Les députés ont adopté à une très large majorité une énième modification de la loi sur l’immigration qui vise les dealers du quartier de la gare. Un amalgame malheureux pour certains.
La grande majorité accueille le projet de loi avec satisfaction parce qu’il «renforce Schengen», comme le souligne Yves Cruchten, le rapporteur. Le texte vise à «structurer de manière claire et cohérente les différentes catégories de mesures d’éloignement» afin de mieux gérer le «phénomène du séjour irrégulier des ressortissants de pays tiers sur le territoire luxembourgeois».
Une simple précision, une adaptation technique concernant la loi sur l’immigration de 2008, une modification qui s’ajoute aux nombreuses autres, sans plus, selon le rapporteur qui n’y voit aucune «entrave à la liberté de circuler» telle qu’elle est appliquée au Luxembourg, terre d’accueil de migrants s’il en était, toujours selon Yves Cruchten.
L’ensemble des intervenants penche de son côté, sauf deux voix qui s’élèvent pour reprocher au projet de loi un durcissement de la politique migratoire par certains de ses aspects, celles de Nathalie Oberweis et de Sven Clement. Le matin même, l’Asti (association de soutien aux travailleurs immigrés) avait alerté sur «la stigmatisation et le durcissement d’un côté, et une supposée bienveillance de l’autre, sans que personne ne comprenne quelle est la vision du gouvernement sur l’immigration… à ne pas confondre, comme c’est souvent le cas, avec la politique d’asile».
Pour l’association, comme pour les députés qui ont voté contre le texte (4 voix contre, 56 pour), le texte associe migrants et criminalité en voulant remédier aux nombreux séjours irréguliers de ressortissants ayant bénéficié d’un droit de séjour dans un autre État membre et de ceux qui reviennent malgré un transfert vers un autre État membre. La loi votée hier souligne que la situation est amplifiée par «la problématique de la criminalité organisée qui est un phénomène croissant».
Le projet de loi introduit l’interdiction d’entrée sur le territoire pour dissuader les plus récalcitrants qui encourent une peine pénale en revenant au Luxembourg. Le texte apporte également une définition plus large de la notion de «raisons impérieuses de sécurité publique» dans le cadre de l’appréciation de l’opportunité d’une décision d’éloignement du territoire à l’encontre d’un citoyen de l’Union ayant séjourné au Grand-Duché de Luxembourg pendant les dix années précédentes et s’étant rendu coupable d’une infraction constituant une atteinte particulièrement grave à un intérêt fondamental de la société. Y figure le trafic de stupéfiants.
Humain, mais pas naïf
«Ce n’est pas un texte contre les migrants», martèle Yves Cruchten qui ne partage pas les critiques de l’Asti. Même position pour le député chrétien-social Paul Galles qui estime que cette loi apporte des règles «claires et humaines», «une explication des règles que nous avons déjà», ajoute-t-il. «On reste humain sans tomber dans la naïveté», conclut Paul Galles qui voit «beaucoup de sensibilité» dans cette loi. Le principal parti d’opposition y est favorable. Comme les partis de la majorité qui observent que rien dans ce texte ne vient tailler le moindre iota dans les droits des migrants.
Pour Nathalie Oberweis, «c’est une loi de droite», faite spécialement pour le quartier de la gare, en faisant le lien entre immigration et criminalité. L’Asti se dit préoccupée par l’origine du projet de loi qui se retrouve dans le «Paquet problématique de la criminalité liée aux stupéfiants». Le texte présuppose «dans son intention, comme dans son texte, un raccourci entre criminalité et immigration. Une stigmatisation inadmissible dans un pays d’immigration!», accuse l’Asti.
Déi Lénk en a profité pour demander via une motion que soient régularisés les ressortissants de pays tiers présents au Luxembourg depuis des années, à l’instar de ce qui fut fait en 2013 par Nicolas Schmit qui avait décidé d’offrir une chance aux travailleurs clandestins d’obtenir des papiers en règle. La motion a été rejetée.
Ajoutons que le projet voté hier se préoccupe aussi des migrants au visa doré, les investisseurs des pays tiers qui disposent d’une autorisation de séjour particulière dès lors qu’ils représentent une plus-value pour l’économie luxembourgeoise. Mais il existe aussi les autorisations de séjour pour raisons privées qui agacent les politiques à cause des abus observés.
Il s’agit donc de «mettre un frein à l’immigration croissante de ressortissants de pays tiers» qui disposent pourtant de ressources suffisantes à quelque titre que ce soit (héritage, revenus de capitaux, fortune personnelle, etc.). Ces ressources devront dorénavant être liées à une activité ou une pension vieillesse provenant des pays membres ou de l’espace Schengen.
Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, Jean Asselborn, est apparu rétabli après un court séjour à l’hôpital et a défendu la clarté que ce texte apportait à la loi. S’il avoue ne pas être «le mieux placé» pour parler de la criminalité dans le quartier de la gare, il rappelle à la tribune que des migrants viennent spécialement au Luxembourg avec des titres de séjour accordés par d’autres États membres pour se livrer à toutes sortes de trafics.