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Incident au tribunal : après le choc, l’heure est à l’analyse


Le geste inédit soulève des questions de sécurité et sur les mesures prises pour la garantir. (photo archives LQ)

Une enquête interne au CPU a été lancée pour comprendre les circonstances de l’incident qui s’est produit mercredi au tribunal. Un détenu a essayé de se suicider lors de son procès.

Glaçant, surprenant, stupéfiant, choquant… les mots sont nombreux pour décrire le geste auquel nous avons assisté mercredi après-midi à la fin de l’audience de la 13e chambre criminelle du tribunal de Luxembourg. Un prévenu a tenté de se suicider en s’ouvrant la gorge avec une lame de rasoir. Le président du tribunal venait de l’inviter à prendre la parole en dernier. André, 72 ans, s’est avancé à la barre et tout s’est passé très vite. À peine le temps de réaliser que les policiers présents bondissaient sur lui pour le désarmer.

Leur réflexe a été le bon. André n’est pas parvenu à s’administrer de blessure grave ou potentiellement mortelle. Il aurait d’ailleurs quitté l’hôpital où il avait été transféré immédiatement après son geste et a regagné le centre pénitentiaire Ueschterhaff où il était incarcéré en détention provisoire. «Son état de santé est stabilisé», a indiqué son avocat, Me Stroesser, ce jeudi matin. La blessure n’était pas assez profonde.

Le choc passé et l’adrénaline retombée vient le temps des questions. Comment le détenu a-t-il pu quitter la prison avec un tel objet en sa possession ? «Surtout que mon client est suicidaire et a déjà fait de nombreuses tentatives de suicide. Je pense qu’il a dû y avoir un dysfonctionnement», note l’avocat. «Quand nous nous rendons en prison les détecteurs sont extrêmement sensibles au point où nous n’arrivons jamais à passer sans les faire sonner. Il suffit d’un bouton de jeans. Vous êtes systématiquement contrôlés une deuxième fois.»

Me Stroesser n’avait pas encore pu contacter son client à l’heure où nous rédigions ces lignes et ne pouvait donner plus de précisions quant aux conditions actuelles d’incarcération de son client pour éviter tout risque éventuel de récidive de sa part.

Son escorte n’a rien remarqué

Une enquête interne a été lancée au sein du centre pénitentiaire pour comprendre comment la lame de rasoir a pu échapper à la vigilance des policiers de l’Unité de garde et d’appui opérationnel (UGAO) qui ont assuré le transport du détenu jusqu’au tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Deux policiers ont fouillé André avant son départ du centre pénitentiaire et n’ont rien remarqué de suspect, explique la police grand-ducale dans un communiqué de presse.

Une hypothèse probable serait que le détenu ait caché la lame de rasoir entre son palais et son dentier. Il l’en aurait retirée une fois libéré de ses menottes. Les transferts de détenus sont effectués à bord d’un fourgon cellulaire spécialement équipé à cet effet. Les prévenus arrivent escortés par plusieurs policiers et menottés au tribunal, mais ces entraves leur sont enlevées lors de leurs passages à la barre. Un prévenu comparait libre étant donné qu’il n’a pas encore été jugé et reconnu coupable.

Une fois arrivés au tribunal, les détenus, contrairement aux prévenus qui ne sont pas incarcérés et aux visiteurs, ne sont plus soumis à un contrôle de sécurité, a confirmé Henri Eippers, le porte-parole de la justice. Dans son communiqué, la police indique encore que ces mesures vont être repensées pour minimiser au maximum le risque que de tels incidents se reproduisent à l’avenir.

Perpétuité requise

De mémoire de chroniqueuse judiciaire, ce geste était inédit dans l’histoire moderne des tribunaux luxembourgeois où les effusions de quelque nature qu’elles soient sont plutôt rares. L’incident, survenu en présence de membres de la magistrature et de Georges Oswald, procureur du parquet de l’arrondissement de Luxembourg, a rapidement fait le tour de la cité judiciaire.

André avait tué son fils, greffier au tribunal des Affaires familiales, de plusieurs coups de couteau au petit matin du 29 novembre 2022 à proximité de son domicile sur la rue d’Athus à Pétange. Le parquet avait retenu la préméditation et venait de requérir la réclusion à perpétuité à l’encontre du prévenu. Peu coopératif, voire impertinent, prétendant une amnésie après les faits, André n’était pas parvenu à expliquer clairement les raisons de son acte.

Il était en chemin pour aller «regarder les animaux» armé de deux couteaux quand, par le plus grand des hasards, il a croisé son fils de 29 ans. Une dispute aurait éclaté en raison d’un conflit familial et la victime se serait jetée sur son père qui aurait ensuite quitté le lieu de son crime sans se retourner avant d’aller se livrer à la police quelques heures plus tard avec la sensation que quelque chose n’allait pas.

Deux experts entendus à la barre avaient confirmé que le prévenu était certes suicidaire, mais en pleine possession de ses moyens, tant au moment de la commission de son crime qu’au tribunal. André qui assurait ne pas avoir prémédité son filicide avait pourtant bien organisé son geste à la barre. Théâtral pour les uns, désespéré pour d’autres, l’intention cachée derrière lui appartient.