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Irma : des dégâts également psychologiques


L'aide psychologique peut s'avérer importante pour ceux qui ont tout perdu (Photo : AFP)

Angoisses, cauchemars, parfois sidération et prostration: le passage de l’ouragan Irma sur les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy risque d’avoir occasionné « des dégâts psychologiques importants », déclare dimanche Michèle Vitry, psychologue clinicienne, spécialiste des traumatismes.

Quel peut être l’impact psychologique sur la population de cet ouragan particulièrement dévastateur?

Il faut s’attendre à des dégâts psychologiques importants. Selon des témoignages, un certain nombre de personnes ont été plongées sur le moment dans un vécu de mort imminente. Elles ont cru leur dernière heure arrivée.
Pour ces personnes, on peut parler de choc traumatique. Celui-ci peut engendrer des effets dissociatifs – les personnes se sentent bizarres, coupées d’elles-mêmes et du monde extérieur. Elles peuvent rester prostrées. Ce choc traumatique peut être à l’origine ensuite d’un syndrome psychotraumatique avec une sorte d’effondrement de la personnalité, un repli sur soi.

Tout le monde n’a pas ce vécu de choc traumatique. Mais il va y avoir un certain nombre de personnes touchées. Ce risque de syndrome psychotraumatique est aggravé lorsque les personnes ont de plus tout perdu, leur maison, leur affaires, leur travail.
A côté de cela, il y a des personnes très troublées, très perturbées mais qui n’ont pas ce vécu de mort imminente, de choc traumatique et qui sont plutôt dans des problématiques de pertes matérielles, d’angoisse liée à leurs conditions de vie. Ces personnes-là sont moins effondrées. Elles vont chercher de la nourriture, de l’eau, elles vont s’aider entre elles. Elles n’ont pas forcément besoin d’un psychologue; c’est plus du domaine de la survie matérielle, d’arriver à vivre dans des conditions extrêmement difficiles. A cela s’ajoutent les pillages, qui créent un sentiment d’insécurité, une perte de confiance dans les autres. Cela provoque aussi de l’angoisse.

Un enfant proche de l’adolescence sera moins dupe de la gravité de l’événement

Comment un enfant vit-il le passage d’un ouragan ?

La manière dont il le vit dépend en grande partie des adultes qui l’entourent mais aussi de son âge. Si les adultes arrivent à contenir leur propre panique et à être sécurisants, protecteurs, réconfortants, l’enfant vivra beaucoup mieux le passage du cyclone. Plus il est petit, plus cet environnement protecteur peut être efficace. Car plus l’enfant grandit, plus il a sa propre autonomie de vécu physique. Un enfant proche de l’adolescence, malgré la protection des adultes, sera moins dupe de la gravité de l’événement et il peut vivre lui-même un choc traumatique. Lorsqu’un enfant a subi ce genre de choc, le recours au dessin est très utilisé car à partir de là, la parole devient plus facile. Il y a la possibilité aussi de recourir à des petits jeux.

Les ouragans Irma et José sont désormais loin de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Que faire pour les personnes affectées psychologiquement?

On entre dans une période extrêmement importante, qui est celle du début de la possibilité d’écoute. Dans un premier temps, il faut faire un tri car on ne peut pas prendre tout le monde. Il y a des gens agités qu’on peut avoir tendance à prendre en charge d’abord alors que ce sont les gens prostrés, sidérés, qui sont en danger psychique. C’est extrêmement important d’aller vers eux, d’essayer de les aider à sortir de leur sidération et de leur prostration en les aidant à mettre des mots sur ce qu’ils ont vécu. Ce tri va permettre de repérer les gens qui ne vont pas récupérer tout de suite et dont l’état psychique nécessite un suivi, afin de pouvoir leur proposer des rendez-vous un peu réguliers. Le principal symptôme à rechercher, c’est cet aspect coupé de soi-même, sidéré, paniqué, avec des crises d’angoisse. Les cauchemars, les troubles de sommeil graves, sont un autre signe d’une nécessité de consulter. »

Le Quotidien / AFP