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Intelligence artificielle : 72 % des emplois luxembourgeois seraient «transformés»


«La grande majorité des métiers est appelée à travailler avec l'IA plutôt qu'à être simplement remplacée», soulignent les ministres.

Seuls 6 % des postes luxembourgeois risquent d’être supprimés par l’IA, mais près de trois quarts devront évoluer en profondeur, imposant une adaptation massive des compétences.

Loin du scénario catastrophe d’un remplacement massif des travailleurs par des machines, l’intelligence artificielle devrait surtout transformer en profondeur la manière de travailler au Luxembourg.

C’est le message central qu’ont fait passer Georges Mischo, le ministre du Travail, et Claude Meisch, le ministre de l’Éducation nationale, dans une réponse à une question parlementaire des députés Fred Keup et Jeff Engelen portant sur le sujet de l’IA dans le monde du travail.

Selon les ministres, 72 % des postes au Luxembourg seraient appelés à évoluer, nécessitant une adaptation des compétences. Dans le détail, selon l’étude de l’Implement Consulting Group publiée en juin 2024, sur l’ensemble des emplois luxembourgeois, 6 % seulement pourraient être directement remplacés par l’IA; 72 % seraient donc transformés (c’est-à-dire maintenus, mais profondément modifiés dans leur contenu et leurs exigences) et 22 % resteraient peu affectés par cette technologie.

«La grande majorité des métiers est appelée à travailler avec l’IA plutôt qu’à être simplement remplacée», soulignent les ministres, ajoutant qu’«à ce stade, aucune donnée empirique n’indique une hausse massive du chômage due à l’IA».

Il faut dire que la structure spécifique du marché du travail luxembourgeois joue en sa faveur : «une forte proportion d’emplois qualifiés et dans le secteur des services», qui «laisse présager que l’IA entraînera plutôt une transformation des compétences requises qu’une suppression massive d’emplois».

115 postes déjà supprimés

Concrètement, cela signifie que près des trois quarts des travailleurs luxembourgeois devront acquérir de nouvelles compétences pour rester pertinents dans leur fonction. Les profils les plus exposés? Ceux du secteur financier et des services.

«Cette transformation représente à la fois une opportunité et un défi pour le Luxembourg», reconnaît le gouvernement. L’opportunité de gains de productivité et d’innovation, mais aussi le risque d’une fracture entre ceux qui sauront s’adapter et les autres.

À ce jour, le ministère du Travail n’a connaissance que d’un seul cas de licenciements liés à l’IA : celui de l’entreprise Byborg, qui prévoit la suppression de 115 postes. Face à cette révolution technologique, le gouvernement a mis en place plusieurs dispositifs.

Le principal est le «Skills-Plang», une loi votée le 19 juin dernier, qui offre des financements aux entreprises investissant dans la formation de leurs salariés face aux mutations technologiques. «Cette loi n’est certes pas une garantie à 100 % pour éviter un licenciement lors d’une restructuration, mais elle permet aux entreprises de mieux préparer leurs collaborateurs aux changements», précise le document.

L’ADEM a aussi considérablement étoffé son offre de formation en IA, avec des modules allant du niveau débutant au niveau expert. Le cours en ligne gratuit «Elements of AI», proposé par l’université du Luxembourg, a ainsi touché près de 18 000 demandeurs d’emploi en janvier 2025.

Le Digital Learning Hub (DLH) n’est pas en reste : sur 674 formations proposées en 2025, 231 concernent l’intelligence artificielle, avec plus de 2 000 inscriptions. Une «AI Academy» spécialisée en machine learning et data science doit même voir le jour début 2026.

Les centres de formation professionnelle continue (CNFPC) proposent également des «Skillsbridges» axés sur l’utilisation pratique de l’IA, notamment pour le personnel administratif. «L’objectif est de doter les employés, les demandeurs d’emploi et les entreprises des compétences nécessaires pour relever les nouveaux défis du travail de demain», appuie Georges Mischo.

L’école aussi concernée

Interrogé sur la création d’un cadre légal protégeant spécifiquement les salariés face à l’IA, le gouvernement répond par la négative. L’Inspection du Travail et des Mines (ITM) se voit toutefois confier un rôle de surveillance, notamment pour les systèmes d’IA à haut risque utilisés dans le recrutement, l’évaluation des salariés ou la gestion du personnel.

L’institution devra également veiller au respect des droits fondamentaux et à la prévention des discriminations.

Pour le ministre de l’Éducation, il faut aussi préparer les jeunes générations : «apprendre sans IA, sur l’IA et avec l’IA». L’objectif est de former les plus jeunes pour qu’ils soient capables de maîtriser ces outils sans leur déléguer aveuglément leurs capacités cognitives.

Une stratégie nationale avec des lignes directrices claires doit être présentée «dans les prochaines semaines» et discutée avec l’ensemble des acteurs du monde éducatif : enseignants, directions, représentants des élèves et parents, syndicats.

Le développement d’un chatbot pour l’éducation, avec une véritable base de données issue des programmes du système scolaire luxembourgeois couplée à une fonction de recherche intelligente, est notamment mentionné comme étant un «projet phare».