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Il y a un an le nouveau cours « vie et société » voyait le jour dans les lycées


Claude Pantaleoni est enseignant au lycée de garçons d'Esch-sur-Alzette. À la rentrée 2016/2017, il donnait son premier cours dans la nouvelle branche "vie et société". (Photo isabella finzi)

À partir de cette rentrée tous les élèves de l’école fondamentale suivront le nouveau cours « vie et société » qui remplace le cours d’instruction religieuse et morale et la formation morale et sociale. Dans les lycées, la nouvelle branche a déjà vu le jour l’année dernière. Claude Pantaleoni, enseignant d’instruction religieuse et morale durant près de 25 ans, a accompagné 230 lycéens pendant cette première année. Il raconte.

Il y a un an, vous donniez votre premier cours dans la nouvelle branche « vie et société ». Racontez-nous.

Claude Pantaleoni : En tant qu’enseignant d’instruction religieuse et morale, les thèmes qui ont été imposés dans ce cours par le ministère de l’Éducation nationale (MEN) n’ont pas été une réelle nouveauté. Dans sa dimension morale, éthique et sociale, la foi chrétienne s’intéresse aux réalités terrestres. D’ailleurs, c’est le cas de toutes les religions.

Après avoir passé près de 25 ans à enseigner la religion, vous vous êtes retrouvé devant un tout nouveau programme. Quelles difficultés avez-vous ressenties?

Pour moi, les difficultés se trouvaient plutôt avant et pendant les vacances d’été 2016. Les responsables du MEN ne savaient pas comment construire ce nouveau cours. Ils ont mis beaucoup de temps à dire ce qu’ils voulaient. À la fin, ils ont pondu un programme tellement général et vague que tous les enseignants pouvaient en tirer ce qu’ils voulaient. Le ministère avait compris qu’il cherchait à instaurer un nouveau cours contre la volonté de presque tout le monde. Pour ne pas troubler davantage les eaux très troubles qu’il avait provoquées, tout est resté très vague. Heureusement pour le ministère, la plupart des parents ne savent pas ce qui s’est vraiment passé.

Qu’est-ce qui change du point de vue chrétien?

Pour moi, dans ce programme, il n’y a rien de nouveau. Mais tout ce qui se rapporte à un suivi structuré d’introduction et de connaissance de la foi judéo-chrétienne, ou qui amène à des connaissances métaphysiques et spirituelles est clairement aboli. L’élève n’apprend plus ce qu’est la foi juive et chrétienne, avec ses grands personnages que sont les prophètes, le Christ et les saints des Églises chrétiennes. Plus aucune connaissance des textes bibliques ou religieux ni des différentes communautés religieuses qui ont structuré l’histoire européenne et luxembourgeoise. Le cours de « vie et société » ne se base sur aucune conception de l’homme et du monde, qu’elle soit judéo-chrétienne ou humaniste.

Aviez-vous reçu une formation d’initiation au nouveau cours?

Le MEN se devait bien sûr de montrer, formellement, que l’enseignant du nouveau cours ne serait plus l’enseignant de religion et de la formation morale et sociale. C’est pourquoi il a exigé que tout enseignant des deux cours passe, en automne 2016, quelques jours sur les bancs de l’Institut de formation de l’Éducation nationale (IFEN). On pouvait choisir entre plusieurs cours qui devaient nous formater pour le nouveau cours.

Pour tous les enseignants, il était clair qu’il fallait tout simplement passer par là pour continuer à enseigner et gagner son pain quotidien. Je ne connais pas de cas où un enseignant aurait eu du mal à suivre ces cours. Pour moi-même, j’y ai vu une simple formation supplémentaire à celles que j’avais déjà suivies antérieurement.

Comment l’Église catholique vous a-t-elle accompagné?

Il faut différencier ce qu’on entend par Église! Il y a, d’un côté, le peuple des croyants et, de l’autre, la hiérarchie, dans ce cas l’archevêque Jean-Claude Hollerich et alors son vicaire général Erny Gillen. Ces derniers ont été, par leurs décisions et leurs signatures des nouveaux traités, les artisans de la débâcle générale qui a mis à la rue environ 200 enseignants de religion dans l’école fondamentale (à partir de cet automne 2017) et a contraint environ 40 enseignants du secondaire à se reconvertir au nouveau cours. À aucun moment des pourparlers, l’archevêque Jean-Claude Hollerich n’a su ou voulu rencontrer les enseignants de religion du secondaire. C’est bien une page noire de ce diocèse qu’il a écrite.

Après coup, je dois dire que M. Erny Gillen, qui a joué un rôle important parce qu’il était l’intermédiaire entre les enseignants de religion et l’archevêque, a bien su nous tenir en dehors de toute décision. Il nous a assuré que si le plan A n’irait pas, il avait un plan B et que si celui-ci n’irait pas il aurait un plan C. Il a surtout cherché à calmer les enseignants de religion en leur demandant d’avoir confiance dans les pourparlers entre le ministère et l’archevêché.

Nous, les enseignants, avons alors compris qu’il nous avait tout simplement bernés et voulu tenir en dehors de toute solution concertée. M. Gillen nous a donné une belle leçon de ce qu’un chrétien responsable dans un diocèse ne doit surtout pas faire envers ses proches, à plus forte raison s’ils font partie de sa propre communauté chrétienne. J’ai même entendu des enseignants et d’autres croyants le qualifier de traître. D’ailleurs quelques mois après, nous avons appris par la presse que ce prêtre manager, qui a failli en tant que porte-parole des enseignants de religion auprès de l’État, avait quitté toutes ses fonctions ecclésiales et sacerdotales.

Citez-nous trois exemples de thèmes que vous avez abordés pendant l’année scolaire avec les élèves.

J’ai fait évidemment plus que trois thèmes pendant cette année. J’en citerais trois qui, à mon avis, ont bien plu et ont eu un écho positif chez mes élèves. C’est celui sur notre nourriture et ses risques pour la santé, ou bien celui sur la robotisation et la place croissante que les systèmes de robots prennent dans notre vie (future) ou bien, avec les jeunes de 17 ans, le thème des différentes formes de relations amoureuses ou sexuelles, ce qui aide et ce qui empêche de bien les vivre.

Entretien avec Fabienne Armborst

À lire en intégralité dans Le Quotidien papier du samedi 16 et dimanche 17 septembre 2017.