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Harcèlement : il est urgent d’attendre


Les deux députés pirates posent une question sur le sujet du harcèlement, afin de faire bouger les choses. Des projets sommeillent dans les tuyaux. (Photo : alain rischard)

Ce n’est pas la priorité du moment. Il y a bien des projets dans les tuyaux, mais certains traînent. Notamment celui qui concerne la fonction publique. Les instruments existants ne sont pas évalués.

Comme d’autres, certainement, les deux députés du Parti pirate Sven Clement et Marc Goergen ont dû rechercher sur internet des chiffres concernant le service psychosocial que tout agent de l’État ou communal peut consulter gratuitement, que ce soit pour une raison d’ordre professionnel ou d’ordre privé. Il s’agit d’intervenir de façon préventive sur sa santé psychique ou de rétablir son équilibre psychique. L’accompagnement est tout à fait confidentiel. Comme les chiffres qui entourent la fréquentation de ce service. Les députés se sont surtout intéressés au harcèlement moral, un domaine où il n’existe toujours aucun texte législatif pour le condamner.

Des chiffres alarmants

Selon le Centre d’égalité de traitement (CET), les chiffres autour du harcèlement moral au Luxembourg sont extrêmement alarmants. Il prévient que le phénomène ne fait que s’accroître, et qu’avant tout, la victime doit éviter de faire des esclandres, si elle ne veut pas en pâtir. Le dernier «Observatoire des discriminations» du CET de 2020 a effectivement montré que parmi les 187 victimes d’au moins une discrimination, les trois dernières années, 79 % souffrent encore aujourd’hui d’une telle situation.

Pour la fonction publique, un service psychosocial a donc été mis en place au sein du ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative, s’adressant à tous les agents publics. Il a pour objectif d’assurer une prise en charge des agents en souffrance sur leur lieu de travail, que ce soit dû au stress, à des violences sous forme notamment de harcèlement moral ou sexuel, ou dû à un conflit ou à d’autres risques psychosociaux. Le dernier rapport d’activité du ministère de l’Intérieur n’en fait pas mention.

Une commission spéciale… qui ne siège plus

Dans un récent jugement, dont reporter.lu s’est fait l’écho, les juges du tribunal administratif, saisis d’une affaire de harcèlement concernant un cadre de la Banque centrale du Luxembourg (BCL) ont rappelé l’existence de la commission spéciale instituée auprès du ministre de la Fonction publique «pour veiller au respect de l’interdiction de harcèlement moral». Une commission spéciale qui peut, selon les juges, adresser des «recommandations» à la BCL pour faire cesser les actes de harcèlement s’ils sont avérés.

Sauf que cette commission ne siège plus depuis 8 ans, la Cour constitutionnelle ayant déclaré sa base légale anticonstitutionnelle.

Il y a bien eu un projet de loi pour rectifier le tir, mais il sommeille dans les tuyaux depuis 2018.

Une convention non évaluée

En juillet de l’année dernière, un autre projet de loi a été déposé, qui a pour vocation de définir les contours de la notion de harcèlement moral ainsi que d’apporter une véritable protection des salariés victimes. Jusqu’à présent, il n’existait que l’obligation pour l’employeur d’assurer la santé des salariés sur le lieu du travail, pour sanctionner un cas de harcèlement moral.

Ainsi, la protection des salariés contre le harcèlement moral au travail est actuellement réglée par la convention contre le harcèlement et la violence au travail conclue entre les partenaires sociaux en juin 2009. Seule solution trouvée «après le non-aboutissement de deux initiatives visant à introduire dans la loi un dispositif spécifique relatif au harcèlement moral», comme le souligne le Conseil d’État dans son avis datant de mai dernier, relatif à ce projet de loi. L’article 1134 du Code civil dispose que «les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi par les parties à la convention».

« Rien n’avance sur la législation »

Le Conseil d’État constate que cette convention n’a fait l’objet d’aucune évaluation alors qu’elle est prévue après une période de cinq ans, sur demande d’une des parties signataires. «Aucune concertation avec les partenaires sociaux ne semble en outre avoir eu lieu avant l’adoption du projet de loi sous avis, ce qui peut paraître surprenant étant donné que le sujet est actuellement réglé par un accord entre ces mêmes partenaires sociaux», note le Conseil d’État.

«Rien n’avance sur la législation. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de poser une question parlementaire sur ce thème, car la réponse nous permettra de remettre le sujet à l’ordre du jour», explique de son côté le député Sven Clement.