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Dans les entreprises du pays : «Une énorme vague d’intégration de l’IA»


Serge Linckels a réalisé une thèse de doctorat sur l’intelligence artificielle.

Critiquée ou adulée, l’intelligence artificielle s’implante de plus en plus dans les sociétés du pays.

Ingénieur en informatique et auteur d’une thèse de doctorat dans le domaine de l’IA, Serge Linckels est responsable du Digital Learning Hub d’Esch-Belval depuis trois ans.

Cet institut de formation public agréé par le ministère de l’Éducation nationale propose des formations en matière tant de technologies de l’information que d’intelligence artificielle.

Passionné par ce sujet, le Luxembourgeois a organisé en juin dernier une conférence sur l’IA et son développement au Luxembourg.

Depuis deux ans, l’intelligence artificielle envahit notre quotidien. Pourtant, elle existe depuis des décennies.

Serge Linckels : Elle a fait son apparition dans les années 1960. Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est l’IA générative avec notamment l’apparition de ChatGPT en novembre 2022.

On peut dire que cela fait deux ans et demi que ça cartonne. L’une des raisons réside dans les nombreux progrès techniques qui permettent aux IA de travailler avec des masses de données en un temps record (…). C’est devenu quelque chose de très à la mode aussi bien dans le privé qu’au travail (…).

Il y a une vraie croyance autour de l’intelligence artificielle qui se développe. Certains pensent qu’elle va apporter quelque chose de magique. D’autres sont persuadés qu’elle va engendrer la fin du monde.

Comment l’IA se met-elle en place dans les entreprises du pays?

Je n’ai pas de vue holistique, nous remarquons très nettement une tendance au Digital Learning Hub. Nous sommes inondés par des demandes de formation dans le domaine de l’intelligence artificielle.

Elles sont quasiment toutes complètes. Et beaucoup de domaines sont concernés, comme les industries, les administrations ou dans le secteur des services ou encore de l’artisanat (…). Il y a, aujourd’hui, une énorme vague au Luxembourg d’intégration de l’IA dans les entreprises luxembourgeoises.

Depuis quand l’observez-vous?

C’est ultrarécent. J’ai commencé à donner mes premières formations en janvier 2023. Au départ, j’expliquais simplement ce qu’était une IA ou ChatGPT.

Puis, rapidement, cela s’est transformé en une demande plus spécialisée. Les participants de nos formations viennent déjà avec un grand savoir de base et posent des questions plus spécifiques.

Comment ces entreprises intègrent-elles l’IA dans leur structure?

Cela dépend des secteurs. Certaines vont par exemple complètement automatiser les processus avec de la robotique ou des capteurs intelligents.

D’autres vont l’utiliser pour faire des projections : par exemple, sur l’évolution de leur clientèle ou le choix de certains produits. Dans le domaine créatif, les sociétés vont utiliser l’IA pour générer des logos, des publicités ou des images.

Dans le secteur médical, c’est également extrêmement prometteur. L’intelligence artificielle peut être utilisée dans l’analyse de radios, la constitution de prothèses ou l’accompagnement d’un médecin. Il y a beaucoup d’opportunités.

Quels sont les bénéfices dans le monde du travail?

L’intelligence artificielle peut permettre de réduire le temps de travail ou certaines tâches d’un employé. Cela peut lui permettre aussi de se concentrer sur son bien-être. On a besoin aujourd’hui de travailler un peu moins, mais surtout de manière plus détendue.

Si l’intelligence artificielle peut avoir certains bénéfices, des risques importants existent. Quels sont les principaux, selon vous?

Je pense que le risque de dépendance est l’une des problématiques les plus cruciales. Aujourd’hui, on fait tellement confiance à l’IA qu’il y a aussi le risque de ne pas rester critique.

Par exemple, ChatGPT est un modèle statistique basé sur l’analyse des données. Il peut évidemment se tromper.

Dans le futur, des métiers ou des emplois pourraient-ils disparaître à cause de l’IA?

Avec l’apparition de l’ordinateur, comme avec celle de la machine à vapeur ou des chemins de fer, de nombreuses technologies ont fait craindre une perte des emplois. Mais ce changement, on l’observe plutôt sur une longue durée (…).

Il y a beaucoup de métiers où des IA génératives seront utilisées. Certaines professions seront forcément obsolètes, mais comme aujourd’hui, de nombreuses professions ont déjà disparu, depuis l’apparition d’internet.

Je suis convaincu que l’IA ne créera pas une énorme vague de chômeurs. Il faut, je pense, au contraire, se confronter de plus en plus à l’intelligence artificielle et s’y former.

Quid de la protection des données?

C’est un vrai challenge. C’est l’un des sujets principaux dans l’AI Act : savoir comment rendre ce traitement des données transparent (NDLR : l’AI Act est un règlement européen qui introduit un cadre réglementaire et juridique commun pour l’intelligence artificielle au sein de l’Union européenne).

On fait beaucoup confiance aux prestataires de l’IA et à leurs modèles. Mais certains ont décidé de s’emparer de cette question et de travailler sur des modèles moins discriminants, de meilleure qualité. De manière générale, il y a encore beaucoup de travail à faire dans ces domaines.

L’IA et les entreprises : quelques chiffres

En juillet, le Statec a dévoilé plusieurs chiffres sur l’intégration de l’IA dans les entreprises luxembourgeoises. Le recours à l’intelligence artificielle par les sociétés d’au moins dix personnes a connu une progression remarquable.

Presque la moitié des entreprises déclarent utiliser l’IA en 2024 (49 %). «Une accélération spectaculaire» a été observée entre 2023 et 2024. Dans un rapport publié en juin dernier, la Fedil et Luxinnovation partageaient ce même constat.

Dans leur étude, 114 entreprises issues de plusieurs secteurs considèrent l’IA comme un outil stratégique. 63 % des entreprises interrogées se situent à un stade avancé de l’exploitation de l’IA dans leur société. Il existe toutefois des récalcitrants : 8 % des entreprises interrogées ont décidé d’y renoncer.

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