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«Il n’y a pas encore de pénurie» de médicaments au Luxembourg


Cet hiver encore, le risque de pénurie concerne l'amoxicilline, la citromycine, le paracétamol et l'ibuprofène. (Photo : alain rischard)

Sans négliger le risque annoncé de pénurie pour certains médicaments cet hiver, Danielle Becker-Bauer, vice-présidente du syndicat des pharmaciens, appelle au calme.

Quels sont les médicaments susceptibles d’être touchés par une pénurie durant l’hiver ?

Danielle Becker-Bauer : Normalement, ça devrait être les mêmes que l’année dernière. C’était surtout l’amoxicilline, l’azithromycine, le paracétamol et l’ibuprofène. Tout en sachant qu’actuellement, il n’y a pas encore de pénurie. Il y a certaines spécialités, certaines marques, qui sont en rupture, mais ces quatre molécules, on peut encore se les procurer via des génériques ou d’autres marques.

Il faut éviter de provoquer la panique, on ne peut pas dire qu’il y a une pénurie maintenant, même si tout le monde en prédit pour décembre, janvier, février. Parler de pénurie peut provoquer une ruée vers certains médicaments. C’est normal, vous avez des enfants en bas âge, vous vous dites : “Je vais en acheter pour en avoir au cas où il y ait une rupture”.

Je peux comprendre, mais il ne faut pas demander aux médecins de prescrire des antibiotiques – ce qu’à mon avis, d’ailleurs, ils ne feront pas. Il ne faut pas essayer à tout prix d’avoir des antibiotiques chez soi, parce que le patient ne peut pas savoir s’il correspond à la pathologie dont il est atteint. Ce ne sont pas des bonbons, il faut quand même rester vigilant.

Le vrai souci, c’est que dans nos pays, nous ne produisons plus de médicaments

Pourquoi est-ce un problème récurrent ?

En fait, le problème a commencé il y a quelques années. À mon avis, c’est un problème de globalisation de la production. Et après, il y a eu la pandémie, certains pays ont réduit leur production, ce qui a eu un grand impact sur la production des médicaments, parce que c’était au niveau mondial. Ici, dans nos pays européens, nous sommes très dépendants du marché asiatique.

Il y a beaucoup de médicaments qui sont produits en Asie ou en Inde, parce que le système économique est plus avantageux pour les multinationales qui produisent. Après, il y a eu des pénuries de matières premières et les productions qui ont baissé et ça a engendré une pénurie au niveau mondial. Ce n’est pas uniquement ici au Luxembourg.

Le vrai souci, c’est que dans nos pays, nous ne produisons plus de médicaments. C’est de cela, peut-être, dont il faudrait essayer de discuter au niveau européen. Et tenter d’attirer des industries pharmaceutiques dans la communauté européenne, pour ne pas être dépendant de pays tiers. Pour moi, c’est une nécessité absolue.

On le voyait en début de pandémie : il n’y avait ni masque, ni de gants, ni rien du tout. On manquait vraiment de choses élémentaires et si cette pandémie nous a donné une leçon, c’est d’essayer de se lancer à nouveau dans des productions.

Il y a peut-être encore un élément qui peut influencer : dans certains pays, les médicaments sont plus chers qu’ailleurs. Et même si je ne le comprends pas, cela peut conduire les grandes firmes pharmaceutiques à vendre plutôt dans les pays où le prix de leurs médicaments est le plus élevé. Ce sont des multinationales cotées en Bourse et c’est comme toute industrie qui sert à générer des profits pour payer ses actionnaires.

C’est la même philosophie. Heureusement, pour contrecarrer, il y a des conventions et des accords qui sont signés avec les ministères de Santé des pays respectifs où, normalement, le laboratoire est tenu de livrer la quantité nécessaire pour ce pays. Mais quand il y a des ruptures, il y a des ruptures.

L’État et le ministère de la Santé sont en train de discuter sur une potentielle réserve nationale

Le recours à l’antibiotique reste une pratique abusive ?

Non, plus maintenant. Je crois que les gens sont devenus quand même plus informés et le ministère a aussi lancé des grandes campagnes au niveau national pour n’utiliser l’antibiotique que sur prescription, que si c’est vraiment indiqué.

Parce qu’une surconsommation d’antibiotiques peut provoquer des résistances à certaines bactéries et le médicament n’agira plus aussi bien. Les gens le savent.

Serait-ce possible de stocker en avance, pour préparer l’hiver ?

Nous, de toute façon, on fait des précommandes pour l’hiver déjà en début d’année, ce sont des commandes qui s’échelonnent sur l’année. Et vu les quelques ruptures qu’on a pu avoir les dernières années, je crois que chaque pharmacien a des gros stocks en sirop, notamment les quatre molécules citées et aussi en antibiotiques, justement pour prévenir.

Maintenant, l’État et le ministère de la Santé sont en train de discuter sur une potentielle réserve nationale pour ces quatre molécules. On a eu une première réunion, où tous les partis présents étaient favorables pour développer une réserve. Ça ne peut être qu’une précaution supplémentaire pour éviter le risque.