Offrir un habitat humanitaire digne aux personnes déplacées ou fragilisées est l’une des bases pour leur permettre de se reconstruire. Et l’innovation en la matière peut grandement améliorer leurs conditions de vie.
Chercheurs, ingénieurs, architectes ou simples curieux avaient rendez-vous vendredi à l’abbaye de Neumünster pour une journée d’échanges autour de l’habitat humanitaire. Un événement organisé par la Croix-Rouge luxembourgeoise et le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) pour promouvoir la recherche dans le domaine de l’humanitaire et de l’environnement.
«L’habitat humanitaire est un domaine complexe dont les défis peuvent être relevés grâce à l’innovation», a expliqué Daniel Ledesma, responsable du Shelter Research Unit, l’unité technique référente de l’Aide humanitaire de la Croix-Rouge luxembourgeoise. À l’occasion de cette journée, des tables rondes et des conférences ont été menées, et des travaux de recherche novateurs ont été présentés.
Des améliorations peuvent en effet toujours être apportées aux habitats humanitaires afin d’offrir des conditions dignes et sécurisées aux bénéficiaires, dans le respect de l’environnement et viables sur le plan économique. «Le produit doit être qualitatif et pas cher, car moins il est cher, plus on va pouvoir aider de personnes», souligne Rémi Fabbri, le directeur de l’Aide internationale de la Croix-Rouge luxembourgeoise.
La population locale impliquée
L’Aide internationale de la Croix-Rouge luxembourgeoise est experte dans l’habitat humanitaire en Afrique, en particulier dans la zone subsaharienne. Elle travaille en impliquant directement les populations locales pour la construction de ces habitats, explique Rémi Fabbri : «Nos équipes sur le terrain travaillent avec les Croix-Rouges locales pour accéder à la culture et au langage des populations, afin de bien évaluer leurs besoins et y répondre au mieux avec des solutions techniques adaptées.»
L’une des solutions trouvées consiste à utiliser des matériaux locaux pour construire ces habitats (exception faite des bâches, les bâches humanitaires, spécifiques, ayant une durée de vie plus longue – généralement cinq ans, contre quelques mois pour des bâches achetées sur les marchés). D’une part, cela permet de relancer l’économie, mais, d’autre part, c’est aussi permettre à la population d’assurer la maintenance de ses abris. «On ne construit pas pour les gens, on leur explique comment faire. On les forme aussi à assurer la maintenance de ces habitats, et comme les matériaux proviennent de marchés locaux, ils seront capables de le faire dans la durée», souligne Rémi Fabbri.
Ces habitats ont vocation à être temporaires, mais peuvent tout à fait évoluer en véritables maisons si la population désire s’installer. «Au Niger, par exemple, les maisons sont faites à partir de terre. On va donc former les populations à fabriquer leurs propres briques, et former des maçons et des charpentiers.» Avec une population plus nomade, la Croix-Rouge utilisera des matériaux plus légers et donc plus facilement transportables. Quant à ceux qui souhaitent retourner dans leur maison d’origine, ils pourront emporter les matériaux pour fabriquer des latrines par exemple. «Tout est réutilisable.»
Mais la marge de manœuvre reste grande pour innover en matière d’habitat humanitaire. La question de la température intérieure est notamment l’un des points de réflexion à mener, comme le relève Rémi Fabbri : «En Afrique, il fait très chaud, et avec une structure entièrement plastifiée, la chaleur à l’intérieur devient insupportable. On utilise donc la bâche uniquement pour le toit. Mais il y a des technologies innovantes à développer pour limiter cette chaleur avec le laboratoire des matériaux du LIST, qui travaille sur les plastiques. De même, on pourrait développer une bâche avec des cellules photovoltaïques, ce qui permettrait de charger les téléphones ou faire chauffer des plaques. Une bâche avec des éléments phosphorescents apporterait, quant à elle, de la lumière pendant la nuit, afin de prévenir les risques de viols, malheureusement récurrents.»
Un exemple d’innovation particulièrement réussi : le foyer amélioré, sorte de petit barbecue en terre cuite, qui permet de réduire drastiquement la consommation de bois et donc de lutter contre la dégradation de l’environnement, en sus de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des familles, et tout particulièrement des femmes, généralement chargées d’aller chercher le bois, avec tous les risques de viols, là encore, que cette tâche comporte dans certains contextes.
La spécificité de l’Ukraine
En marge de l’événement, le travail des équipes de la Croix-Rouge ukrainienne a été mis à l’honneur au travers d’une exposition. L’occasion de se pencher sur la question des abris dans un contexte totalement différent, car comme le souligne Ilin Mykyta, coordinateur des abris et des infrastructures pour la Croix-Rouge ukrainienne, «la différence principale, en Ukraine, c’est bien sûr le climat».
«La plupart des catastrophes et des conflits ces dernières années ont eu lieu dans des endroits où le climat est en général plus chaud. On peut donc rapidement y construire des abris avec un peu de bois et de plastique. Ce ne sont pas des conditions idéales bien sûr, mais les gens peuvent y vivre. En Ukraine, c’est impossible, entre la pluie, la neige et le froid», explique-t-il. Fournir du chauffage est donc partie intégrante des solutions à apporter.
Les équipes travaillent aussi à réhabiliter les maisons. Dans le cadre du conflit, elles ont par exemples posé des films de protection sur les fenêtres : «La vitre pourra se briser en cas d’impact ou d’explosion, mais elle ne volera pas en éclats», cause d’importantes blessures.