Depuis l’âge de 12 ans, le trentenaire fume de la marijuana. Il s’est fait dénoncer alors qu’il voulait bénéficier d’un abattement fiscal pour fins thérapeutiques.
C’est d’une manière plutôt insolite que la police a débusqué la consommation de cannabis de ce jeune homme, âgé de 34 ans aujourd’hui. Fin 2014, il veut déduire sur sa déclaration d’impôts ses dépenses spéciales… pour son cannabis médical, soit 4 650 euros… L’administration des Contributions directes le dénonce. Vendredi matin, il était convoqué devant le tribunal correctionnel.
Depuis de longues années, Xavier (34 ans), qui dit souffrir de TDAH (trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité), s’adonne à la consommation de cannabis. Il ne s’en cache pas. «Le cannabis, ça coûte cher. Mais la santé passe avant tout», glissait-il ainsi aux juges vendredi matin.
Le parquet reproche au trentenaire d’avoir consommé de la marijuana. Entre 2009 et 2015, il en aurait ainsi acheté pour plus de 26 000 euros aux Pays-Bas. En moyenne, il aurait fumé entre deux à trois joints par jour. Voilà ce qui ressort de l’enquête policière lancée en mai 2015.
Retour sur ce début d’enquête plutôt insolite : c’est en effet l’administration des Contributions directes qui a dénoncé le trentenaire. Fin 2014, ce dernier veut faire déduire 4 650 euros de dépenses spéciales. Plus précisément, il souhaite bénéficier d’un abattement fiscal pour fins thérapeutiques.
Très vite, la police constate qu’il ne s’agit pas d’une action unique. Régulièrement, il se rend aux Pays-Bas. «Le cannabis, c’est mon médicament», leur lâche Xavier lors de son audition. Il explique avoir commencé à fumer à l’âge de 12-13 ans. «Sans doute parce que je sentais que j’allais mieux…»
À l’occasion d’une perquisition en janvier 2016, c’est une véritable plantation de cannabis que la police découvre dans sa cabane dans les bois, près de Moesdorf. «Il avait une armoire d’une valeur de 1 500 euros avec des lampes et tout un système d’aération pour les plants», relève l’enquêteur. Mais ce n’est pas tout. Les policiers saisissent aussi un sachet contenant 59 g, plusieurs petites doses préparées ainsi que quelques ustensiles. «Il nous a dit qu’il souffrait de TDAH», ajoute l’enquêteur. Ce dernier est convaincu que le prévenu n’est pas malade, mais qu’il est dépendant au cannabis : «Il est obsédé par cette plante! Qu’il fasse une cure pour s’aider!»
De l’enquête, il ressort que le trentenaire se procure ses ordonnances auprès d’un médecin à Cologne (D). Il les faxe dans une pharmacie aux Pays-Bas, où il va ensuite récupérer les préparations. Lors de ses 36 voyages, il a à chaque fois importé 100 g. L’enquêteur se demande comment le trentenaire a pu financer sa consommation, alors qu’il est sans revenu fixe régulier. «Ma mère m’a aussi aidé. Et j’ai fini par lancer ma propre culture, car je ne pouvais plus payer le cannabis en pharmacie», expliquera le prévenu plus tard aux juges. En 2015, il a seulement fait trois voyages aux Pays-Bas. Mais chez lui, il récolte 200 g.
Le parquet requiert 15 mois et une amende
À la barre, le prévenu, qui est depuis 2013 sans permis de conduire, tente de convaincre le tribunal qu’il existe des études sur les usages du cannabis thérapeutique. «C’est quand même interdit, le recadre très vite la présidente de la 13e chambre correctionnelle. Au Luxembourg, le législateur n’a pas prévu d’exception pour le cannabis thérapeutique.» «Je ne suis pas un expert de la loi. En Belgique, on m’a dit que c’était interdit. Mais au final, on m’a quand même rendu ce qu’on m’avait saisi», rétorque le prévenu. La présidente : «Ici, on est au Luxembourg. Et on doit appliquer la loi luxembourgeoise.»
Selon l’enquêteur, Xavier ne prend pas non plus les doses de cannabis médical prescrites, mais 1,6 g au lieu de 1 g. «J’ai tendance à surdoser chaque médicament. Mon docteur m’a recommandé de le manger avec du beurre sur une tartine. Mais si je fume le cannabis, l’effet est plus immédiat. Sinon, cela peut prendre une demi-heure», explique-t-il.
«C’est comme s’il s’était lui-même diagnostiqué qu’il souffrait de TDAH», soulève la représentante du parquet. «Le cannabis, c’est interdit. On n’est pas là pour discuter de politique», finit-elle par trancher. Elle requiert une amende, 15 mois de prison ainsi que la confiscation de tous les objets.
L’avocat à la défense du prévenu, quant à lui, a demandé une suspension du prononcé. Ce qui signifierait que sa culpabilité serait constatée, mais aucune peine prononcée. Il remarque que son client est actuellement inscrit pour recevoir le statut d’handicapé. «Sa déclaration à l’administration des Contributions directes, c’était un but contre son camp, une déclaration politique. Mais on ne peut pas reconnaître d’énergie criminelle», ajoute-t-il.
Prononcé le 11 octobre.
Fabienne Armborst