Roth, et d’une délégation de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF). Principal point à l’ordre du jour : le feu vert accordé pour l’émission via le Luxembourg d’obligations d’État pour le compte du gouvernement israélien («Israel Bonds»).
La décision prise le 1er septembre par la CSSF a provoqué une levée de boucliers au sein de l’opposition parlementaire, mais aussi à l’échelle de la société civile. Lors d’un piquet de protestation, organisé le 4 septembre dernier, le Comité pour une paix juste au Proche-Orient (CPJPO) avait fustigé la démarche avec des mots très durs : «Les fonds récoltés par la vente de ces produits financiers sont destinés à « financer les besoins de l’État d’Israël« , en d’autres termes aussi le financement de la guerre génocidaire contre le peuple palestinien à Gaza et la politique de colonisation et d’apartheid en Cisjordanie et à Jérusalem-Est».
Le ton était un peu plus modéré, ce mardi, à la Chambre, même si les élus de déi Lénk, du LSAP et de déi gréng demeurent consternés. Le directeur Claude Marx a néanmoins souligné qu’il ne revient pas à la CSSF d’apprécier la situation d’un point de vue politique, économique ou financier. Son pouvoir se limite à vérifier si le document soumis pour approbation est conforme à la réglementation européenne.
Il a été rappelé que l’homologue irlandais de la CSSF, choisi par Israël pour émettre ses obligations d’État en Europe, avait émis un veto. Sur demande de l’État hébreu, la compétence d’approbation a été transférée au Luxembourg. La réglementation européenne prévoit une telle démarche.
Le ministre appelé à prendre position
Pour l’instant, la CSSF ne dispose pas de moyen pour revenir sur sa décision. Israël ne serait ni pas frappé de sanctions, ni reconnu coupable d’avoir violé la Convention sur le génocide, ni été jugé par la Cour internationale de justice.
Ces arguments n’ont pas convaincu les députés de l’opposition. La Cour pénale internationale a par contre émis un mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu pour des «crimes de guerre» et des «crimes contre l’humanité» commis dans la bande de Gaza. Ce mardi, une commission d’enquête internationale mandatée par l’ONU a accusé Israël de commettre un génocide dans le territoire palestinien occupé.
Dans ce contexte, plusieurs questions ont fusé en commission parlementaire, comme le rapporte le site de la Chambre : «Voulons-nous être une place financière qui contribue aux mécanismes de financement de probables crimes de guerre et d’un potentiel génocide?» ou encore «Si Israël devait être tenu pour responsable de crimes de guerre et de génocide, le Luxembourg ne pourrait-il pas être considéré comme facilitateur des actions d’Israël?».
La CSSF a pris le choix d’écrire une lettre au ministre des Affaires étrangères pour prendre connaissance de son appréciation de la situation et pour communiquer toute évolution en termes de sanctions contre Israël. Dans ce cas, l’autorité indépendante pourrait réévaluer sa décision sur l’émission d’«Israel Bonds» via le Luxembourg.
Dans un communiqué publié mardi après-midi, le ministère informe que Xavier Bettel va soumettre, vendredi, le dossier au Conseil de gouvernement. Dans la foulée, une réponse sera transmise à la CSSF. Lundi, le chef de la diplomatie luxembourgeoise avait mis en perspective des sanctions que le Luxembourg pourrait prendre à l’encontre d’Israël.