Alors qu’un résident sur sept se déclare en situation de handicap, le ministère du Travail entame une série d’analyses sur les conditions d’emploi de ces personnes. Un angle inédit.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, les données de la sécurité sociale concernant les personnes en emploi, et celles de l’Adem sur les salariés handicapés, n’avaient encore jamais été croisées. Voilà le retard comblé, avec les chiffres bruts livrés lundi par le ministère du Travail. «Le but était d’obtenir une vue globale de l’emploi des personnes handicapées au Luxembourg, avant de lancer d’autres analyses plus précises», justifie le ministre Georges Mischo.
Ainsi apprend-on en quelques pages que le marché de l’emploi comptait 7 227 salariés handicapés fin 2023 : il s’agit de personnes atteintes d’un handicap entraînant une diminution de leur capacité de travail d’au moins 30 %, ayant obtenu ce statut sur décision de la Commission médicale de l’Adem. Parmi elles, 63 % d’hommes, 52 % de 45 ans et plus, et 85 % de résidents.
L’État ne disposant pas de données complètes sur les frontaliers handicapés, l’étude se concentre uniquement sur les résidents. «36 % des salariés handicapés occupent un emploi sur le marché du travail ordinaire, tandis que 24 % travaillent en ateliers protégés, des structures qui proposent des emplois adaptés. 30 % sont demandeurs d’emploi et 10 % ne sont ni en emploi, ni en recherche», détaille Mireille Zanardelli, responsable de la cellule Emploi – Travail à l’Inspection générale de la Sécurité sociale (IGSS).
«On va voir si on continue ou pas»
«Le taux d’emploi des salariés handicapés atteint 60 % au Grand-Duché, contre 74 % pour l’ensemble de la population résidente. Soit un écart de 14 points seulement, largement sous la moyenne européenne située à 21 points.» En clair, le Luxembourg semble être un bon élève en la matière.
Cependant, les salariés handicapés ne représentent même pas 1 % de la population active en emploi. Et sans mesure d’accompagnement spécifique, faire mieux s’annonce difficile. L’introduction d’une quinzaine d’«assistants à l’inclusion» à l’Adem en 2019 a fait un flop, de l’aveu même de l’ex-ministre Georges Engel. Il avait pointé un peu vite la crise du covid comme responsable, là où l’OGBL dénonçait plutôt un manque de proactivité et une équipe de non-professionnels.
Interrogé sur l’avenir de cette initiative, Georges Mischo botte en touche : «On va voir si on continue ou pas.» Quant à l’idée d’une plateforme commune qui regrouperait tous les acteurs impliqués, soutenue notamment par le Département des travailleurs handicapés de l’OGBL, le ministre trouve qu’effectivement, «ce serait une bonne idée à mettre à l’ordre du jour du Comité permanent du travail et de l’emploi».
«Des efforts dans le bon sens»
Pour tenter de mesurer l’impact du handicap sur l’emploi en fonction de sa nature, plusieurs catégories de données ont été recoupées. Il en ressort que les salariés atteints de troubles physiques (manque de motricité) ou psychiques (difficultés relationnelles sans déficience intellectuelle) peinent beaucoup plus à intégrer le marché du travail. Leur taux d’emploi se situe autour de 40 %, loin des 60 % pour les salariés souffrant d’une maladie chronique, ou des 80 % pour les salariés atteints de troubles mentaux.
Dans ce dernier cas, notons que la contribution des ateliers protégés pèse lourd, puisque ceux-ci occupent plus de la moitié de ces salariés. Tout comme le secteur public : la moitié des salariés handicapés en emploi travaillent dans une administration publique. Ce n’est pas la même chose dans le privé, où très souvent, le quota imposé de 5 % de salariés handicapés n’est pas respecté.
De nouvelles enquêtes à mener
«Pourtant, cet objectif de 5 %, c’est faisable, en particulier pour les grandes entreprises», glisse Georges Mischo. «Je constate quand même des améliorations ces dernières années, avec des efforts dans le bon sens. C’est aussi une question d’image désormais, alors que la société, elle, avance.»
Afin d’en savoir plus sur les conditions de travail réelles des personnes handicapées, d’autres enquêtes seront bientôt lancées, focalisées cette fois sur la qualité de leur emploi et aussi leur trajectoire professionnelle.
Un nouveau Jobday cet automne
Après une première édition qui avait attiré des centaines de personnes à Dudelange en 2023, l’Adem rempile et annonce une deuxième édition de sa «Journée handicap et reclassement professionnel» le 8 octobre prochain, à laquelle une vingtaine d’entreprises devrait participer. Les détails seront communiqués prochainement.