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Homejacking à Gonderange : «Walid aurait pu dire « non »»


«J’avais une bonne situation, je n’avais pas besoin de cet argent», a expliqué Walid. (Photo : archives lq)

Walid regrette de ne pas avoir refusé de cambrioler une octogénaire. Gernot jure ne pas avoir su qu’elle était à son domicile. Deux points de vue différents face à un même vol aggravé.

Gernot a profité de la nuit pour réfléchir, comme le lui avait suggéré la présidente de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Vendredi matin, il a demandé en début d’audience à pouvoir «corriger» certaines de ses affirmations de la veille. En vain. «Rien ne colle dans votre histoire», constate à nouveau la présidente. Pensant se disculper, le jeune homme s’enfonce encore un peu plus. Il parle trop, mais en fin de compte ne dit rien. «Si j’avais su que la maison était occupée, je leur aurais déconseillé de la cambrioler», répète-t-il. Gernot sait qu’ils encourent jusqu’à 15 ans de prison pour vol avec violences et tente de se disculper à grand renfort de mauvaise foi. Son complice et coauteur, Walid, plus posé, réfute, quant à lui, l’utilisation de couteaux ainsi que de s’être fait remettre le contenu d’un porte-monnaie. Soit un peu plus de 200 euros.

Les deux jeunes hommes sont accusés d’avoir, avec un troisième larron figurant sur la liste des fugitifs les plus recherchés d’Europe, volé des bijoux au domicile d’Yvonne, 80 ans, le dimanche 17 décembre 2017 à Gonderange. Gernot se serait contenté de fournir l’adresse où cambrioler et la voiture qui les a transportés depuis le nord de l’Allemagne. Walid et Abdullah auraient fait le coup seuls après avoir constaté que la maison ciblée était bel et bien occupée par l’octogénaire qui recevait sa petite-fille de 12 ans, Lisa, ce week-end-là.

Le représentant du parquet n’a pas cru Gernot. Le trio devait bel et bien, selon lui, se livrer à un vol à main armée et pas à un simple cambriolage. Abdullah l’avait écrit à sa petite amie de l’époque et «on ne cambriole pas une maison le dimanche quand les gens sont chez eux». De même, «on ne s’arme pas de couteaux pour rentrer dans une maison vide». «D’ailleurs, pourquoi cambrioler une maison inhabitée?», s’étonne-t-il, comme la présidente avant lui jeudi après-midi. «Vous n’aviez pas compté sur la vivacité d’Yvonne quand vous êtes allés à sa porte une première fois, c’est pourquoi vous avez mis le pied dans la porte quand vous y êtes retourné quelques heures plus tard», note le parquetier. L’octogénaire leur avait claqué la porte au nez.

Le représentant du parquet a conclu au vol aggravé à l’aide de menaces et d’une arme dans une maison habitée, à la séquestration, à l’extorsion, au blanchiment et à l’association de malfaiteurs avant de requérir des peines de 11 et 8 ans de prison à l’encontre de Gernot et de Walid. Gernot aurait planifié les faits avec Abdullah et facilité leur commission. Il se serait également chargé du recel des bijoux volés. Walid, lui, aurait été recruté par les deux autres pour fouiller la maison à la recherche de butin.

On a menti à Gernot

«Il pouvait dire « non« . Il aurait dû dire « non« », a estimé l’avocat de ce dernier. «C’était un acte unique», «il le regrette vraiment», argumente Me Says pointant l’«amateurisme» des trois accusés dans l’espoir de faire tomber le chef d’inculpation d’association de malfaiteurs et les circonstances aggravantes à l’encontre de Walid. Il demande au tribunal de prononcer une peine plus douce, sous la barre des huit ans et assortie du sursis le plus généreux possible, pour que la peine n’excède pas les onze mois passés en détention préventive.

Mais le meilleur avocat de Walid est le jeune homme lui-même. Après avoir formulé de longues excuses à ses victimes présumées, il a exprimé ses regrets. «J’ai détruit ma vie sur une mauvaise décision», indique-t-il. «La détention préventive m’a fait du bien. Je sais que je vais être condamné, mais je n’ai pas envie de commettre à nouveau un acte aussi irréfléchi.» Cinq ans après les faits, il a repris sa vie en mains et jure ne plus vouloir fréquenter des criminels. «J’avais une bonne situation, je n’avais pas besoin de cet argent.»

Son complice présumé laisse Me Scherrer plaider sa cause. «On lui a menti», assure l’avocat. «S’il avait su qu’il cambriolerait une maison habitée, il serait rentré chez lui sur-le-champ.» Les absents ayant toujours tort, le jeune homme se donne le beau rôle et incrimine Abdullah. «Gernot ne mérite pas une peine supérieure à celle de Walid», poursuit Me Scherrer qui se lance dans une tentative de lui trouver des circonstances atténuantes et de décrocher un sursis. Il est interrompu par la présidente de la 13e chambre criminelle qui l’informe que son client a déjà deux condamnations à son actif en Allemagne pour des faits postérieurs à l’affaire qui les occupait jeudi et vendredi. Notamment pour escroquerie. L’avocat tombe des nues.

Le prononcé est fixé au 23 février.