S’il faut rester prudent quant à l’évolution future des prix, notamment dans l’alimentaire, les choses devraient commencer à s’améliorer. Le pic de l’inflation semble en effet atteint sur cette fin d’année.
Guerre en Ukraine, crise énergétique, pandémie… Les bouleversements de ces dernières années ont particulièrement affecté l’économie mondiale et, avec elle, l’inflation et le pouvoir d’achat des ménages. En quelques mois, certains prix ont explosé, fragilisant de nombreuses familles, en particulièrement les foyers les plus modestes. Si la période, toujours pleine d’incertitudes, ne permet pas de se projeter à long terme, les choses devraient tout même commencer à s’améliorer. «Ce qui est assez clair, c’est que nous avons atteint un pic», note Tom Haas, responsable de l’unité modélisation et prévisions du Statec.
Cette période inflationniste a en effet commencé il y a tout juste un an, en octobre 2021, avec déjà une hausse des prix de l’énergie. Cette fin d’année devrait représenter le plateau à partir duquel l’inflation ralentira. Fini donc le pic à 8,7 % annoncé par le Statec en août dernier, les dernières mesures de la tripartite devraient, comme le souhaitait le gouvernement, freiner cette hausse des prix galopante.
Des prix de l’énergie plus maîtrisés
Selon les dernières prévisions de l’institut, qui seront réactualisées le 7 novembre, l’inflation devrait se situer aux alentours des 6,2 % en 2022 à la suite des nouvelles mesures contre 6,6 % auparavant. Une baisse certes faible, mais qui devrait s’accélérer au cours de l’année prochaine où le Statec prévoit une inflation plus faible de 3,8 points de pourcentage par rapport aux précédents pronostics. «De premiers effets à la baisse étaient déjà observés avec la mise en gratuité des maisons relais et des crèches», rappelle Tom Haas. Depuis la rentrée, ces structures d’éducation non formelle sont en effet alignées sur l’école et accueillent les enfants sans contrepartie financière pour les parents, une gratuité que l’on retrouve également pour les repas à la cantine.
Certains secteurs toujours épargnés
Si les prix des services et de l’alimentaire continuent leur hausse et prennent le relais des prix de l’énergie, d’autres postes de dépenses sont moins concernés. C’est notamment le cas pour l’enseignement, comme les écoles privées ou de musique, mais aussi pour le secteur des communications. Car même si le prix des abonnements de téléphonie et d’internet augmente avec les années, il est compensé par les travaux réalisés pour améliorer la qualité des réseaux. Le marché de l’habillement est, lui aussi, moins impacté. La plupart des vêtements et chaussures n’étant pas fabriqués en Europe, mais en Asie, la variation des prix de l’énergie n’a eu que de faibles répercussions sur ces derniers.
À ces mesures s’ajoute la baisse de certaines matières premières, en dehors de l’énergie, comme le bois, ainsi que la relance du commerce international. Avec les prix de l’énergie sous contrôle depuis la tripartite (plafonnement du gaz, gel de l’électricité, subvention du mazout), malgré une augmentation de 15 % du prix du gaz en octobre, la principale cause de l’inflation, avant la guerre en Ukraine déjà, est désormais neutralisée. «Mais depuis, nous avons élaboré de nouveaux scénarios qui montrent une dynamique de l’inflation sous-jacente qui pourrait persister dans les mois à venir.» L’inflation sous-jacente correspond à l’agrégat total dont on a retiré les produits les plus volatils comme les carburants, le mazout et le gaz.
Des prévisions toujours difficiles
L’inflation des prix de l’énergie a eu des répercussions sur d’autres secteurs qui ont pris le relais. C’est le cas de l’alimentation, dont les coûts ont fortement augmenté, et il est difficile de prédire s’ils vont continuer sur cette dynamique. «Certains arguments indiquent que nous avons atteint un pic, mais il pourrait aussi y avoir un effet higher for longer où les prix continueraient d’augmenter.»
