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Grève chez Ampacet : «Qu’ils nous rendent notre usine»


Les grévistes d’Ampacet, devant la Chambre des députés, mènent la grève la plus longue du pays depuis celle des carreleurs en 1995 (28 jours). (Photo : fabrizio pizzolante)

Pour leur 18e jour de grève, les salariés d’Ampacet ont interpellé jeudi les députés sur leur conflit social qui pourrait passer les fêtes de fin d’année, tant la situation reste au point mort.

Dix-huit jours plus tard, le souffle de la grève chez Ampacet n’est pas retombé. Au contraire. Dans le froid qui régnait hier au pied de la Chambre des députés, la délégation de grévistes et de représentants de l’OGBL a chaudement montré ses couleurs.

Le but : manifester et interpeller les députés, et les passants, sur le conflit social que connaît l’entreprise de Dudelange depuis que la direction a unilatéralement stoppé les négociations pour renouveler la convention collective. Valable jusqu’en juillet 2024, la convention a pourtant été rompue, provoquant ainsi le point de départ de la grève le 27 novembre dernier.

Depuis, «on fait partie des trois plus grosses grèves de l’histoire du pays et si on passe le 31, on sera la plus longue devant les carreleurs en 1995», annonce un salarié. Déjà détenteur d’un «triste record» de 18 jours de grève, personne devant la Chambre ne souhaite dépasser les 28 jours des carreleurs mais rien n’est exclu.

«Pour le moment, il n’y a plus de négociations, nous n’avons pas d’échéance avec la direction, donc il n’y en a pas non plus pour la grève», fait savoir Stefan Osorio, secrétaire central adjoint de l’OGBL.

«On est tous des Ampacet»

À la suite de l’échec des négociations, la direction avait tout de même tenté de proposer une offre à l’Office national de conciliation (ONC). Une initiative refusée en bloc par les grévistes à cause de différents points dont la fin des départs anticipés à la retraite, la fin des congés d’ancienneté, la réduction des congés ainsi qu’une hausse salariale trop basse. «On nous a proposé d’être augmentés de 8 euros brut, avec ça je n’achète même pas les pains aux chocolats le dimanche pour ma famille», s’indigne un salarié.

Depuis le refus de l’offre, la situation s’est même aggravée. «Ils nous ont dit qu’en refusant, on n’aurait plus le chèque-cadeau de 100 euros de Noël, ni les cadeaux de la Saint-Nicolas pour les enfants», raconte Saliha Belesgaa, présidente de la délégation d’Ampacet. «On n’est pas à 100 euros près, je ne suis pas dehors pour ça mais pour le combat plus large contre la dégradation de la convention.»

Au-delà des points de tension et des conditions de travail qui les concernent personnellement, les grévistes d’Ampacet gardent également le cap afin de protester contre la fragilité des conventions collectives. «On est là aussi pour renforcer la loi sur les conventions collectives parce qu’on voit comment c’est facile d’en casser une et que c’est difficile de faire grève.»

Certains craignent «un carnage» si jamais la situation donne raison à la direction, ce qui pourrait pousser d’autres patrons à le faire. «On est tous des Ampacet, aucun salarié luxembourgeois n’est à l’abri», prévient Saliha Belesgaa. «Ils ont oublié dans quel pays ils sont et que le dialogue social, c’est la culture du Luxembourg.»

La direction dans le collimateur

Face au «manque d’humanité de la direction», les grévistes n’excluent pas de passer les fêtes dehors, parmi l’une des trois équipes qui se relaient continuellement au poste de grève à l’entrée de l’entreprise. Une perspective qui ne semble pas freiner leurs ardeurs, réchauffés par le soutien des entreprises voisines, des habitants de Dudelange, des conseillers communaux et des coups de klaxon. «Je ne m’attendais pas à une telle ampleur en commençant, tout le monde nous soutient», apprécie un salarié, gréviste pour la première fois en dix ans de carrière.

Pour l’avenir, certains des manifestants sont toutefois moins confiants quant à leur retour au travail. Le comportement de deux membres de la direction pousse même certains à envisager de quitter l’entreprise, «si jamais ils ne partent pas».

Sans les nommer, les deux dirigeants, arrivés depuis deux ans, auraient dégradé l’ambiance, les conditions de travail et les salaires. Pour les grévistes, le retour à la normale s’accompagnera également par un changement au sein de la direction : «Normalement, quand on sait qu’on a fait du mal, on part».

«On veut qu’ils nous rendent notre usine», résume un manifestant. La fin de la mobilisation devant la Chambre des députés s’est achevée par l’annonce de l’invitation du bourgmestre de Dudelange, Dan Biancalana, faite à la direction d’Ampacet afin de régler la situation. «C’est déjà bien, mais ce n’est pas encore ça», souffle un gréviste, qui attend le retour des négociations de la convention collective.