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Héritage familial, mode de vie, passion : ils ont fait le choix d’être forains


Rencontre avec trois forains. (Photo : Vincent Lescaut)

La Schueberfouer ferme ses portes ce mercredi soir après trois semaines d’intenses festivités. Avant le grand final, nous vous racontons le quotidien et l’histoire familiale de trois forains rencontrés dans la plus grande foire de la Grande Région.

Ils sont là depuis des décennies, des générations même. Quand on s’intéresse à l’histoire des forains, on remarque tout de suite que c’est avant tout une histoire de familles. À la Schueberfouer, il n’est pas rare que voir des lignées entières se partager les établissements et les différents métiers.

Parfois, les voisins d’emplacements sont les cousins, les beaux-frères, les neveux ou les petits-enfants. Une réunion de famille du dimanche grandeur nature qu’ils ne manqueraient pour rien au monde.

Car tous partagent cette passion pour cet univers des foires. Un mode de vie particulier que certains ont décidé de suivre et d’autres non. Ils l’avouent, être forain, n’est pas un métier facile. Des journées à rallonge jusqu’à tard dans la nuit pour faire sourire ceux qui ont décidé d’oublier pendant quelques heures leurs tracas du quotidien. Mais comme eux-mêmes le disent et comme le répète, Charles Harry, le président des forains, «ils ont ça dans les veines».

Steve Clement, une histoire d’héritage

Une heure avant l’ouverture de sa brasserie, c’est déjà l’effervescence dans l’établissement de Steve Clement. On commence à nettoyer les tables mouillées par la pluie, on sert les premières boissons de la journée et on s’apprête à cuire les premières grillades. Le forain, lui, coordonne toute son équipe de l’ouverture, à midi, jusqu’à la fermeture à une heure du matin. Il avoue que cette profession est parfois difficile. «Il faut être passionné, sinon on ne résiste pas longtemps.» Cette passion, il l’a justement transmise à deux de ses trois enfants. Sa fille, âgée de 25 ans, tient, elle aussi, un établissement à la foire, une pêche aux canards. Tandis que son fils, 23 ans, possède un stand de tir. «Mon autre fille est policière, elle vient aussi à la Schueberfouer, mais pour assurer la sécurité des visiteurs», sourit-il. Un héritage familial important pour celui qui représente la quatrième génération de forains dans sa famille. «Mes arrière-grands-parents étaient déjà propriétaires de petits manèges et de stands de gaufres», raconte-t-il.

Avec toute sa famille, il parcourt le pays et même l’Allemagne pour participer aux fêtes foraines locales. Un métier à plein temps dont il n’a pas souhaité faire son mode de vie. «Nous avons une maison, nous ne vivons pas en caravane. Cela peut nous arriver quand nous sommes à 30 ou 40 km de notre domicile de la prendre. Pendant la Schueberfouer, notre personnel dort chez nous», explique le quadragénaire.

Pour ce Luxembourgeois d’origine, la grande foire du pays représente toujours un moment particulier dans la vie d’un forain. «On a toujours un peu mal au ventre au début, car on espère que tout va bien se passer. Après trois semaines, on est contents que ça soit fini, mais on a vite envie de recommencer.»

Maddie Harry, la bosse du commerce

Être foraine et perpétuer l’héritage familial ou travailler dans un tout autre milieu? Cette question, Maddie Harry se l’est très longtemps posée. Adolescente, elle accompagne, comme de nombreux forains, ses parents dans les foires. Elle pense d’abord reprendre l’héritage familial, elle, fille unique du couple Harry. Mais plus tard, elle décide tout de même de poursuivre des études. «On pensait qu’on allait avoir la première médecin de la famille», sourit Charles Harry, son père et également le président de la fédération des forains du Luxembourg. Après l’université, où elle étudie le commerce, Maddie fait le choix de travailler en dehors de l’univers de la foire pendant un an. «Je voulais voir ce que c’était de travailler ailleurs. Et finalement, je me suis rendu compte assez vite que je voulais reprendre le métier de mes parents», confie-t-elle.

Alors, depuis dix ans, elle enchaîne les foires avec son établissement favori, la confiserie. «C’est un métier traditionnel familial. J’ai continué, finalement, le métier de mes parents qui réalisaient déjà des amandes grillées, le coup de cœur de nos clients», souligne-t-elle. Pour pouvoir concilier sa vie professionnelle et sa vie de famille avec son compagnon qui n’est pas issu du monde des foires, elle non plus n’a pas choisi le mode de vie forain. «Nous avons une maison et nos enfants vont à l’école bien que nous voyagions beaucoup.»

La prochaine étape de son voyage à travers le pays se fera au nord du Luxembourg. Puis, à partir de fin novembre, elle sera présente au marché de Noël de Luxembourg. «On laisse de côté l’attraction d’été pour un chalet», précise celle qui est déjà impatiente d’être à la prochaine foire.

Kevin Kopp, une «vie de bohème»

«Allez, c’est parti pour un tour!», s’exclame Kevin Kopp avec une voix grave et bien connue des fêtes foraines dans sa cabine tout confort. Voilà maintenant dix ans que le forain a repris cette attraction à sensations fortes achetée, il y a quelques années, par son père. Une transmission familiale qui a commencé très tôt, à l’âge de 16 ans. «J’ai été, comme tout le monde, à l’école jusqu’à cet âge-là, puis j’ai voulu reprendre le flambeau moi aussi. J’ai appris sur le terrain avec mon papa. Quand on est forain, on est un peu un touche-à-tout. On est en même temps électricien et plombier. On apprend avec l’expérience du grand-père, du papa, de l’oncle et surtout sur le tas», confie le jeune homme.

À la Schueberfouer, son quotidien est rythmé par le contrôle régulier de son manège, les passages à la caisse et la manipulation à droite et à gauche de son attraction. «C’est un métier prenant. Moi, je ne me verrais pas faire autre chose. Je suis un peu tombé dans la marmite quand j’étais petit.» Cette passion pour le monde forain, il a même décidé d’en faire son mode de vie. «J’ai une vie de bohème. Je vis dans une caravane, car je voyage beaucoup. C’est une vie confortable et je pense que je ne me lasserai jamais d’entendre la pluie tomber sur ma maison sur roues», confie-t-il. Un choix qu’il partage avec sa compagne, elle aussi foraine, et ses trois enfants. D’ailleurs, le tout dernier est né la veille de la fête foraine luxembourgeoise. Un beau cadeau pour entamer sa 34e édition à la Schueberfouer, à seulement 36 ans. «Je suis un peu né dedans», sourit celui qui partira bientôt à Épinal, dans les Vosges, pour continuer sa vie de bohème à travers le Luxembourg et hors de ses frontières.