Sur son blog, Carlo Thelen, le directeur de la Chambre de commerce, s’est prononcé contre une hausse du salaire social minimum (SSM).
L’augmentation du salaire social minimum (SSM) est un sujet clivant au Luxembourg. Le mois dernier, le syndicat OGBL demandait une revalorisation de son montant de 10 %. Le principe d’une hausse est également soutenu par le ministre du Travail LSAP, Nicolas Schmit. À la mi-décembre, lors de l’un de ses rares points presse d’après-Conseil de gouvernement, le Premier ministre, Xavier Bettel, avait clairement dit qu’« une hausse du SSM n’était pas inscrite dans notre programme gouvernemental et n’est donc pas à l’ordre du jour ».
Vendredi, le directeur de la Chambre de commerce a mis son petit grain de sel dans ce débat passionné, en publiant sur son blog un article au titre évocateur : «Une hausse du SSM, un cadeau empoisonné pour les ménages modestes». Carlo Thelen l’admet : «Mieux rémunérer les salariés du bas de l’échelle pour le travail qu’ils accomplissent est une intention louable.».
Le seuil de pauvreté risque de monter
Mais la proposition de revoir à la hausse le SSM repose d’après lui sur «une analyse incomplète des mécanismes agissant sur les inégalités et la pauvreté du Luxembourg et l’omission de la prééminence des entreprises dans la création de richesses pour tous». Carlo Thelen juge qu’en ajoutant au salaire social minimum, actuellement à 1 727 euros net (1 998,60 euros brut), «divers crédits d’impôts possibles et des transferts sociaux» (allocation de vie chère, subvention loyer, allocations familiales pour certains ménages), cela permet «bien à tout travailleur luxembourgeois au salaire social minimum d’avoir un revenu nettement supérieur au seuil de pauvreté». Une parole qui pourrait faire à nouveau bondir les partisans de l’augmentation.
Le directeur de la Chambre de commerce prévient qu’il faut faire preuve d’une extrême prudence lorsqu’on utilise l’indicateur de risque de pauvreté, car selon lui «il ne mesure en rien la pauvreté absolue, mais bien l’inégalité des revenus au sein d’une population». Si le Grand-Duché comptait bien 16,5 % de personnes en situation de risque de pauvreté, le pays aurait «plus de pauvres qu’un pays comme la Hongrie», souligne-t-il. Les seuils de pauvreté de ces deux contrées ne sont pas vraiment comparables : ici il est de 1 689 euros par mois, alors qu’en Hongrie il se monte à 238 euros.
Carlo Thelen estime que le seuil risque encore de monter «si de nouveaux emplois à haute valeur ajoutée sont créés dans les prochaines années, soit l’un des objectifs principaux de notre politique économique et de notre business model». Une augmentation du salaire minimum aura un faible impact sur les personnes en situation de précarité, d’après le directeur de la Chambre de commerce.
Une réduction de la compétitivité
Pour lui, la lutte contre la pauvreté «passe par la création d’emplois pour les chômeurs, des aides ciblées pour les familles monoparentales et la construction de davantage de logements» afin de «desserrer l’étau du marché immobilier luxembourgeois. Le SSM n’est pas une solution au casse-tête national du logement», pointe-t-il.
Une hausse «conséquente» du SSM risque selon l’économiste «d’amputer grandement la capacité des entreprises luxembourgeoises à créer des emplois, notamment pour les personnes les moins qualifiées». L’augmentation de manière substantielle du salaire social minimum aurait plusieurs conséquences. Elle entraînerait une réduction de la compétitivité du pays, «tout en n’augmentant guère le pouvoir d’achat des ménages en situation de pauvreté» (familles monoparentales en majorité ou encore des personnes sans emploi), une mise en difficulté des entreprises et une mise en péril «des emplois, notamment parmi les moins qualifiés». Pour Carlo Thelen, cela est clair : «La hausse du salaire social minimum risque de se retourner contre ceux auquel elle est destinée à savoir les ménages modestes.» Ces derniers seront, d’après l’auteur du texte, «les premiers à payer les conséquences néfastes d’une mesure contre-productive dans la lutte contre la pauvreté et antiéconomique au sein d’un monde ouvert et d’une économie concurrentielle».
Aude Forestier