La région russe de Belgorod est la cible lundi d’une incursion de combattants armés venant d’Ukraine, qui a forcé la Russie à décréter un régime « antiterroriste » et à évacuer les civils pour tenter de repousser cette nouvelle attaque sur son sol.
Si d’autres attaques ont eu lieu ces dernières semaines dans cette région frontalière, c’est la première à avoir pris une telle ampleur, avec plusieurs villages touchés par des obus. Cette offensive illustre aussi la perméabilité des défenses russes.
En réaction, le FSB (services de sécurité russes) a introduit dans l’après-midi le « régime légal de zone d’opération antiterroriste » dans la région, donnant des pouvoirs accrus aux autorités pour mener des opérations armées, contrôler les civils ou encore évacuer les populations. Il s’agit d’une première depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022. Le gouverneur de Belgorod a indiqué que les civils quittaient la zone concernée.
« Nous achevons un porte-à-porte (…) Une grande partie de la population a quitté le territoire concerné, nous aidons avec nos moyens de transport ceux qui n’en ont pas », a dit Viatchelsav Gladkov, sur Telegram. « J’espère que nos militaires accompliront leur mission bientôt et élimineront l’ennemi », a-t-il ajouté, portant le bilan de sept à huit blessés.
Lundi après-midi, les autorités russes avaient fait état de l' »entrée d’un groupe de sabotage et de reconnaissance de l’armée ukrainienne dans le district de Graïvoron ». Kiev a démenti, comme à son habitude, toute implication dans des actions en territoire russe. Selon le gouverneur Gladkov, les localités de Zamostié et Glotovo ont été attaquées par des combattants ainsi que le chef-lieu de district, Graïvoron.
« Légion Liberté » russe
Le président russe Vladimir Poutine a été informé, a déclaré aux journalistes son porte-parole Dmitri Peskov, qui a estimé qu’il s’agissait d’une tentative de Kiev de « détourner l’attention » de la chute de Bakhmout. Les forces russes ont revendiqué ce week-end la capture de cette ville dévastée de l’est de l’Ukraine, théâtre de la bataille la plus longue et la plus meurtrière du conflit.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a démenti la perte de Bakhmout et son armée dit tenir encore une petite zone, tout en continuant une percée sur les flancs russes au nord et au sud de la ville. Quant à l’incursion de lundi, « l’Ukraine suit avec intérêt les événements dans la région de Belgorod (…) mais elle n’a rien à voir avec cela », a assuré Mykhaïlo Podoliak, conseiller à la présidence ukrainienne.
L’opération a été revendiquée sur une chaîne Telegram qui se présente comme appartenant à la « Légion Liberté pour la Russie », un groupe de Russes combattant côté ukrainien, qui avait déjà assuré être à l’origine d’autres attaques dans la même région.
« Est venu le temps de mettre fin à la dictature du Kremlin », a affirmé dans une vidéo diffusée par cette chaîne un homme qui avait été présenté à l’AFP en décembre comme « Caesar », porte-parole du groupe, un homme identifié par des médias comme un ex-néonazi russe passé côté ukrainien en 2014.
Selon la chaîne, le groupe a « complètement libéré » le village de Kozinka et a attaqué une deuxième localité, le chef-lieu de Gaïvoron. Ces affirmations n’étaient pas vérifiables de source indépendante.
Wagner va quitter Bakhmout
Côté ukrainien, les autorités ont indiqué avoir contré au cours de la nuit des frappes d’une ampleur inédite sur la ville de Dnipro, dans le centre-est du pays, avec des missiles et des drones explosifs. Sept personnes ont été blessées à Dnipro et sept autres dans sa région lors de cette attaque réalisée à l’aide de « missiles de différents types » et de drones Shahed de fabrication iranienne, selon l’armée ukrainienne.
Selon le maire de cette grande ville d’un million d’habitants située à 125 kilomètres du front, Borys Filatov, « il n’y a jamais eu de bombardements d’une telle ampleur » sur Dnipro.
Alors que se profile une vaste contre-offensive ukrainienne, le territoire russe a été ces derniers mois et semaines la cible d’un nombre croissant de sabotages, d’attentats et d’attaques de drones imputés à Kiev, mais jamais revendiqué par l’Ukraine qui préfère évoquer la piste de partisans russes.
Sur le front, la prise de Bakhmout, épicentre des combats depuis l’été, représenterait le premier succès russe depuis l’été 2022 et une série de revers humiliants. Le patron du groupe paramilitaire russe Wagner, Evguéni Prigojine, a affirmé lundi que ses hommes, en première ligne, se retireraient d’ici le 1er juin et transfèreraient leurs positions aux troupes régulières russes.