Il en va de même pour les services, et en particulier la restauration, qui ont, eux aussi, fini par répercuter les hausses du gaz et du carburant sur leurs factures. Et là aussi, l’augmentation pourrait se poursuivre. «Malgré une inflation très élevée, il y a toujours suffisamment de demande.» De quoi inciter certaines entreprises à continuer d’augmenter leurs prix, d’autant plus que la situation postcovid a créé un excès de la demande par rapport à l’offre. Mais là encore, rien n’est joué car ce déséquilibre a tendance à se résorber. Combiné à la récession annoncée dans la zone euro, il pourrait entraîner une baisse de la demande et donc de l’inflation.
Une inflation plus limitée au Luxembourg
Avec un taux d’inflation annuelle aux alentours des 7 % en septembre, le Luxembourg est largement en dessous de la moyenne de la zone euro, qui flirte avec les 10 %, et s’en sort mieux que beaucoup de ses voisins. En comparaison, sur le même mois, la hausse des prix annuelle s’établit à 10,9 % en Allemagne, 12 % en Belgique et même 17,1 % aux Pays-Bas. Seule la France connaît un taux d’inflation plus faible (6,2 %).
Pour le Statec, cette dynamique plus faible s’explique en partie par l’évolution des prix de l’électricité et du gaz au Luxembourg. Contrairement à plusieurs pays européens, l’électricité n’a augmenté que très légèrement (environ 2 %) en 2022 par rapport à 2021. Le prix du gaz a, quant à lui, connu une baisse de 20 % en mai 2022 lors de la prise en charge des frais de réseau fixes par le gouvernement. Grâce aux mesures de la tripartite, il n’a augmenté que d’environ 14 % en octobre et, sans hausse supplémentaire cette année, devrait donc baisser de 7 % par rapport à 2021.
«Il n’y a pas une image claire qui se dégage», admet Tom Haas. C’est pourquoi les prévisions comprennent toujours plusieurs scénarios alternatifs, reflétant les nombreux risques à la hausse et à la baisse. Le Statec a d’ailleurs émis certains doutes sur l’impact du «paquet de solidarité 2.0», notamment la baisse de la TVA d’un point. À partir du 1er janvier, le taux normal passe en effet de 17 % à 16 %, le taux intermédiaire, valable pour les combustibles, de 14 % à 13 % et le taux réduit de 8 % à 7 %. Seul le taux super réduit (3 %) ne bougera pas. Mais est-ce que cette baisse sera réellement traduite sur le ticket de caisse? La réponse n’est pas certaine. «Nous sommes partis sur une hypothèse relativement prudente.»
Un futur incertain
Tensions géopolitiques, situation climatique, réaction du marché et des entreprises… face à de tels impondérables, le Statec est bien incapable de répondre à la question : «connaîtrons-nous un retour à la normale?» «C’est une question intéressante, mais il faudrait déjà savoir ce qu’est une situation normale. Est-ce que l’inflation très faible, due à la mondialisation et à l’intégration de la Chine et de la Russie dans l’OMC, que nous avons connue ces dernières années était normale?» Certaines hypothèses tendent vers un retour à une inflation en dessous de 2 %, d’autres au contraire estiment qu’elle restera supérieure.
Deux scénarios qui en soi ne devraient pas poser de problèmes pour l’économie luxembourgeoise tant que l’inflation reste régulière et évite les soubresauts des tourments internationaux.
Index : vers une troisième tranche en 2023?
Deux tranches indiciaires sont toujours prévues pour l’année prochaine. La première, régulière, devrait être déclenchée au mois de février. La seconde est la fameuse tranche prévue cette année mais reportée à avril 2023. Aucun autre index ne devrait, a priori, intervenir en 2023 même si les incertitudes sur l’inflation font toujours planer le doute.
Pessimiste, la Chambre de commerce estime que le déclenchement d’une troisième tranche «ne fait quasiment plus de doute». Selon elle, celui-ci pourrait arriver vers la fin du troisième trimestre ou au début du quatrième. Le gouvernement s’est déjà engagé «à compenser entièrement l’impact» d’un index supplémentaire même si les modalités de cette compensation n’ont pas encore été précisées.