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«Ici, je me sens bien mieux» : aux ateliers protégés de Limpach, chacun peut s’épanouir


Avec son collègue Daniel, Jean-Claude s’occupe en ce moment de la récolte des tomates.

Le domaine de Limpach a été inauguré ce jeudi, après 17 ans d’un chantier en forme de montagnes russes. Géré par l’Apemh, il assure un emploi à une centaine de salariés handicapés.

«Enfin!», souffle le président de l’Apemh, Romain Kraemer. Et pour cause. Il aura fallu 17 ans pour que le projet, porté par l’association de parents d’enfants avec un handicap intellectuel et entièrement financé par l’État, se concrétise le long de la route de Soleuvre à Limpach.

«Ce site, c’est l’aboutissement d’un énorme travail entamé en 2007, lorsque les ministères de la Famille et du Travail nous ont sollicités pour créer davantage d’ateliers protégés face aux besoins», poursuit-il.

Un vrai parcours d’obstacles

L’Apemh, qui dispose déjà de terrains à Limpach à l’époque, boucle la conception de cette nouvelle structure de formation et de travail dès 2009, en finalisant les plans des ateliers, et du centre de propédeutique professionnelle (CPP) capable d’accueillir 200 personnes.

Le chantier, retardé à plusieurs reprises par une série d’obstacles administratifs et politiques, permet finalement le déménagement du domaine agricole de Bettange vers Limpach en 2016, tandis que la production de légumes dans les toutes nouvelles serres démarre elle aussi.

En 2021, c’est la pension pour animaux Hoka qui lance son activité, suivie par d’autres ateliers d’inclusion professionnelle ces deux dernières années. Si bien qu’aujourd’hui, près d’une centaine de personnes handicapées travaillent sur le site, aux côtés d’une quinzaine de jeunes en formation, dans onze domaines différents :

  • agricole
  • production de légumes
  • ménage
  • buanderie
  • service technique
  • pension pour animaux
  • sous-traitance
  • cuisine-restauration
  • mise en conserve
  • Lampecher Buttek
  • et biscuiterie.

Avant l’Apemh, c’était l’asile psychiatrique

Un véritable tour de force, si on repense au sombre avenir qui était promis aux enfants avec un handicap intellectuel dans les années 1960, au moment de la création de l’Apemh.

«En 1967, il n’y avait aucune structure spécialisée, rien. Le seul chemin possible pour eux, une fois que leurs parents n’étaient plus là, c’était celui de l’asile psychiatrique à Ettelbruck», se rappelle Romain Kraemer. «C’était vraiment terrible.»

Une époque révolue, alors que la société toute entière change doucement de regard sur le handicap, portant l’inclusion parmi ses valeurs fondamentales désormais.

Malgré tout, de nombreux défis persistent, à commencer par celui de l’emploi. «On a 465 salariés dans nos ateliers protégés, mais il y a une liste d’attente de 120 à 150 noms. La plupart des élèves actuellement en centre de compétences fréquenteront nos ateliers ou nos centres de propédeutique professionnelle», anticipe le président.

«Là, ils recevront une formation en fonction de ce qui leur convient le mieux, de ce qu’ils sont capables de faire, et bien entendu, de ce qui leur plaît, pour les motiver.»

LE CHIFFRE : 1 456

C’est le nombre de personnes handicapées actuellement en emploi dans un atelier protégé au Luxembourg. Il en existe une trentaine sur le territoire et ils sont gérés par différentes associations. Ceux de l’Apemh occupent près d’un tiers de ces salariés, soit 465 personnes réparties sur ses sites – Bettembourg, Parc Hosingen, Limpach et Bettange.

Sur les 6 109 résidents reconnus comme salariés handicapés, 36 % travaillent sur le marché de l’emploi ordinaire, 30 % sont au chômage, 24 % en ateliers protégés et 10 % sont inactifs et non inscrits à l’Adem.

L’enjeu de l’accompagnement

Pour lui, le principal problème dans l’intégration des personnes handicapées en entreprise privée, c’est l’accompagnement. «Ces personnes sont capables de bien travailler, mais il y a parfois des déraillements. Et là, il faut quelqu’un pour encadrer.»

Ce qui explique la frilosité de la majeure partie des employeurs du marché du travail ordinaire. «Ils préfèrent payer une amende plutôt que d’engager le quota obligatoire de 5 % de personnes handicapées, et ça inclut aussi le handicap physique», pointe Romain Kraemer. Et même en atelier protégé, tout n’est pas facile.

Des emplois qui dépendent du contexte économique

Les fonds pour ce nouveau domaine de l’Apemh ont été débloqués par le ministère de la Famille, et c’est le ministère du Travail qui paye les salaires des employés – le salaire minimum légal.

«Pour chaque nouvel emploi créé, il faut introduire une demande pour adapter la convention. C’est très lourd au niveau administratif et ça dépend aussi du contexte économique», souligne-t-il.

D’où l’engagement sans faille de l’Apemh. Ces parents sont conscients que travailler va bien au-delà d’une simple occupation professionnelle. Cela signifie avoir sa place dans la société, une vie sociale, et développer son estime de soi. Les clés pour une véritable inclusion.

Journée portes ouvertes avec animations le 29 juin, de 11 h 30 à 18 h (88-94, rue de Soleuvre à Limpach).

Jean-Claude est passionné par son métier.

Jean-Claude, salarié handicapé : «Ici, je me sens bien mieux»

Après une mauvaise expérience sur le marché du travail ordinaire, Jean-Claude s’épanouit à l’Apemh.

Au milieu de la serre, ils sont deux à s’affairer ce matin pour cueillir les tomates arrivées à maturation : «C’est la pleine saison, lance Jean-Claude. On récolte deux fois par semaine.»

Passionné par son métier, ce cultivateur montre les bons gestes pour prendre soin des plants, tout en détaillant les différentes variétés produites sur place : cerises, Roma, cœurs de bœuf et tomates rondes.

Avant d’intégrer les ateliers protégés de l’Apemh, Jean-Claude a travaillé pour une entreprise dans le privé. Des souvenirs pénibles qu’il a encore du mal à évoquer plus de 20 ans après.

Son arrivée à l’Apemh a été un véritable soulagement : «Ici, je me sens bien mieux. J’ai travaillé dans les fleurs sur le site de Bettange pendant 15 ans, avant de rejoindre le domaine de Limpach. Ça fait six ans maintenant et je suis très heureux», sourit-il.

Jérôme et Félix, amis plus que collègues

Dehors, dans la zone de maraîchage, Félix et Jérôme sont à la cueillette des haricots. Et les caisses d’un kilo se remplissent vite, tant les légumes sont gros. «On va faire toute cette rangée pour 14 caisses au total. Une fois récoltés, on va laver les haricots et les placer au réfrigérateur», détaille le jeune homme.

Sept ans déjà qu’il travaille à Limpach, après un stage chez des agriculteurs. Désormais en CDI, il se dit rassuré par rapport à son avenir et apprécie de retrouver ses collègues chaque jour : «On est une bonne équipe», confie-t-il.

À 30 ans, Jérôme, lui, fait déjà partie des anciens, puisqu’il est arrivé à Limpach en 2015. «Ce qui me plaît, c’est le travail au grand air. Être enfermé, ce n’est pas pour moi», glisse-t-il, emportant une caisse pleine.

Pour autant, il ne s’interdit pas de rêver à d’autres projets professionnels : «J’aimerais beaucoup essayer la boulangerie. Un jour, peut-être!».

 

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