Après la polémique, les explications. La Ville de Luxembourg ne veut pas éradiquer des personnes, mais l’acte de mendier quand il profite à des criminels qui exploitent des minorités.
Un homme au visage buriné et à la barbe grise mendie accompagné d’un joli petit chien au croisement de l’avenue de la Porte-Neuve et de la Grand-rue. Un peu plus loin, une femme aux longs cheveux noirs dissimulés sous un foulard aussi fleuri que sa grande jupe accoste les passants en leur tendant un gobelet en carton. Rue des Capucins, un homme handicapé traîne sa misère contre une petite pièce. Ces scènes font partie du quotidien des habitants de la ville de Luxembourg et des personnes qui y travaillent. Elles sont faites pour émouvoir et pour rapporter un maximum d’argent. Pas à leurs protagonistes, mais aux chefs des réseaux qui les emploient. Ces fameux réseaux qui exploitent une minorité et ont étendu leurs tentacules à travers toute l’Europe grâce à une main-d’œuvre à très bon marché.
Leur fonctionnement s’apparente à de l’esclavage moderne et y mettre un terme semble presque impossible. La Ville de Luxembourg ne s’avoue pas vaincue pour autant et propose au terme d’un vote qui aura lieu lundi d’interdire toute forme de mendicité sur une partie de son territoire entre 7 h et 22 h – parcs municipaux et places publiques compris – dans l’espoir d’en décourager la pratique. Après la vive polémique née de cette annonce, Lydie Polfer et Serge Wilmes ont profité du City Breakfast, qui s’est tenu hier matin, pour motiver et expliquer leur décision. La mendicité en groupe est interdite dans la capitale depuis le 23 novembre 2015 et l’ajout des articles 51 et 52 au règlement de police de la capitale. Mais la mesure n’a découragé personne. C’est la raison pour laquelle l’administration communale veut aller un cran plus loin en interdisant toute forme de mendicité.
Pas certain pourtant que cette mesure, si elle venait à être transposée, s’avère plus efficace que la précédente. La justice ne poursuit pas la mendicité, malgré les efforts faits par la police pour dresser des procès-verbaux. Comment poursuivre une personne qui n’a pas d’adresse? Comment faire tomber une bande organisée? Le débat est sur la place publique depuis des années, mais les solutions tardent à venir. Lydie Polfer espère que la modification du règlement de police de la Ville fera réagir au niveau gouvernemental.
Mendier : un acte répréhensible
Car si le problème est local, il constitue également un défi national, voire international. La bourgmestre et son premier échevin ont aussi appelé à l’aide la police et la justice hier matin. En attendant une réponse adéquate, si elle existe, la Ville veut imiter d’autres communes luxembourgeoises (Ettelbruck, Diekirch et Dudelange) pour «limiter les problèmes de sécurité et de salubrité publique». Certains mendiants auraient des manières intrusives et violentes de faire la manche.
La démarche se veut également humaniste. En tant que femme et homme politiques, les deux élus ne peuvent tolérer que des êtres humains soient exploités sur le territoire qu’ils administrent. «Nous ne pouvons accepter l’inacceptable» et «soutenir des structures criminelles», a précisé la bourgmestre. «Nous n’agissons pas contre les personnes qui mendient, mais contre l’acte en lui-même», a tenu à souligner l’échevin chrétien-social.
Être assis à terre dans ces rues avec un gobelet devant soi sera interdit, tout comme le fait d’aborder les passants et de leur demander une petite pièce. Le règlement prévoira donc de sanctionner quiconque mendie dans le centre-ville et le quartier de la gare. Même les sans-abris qui ne font pas partie de bandes organisées. «Personne n’a besoin de faire la manche à Luxembourg-Ville pour vivre», affirme Lydie Polfer avant de citer toutes les actions et structures mises en place par la Ville qui viennent en aide aux mendiants et aux sans-abris. La bourgmestre comprend que les citoyens puissent être émus par ces personnes et vouloir les aider, mais elle assure qu’il existe d’autres moyens aussi efficaces. Comme les associations.
Ou en arrêtant de donner de l’argent aux personnes membres de bandes organisées qui ne profiteront pas de l’argent récolté. Donner de l’argent à ces personnes revient à entretenir ces réseaux criminels et à les encourager à continuer. La mesure envisagée par la commune a donc également vocation à sensibiliser la population à la question. «La plupart du temps, ces personnes ne veulent pas d’autres aides. Ils veulent de l’argent parce qu’ils sont contraints d’en ramener le soir», témoigne Lydie Polfer.
Difficile d’agir autrement contre ce type de criminalité organisée pour le moment, selon Lydie Polfer, qui est prête à relever ses manches encore et encore, «tel Sisyphe poussant sa pierre», pour pousser à résoudre le problème. La bourgmestre s’emporte et réfute énergiquement les accusations de mesure à visée cosmétique pour libérer les rues commerçantes d’une population dont la présence pourrait s’avérer génante pour certaines personnes.
Deux autres mesures
à l’ordre du jour
Autres thèmes au sujet du conseil communal de lundi : le retour des caméras de surveillance à Hamilius et l’extension des compétences des agents municipaux. Le collège échevinal va donner un avis positif à l’installation de caméras Visupol, dont 24 devraient être installées avant l’été, autour de la place Hamilius.
Depuis ce 1er janvier, les agents municipaux sont dotés de nouvelles compétences et missions. Ils sont habilités à sanctionner sur-le-champ un catalogue de 17 incivilités mineures. La mise en application de la loi est différée. En effet, les communes doivent d’abord ancrer les nouvelles dispositions dans leur règlement de police. Ce sera chose faite dans la capitale lundi. Soixante-dix-neuf agents municipaux y sont actifs. Ils seront bientôt 83.
Pour quelle raison devrait-on créer une infraction dans un règlement général de police d’une commune, si cette infraction, la mendicité, est prohibée par le Code pénal, en l’occurrence l’article 346 en ce qui concerne la mendicité organisée et l’article 563, point 6° en ce qui concerne la mendicité simple? Il y a donc tous les moyens pour combattre ce fléau, de la même façon sur l’ensemble du territoire national.
Est-ce que les deux politiciens n’y connaissent rien, ou est-ce simplement une manœuvre électorale ?