Guillaume Becker est taxidermiste pour le MNHN. Son métier consiste à empailler des animaux pour informer le public, mais aussi fournir une base de travail aux chercheurs.
Lorsque nous retrouvons Guillaume Becker dans son atelier, du côté de Kehlen, il est affairé à fignoler un chamois : un petit coup de grattage au niveau des yeux, un autre aux coins des lèvres, et l’animal sera parfait, donnant l’illusion d’être prêt à bondir!
Guillaume Becker est taxidermiste pour le musée national d’Histoire naturelle (MNHN) : il conserve les animaux morts et leur donne l’apparence de la vie, afin de fournir une base tant scientifique qu’historique aux chercheurs, et pour informer le public.
«Les images 3D ne rendent pas la même impression», estime le taxidermiste, pour qui l’empaillage reste évidemment important. «Dans 100 ans, on montrera quoi aux gens ? Un tube avec de l’ADN et un bout de viande, et on dira « c’est un chamois ! » Ce n’est pas la même chose de voir l’animal empaillé et de pouvoir en faire le tour.»
Ce chamois-ci ne sera pas exposé, il sera enregistré et stocké dans la zoothèque. Le MNHN en possède deux, bien remplies : de 6 000 à 7 000 pièces y sont entreposées. «Je sais précisément d’où vient l’animal, quand et de quelle façon il est mort. C’est important d’avoir des données, afin de pouvoir dire, par exemple, dans 200 ans, qu’à tel endroit, il y avait des chamois.»
Les mites, la hantise du taxidermiste
Le métier surprenant qu’exerce Guillaume Becker a énormément évolué, tant en termes d’éthique que de technique. Plus question en effet d’abattre des animaux exotiques pour étoffer les collections des musées, comme cela avait pu être le cas par le passé. «Nous avons un devoir historique, mais il faut vivre avec son temps ! Depuis une trentaine d’années environ, les musées récupèrent les animaux morts auprès des zoos et des parcs animaliers, pour ne pas causer de dommages à la nature. Au MNHN, nous travaillons aussi avec le centre de soins de Dudelange, car nous nous focalisons sur la faune du Luxembourg et de la Grande Région, notamment à cause de la perte de biodiversité», fait savoir Guillaume Becker.
Toute médaille a son revers : si le musée national d’Histoire naturelle (MNHN) est très ouvert et qu’il est possible d’aller observer de très près les animaux empaillés sans être freiné par une barrière ou une vitrine, certains visiteurs indélicats n’ont pu se retenir de les toucher et plusieurs bêtes ont déjà été abîmées par le public. «Beaucoup ignorent que ce sont de vrais animaux», relève Guillaume Becker.
«Mais il ne faut pas les toucher, cela détériore les pièces. Les poils ne repoussent pas !» Des queues et des oreilles ont même déjà été arrachées, sur des lièvres ou des renards polaires notamment. «J’ai déjà dû changer de nombreuses pièces. Mais selon les espèces, c’est très compliqué : quand c’est une panthère des neiges qui est abîmée, cela a un coût, et surtout, il faut pouvoir en retrouver une. On ne tue pas les animaux spécialement pour le musée !», rappelle le taxidermiste.
Fini également les lourdes structures en ferraille et le remplissage au plâtre et à la paille de bois (cette dernière étant toutefois quelquefois utilisée pour des éléments précis). Les os non plus ne sont plus conservés dans l’empaillage.
Désormais, les taxidermistes travaillent avec du polyuréthane, un matériau bien plus léger, qui permet davantage de précision et donc de réalisme, et qui est en outre imputrescible et dans lequel les insectes n’iront pas se loger.
L’attaque de mites, c’est en effet le cauchemar de tout taxidermiste. «Les mites mangent les poils ou les plumes», rappelle Guillaume Becker. Pour prévenir l’invasion, des pièges à phéromones sont donc installés. Si une infestation se produit dans le dépôt, de l’insecticide y est pulvérisé.
«Mais pas dans le musée, à cause du public», prévient Guillaume Becker. «Là-bas, nous mettons des pièges en prévention et je vérifie régulièrement l’état des animaux. Si une bête est attaquée, je la sors tout de suite, pour qu’elle ne contamine pas les autres.»
Un métier en net déclin
Voilà plus de deux ans que Guillaume Becker travaille à temps plein pour le MNHN, lequel n’avait jusqu’alors pas de taxidermiste officiel, mais faisait appel à des prestataires, dont Guillaume Becker, qui a exercé ce métier en indépendant par le passé.
Il a toujours baigné dans cet univers, lui qui vient d’une famille de chasseurs. «Mon père est taxidermiste et nous sommes des chasseurs. On a toujours eu des trophées dans la maison, j’ai appris à ses côtés», explique-t-il.
Il a tout de même passé le CAP de taxidermie, en France, le seul examen qui valide la profession dans toute l’Europe. «On peut être taxidermiste sans CAP. La grande majorité des taxidermistes ne possèdent pas ce diplôme», prévient-il.
Pour exercer ce métier, il faut bien sûr s’intéresser aux animaux et à la biologie, et faire appel aux amis lorsqu’on s’attaque à des bêtes moins communes. «Plus un animal est gros, plus c’est difficile. J’ai déjà empaillé une girafe et un ours polaire, un challenge ! J’aimerais un jour pouvoir faire un albatros ou un okapi. C’est toujours intéressant de s’occuper d’animaux dont on n’a pas l’habitude, même si le principe reste en général le même. Là, j’ai une tortue des Seychelles de 80 kilos. J’ai donc pris deux petites tortues pour m’entraîner avant de me lancer.»
En attendant d’être préparé, l’animal peut être congelé sans problème. Guillaume Becker vient ainsi de terminer récemment l’empaillage d’une cigogne africaine stockée depuis une vingtaine d’années dans un congélateur !
Cette passion est de moins en moins comprise, Guillaume Becker en est pleinement conscient : «Le métier est clairement en déclin.» En dehors des musées, mais dont le nombre de places reste de toute façon limité, le nombre de personnes faisant appel au savoir-faire des taxidermistes se restreint d’année en année. Il ne resterait que 150 taxidermistes en France, contre 1 000 il y a quarante ans. «La taxidermie n’est plus à la mode. Il y a de moins en moins de chasseurs, et de moins en moins d’argent à y consacrer», résume Guillaume Becker.
Les réserves du musée national d’Histoire naturelle (MNHN) regorgent d’animaux (empaillés, congelés, à l’état de squelette…) : «Entre 6 000 et 7 000 pièces à la louche», indique Guillaume Becker. Une zoothèque qui permet non seulement d’être en mesure de remplacer les pièces exposées dans le musée en cas de besoin et d’organiser des expositions temporaires, mais qui constitue surtout une base de données scientifique essentielle pour les chercheurs. Toutes ces pièces permettront également aux générations futures de connaître la biodiversité selon les époques et offriront éventuellement la possibilité de prélever de l’ADN.
Ces dernières années, cette collection a été enrichie par de nombreuses donations de particuliers : crânes de gorille, léopards empaillés, peau de loup et défenses d’éléphant ramenés au Luxembourg a une époque où il n’y avait pas encore d’interdiction en la matière, mâchoires de requins (par centaines !) reçues après le décès d’un passionné, crânes de chevreuil datant du début du XXe siècles montés sur plaques, renards et fouines empaillés… «La taxidermie n’étant plus à la mode, les jeunes générations s’en débarrassent lorsqu’il y a un décès. Des trouvailles incroyables sont faites dans les greniers !», indique Guillaume Becker, en charge de leur classement.
il porte même pas de gants, ni masque ou lunettes de protection… ?