Au théâtre, on appelle cela un rappel. Le public applaudit après la sortie de l’artiste. Puis celui-ci revient. Salue à nouveau et s’en va. Hier, Philippe Richert n’est pas réapparu après avoir annoncé, sans l’expliquer vraiment, qu’il démissionnait de la présidence de la région Grand Est.
« Mes amis, ce soir je vous quitte », a-t-il murmuré après une déclaration d’une demi-heure prononcée dans le hall principal du conseil régional à Strasbourg devant une petite centaine d’élus de la majorité, venus lui manifester leur attachement.
Philippe Richert a mis fin hier à une carrière politique longue de 35 ans. « Jeune, je n’étais pas fait pour la politique… », assure-t-il, sans que l’on puisse le croire tout à fait. Il ne s’agit pas pour lui de prendre du recul, « je me retire complètement du conseil régional et de toutes les fonctions électives », a-t-il insisté.
« Je n’aime pas les affrontements stériles »
Le passage de témoin pour préparer l’avenir est, selon lui, la motivation principale de sa décision qui intervient moins de deux ans après sa prise de fonction. « Des élections auront lieu en 2021, c’est à ceux qui seront dans la bataille de se faire connaître », a poursuivi l’ancien professeur de sciences naturelles.
Derrière cet argument se profilent d’autres raisons qu’il s’est contenté d’esquisser hier. La guerre que des élus alsaciens lui mène sans concession en fait assurément partie. Il s’est posé en défenseur de l’identité alsacienne que certains l’accusent de bafouer.
Comment peut-on lui faire ce procès, à lui qui « s’est battu pour la fusion des deux départements alsaciens » avant d’être désavoué par référendum ? Philippe Richert a laissé percer les blessures de ce combat. « J’ai été la cible d’attaques d’une rare vulgarité auxquelles je n’ai pas répondu », confie-t-il.
Il digresse et revient rapidement sur la violence potentielle du débat public : « Je n’aime pas les affrontements stériles, j’ai besoin d’être bienveillant. L’homme est blessé.
Dans l’assistance, l’émotion est palpable. Le premier président de la région Grand Est date son envie de raccrocher les gants au lancement de la réforme territoriale, acte de naissance de cette région dont il ne voulait pas. « J’en étais arrivé à cette étape où je m’interrogeais sur mon engagement dans la vie publique, j’en étais là ».
Mais son positionnement central, l’insistance de ses amis et la conviction que l’Etat ne ferait pas machine arrière l’ont poussé à repartir en campagne. « Je ne le regrette pas, car nous avons évité que la région ne tombe entre les mains du Front national » martèle-t-il sous les applaudissements.
Philippe Richert a dressé la liste de ses acquis au cours de ces deux années de mandat. Il évoque les chantiers en cours qui se feront sans lui. L’Etat aurait une part de responsabilité dans sa décision, pas seulement pour avoir privé les régions de 450 millions d’euros.
« Le plus grave est que le Premier ministre n’honore pas la signature de son prédécesseur », lance-t-il devant un public acquis à cette cause.
Après le temps du discours, celui des adieux à ses proches collaborateurs. Sa voix se brise. Il baisse les yeux et prend appui sur le silence avant de refaire face à l’assistance et de lancer : « Maintenant c’est à vous de faire, mais sans moi. » En coulisse sa succession est ouverte.
Plusieurs noms circulent, dont celui de Jean Rottner, maire de Mulhouse. Mais la présidence de la région est-elle forcément dévolue à un élu alsacien surexposé à la résistance qui s’exprime ? L’hypothèse d’un président lorrain n’est pas à écarter.
Jean-Luc Bohl, et Valérie Debord sont sur les rangs. Des élections rapides vont se tenir afin de ne pas prolonger exagérément cette période d’incertitude donc de fragilité.
Le Républicain Lorrain