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Grand Est Mondial Air Ballons : et la peur s’envola…


Pendant le vol, difficile de ne pas prendre des photos tant les paysages sont beaux. (photo DR)

Jusqu’à dimanche, se déroule le Grand Est Mondial Air Ballons, l’un des plus grands rassemblements au monde de montgolfières, à une soixantaine de kilomètres de la frontière luxembourgeoise. Nous avons embarqué à bord de l’une d’elles, aux couleurs de la Ville d’Esch-sur-Alzette.

Tétanisée par la peur à la simple idée de monter sur une balançoire et d’en tomber, je n’étais pas des plus enthousiastes lorsque l’on me proposa d’effectuer un vol en montgolfière pour en relater l’expérience dans un article. Pas certaine que décrire les visions d’horreur qui ne manqueront pas de me traverser l’esprit pendant ce baptême de l’air puisse intéresser quiconque.

Pourtant me voici, ce mercredi 26 juillet, dès potron-minet et sous un ciel gris, à l’aérodrome de Chambley, en Meurthe-et-Moselle où se déroule le fameux Grand Est Mondial Air Ballons (GEMAB).

Après avoir traversé une allée de stands encore fermés, je retrouve Sylvain Bierry, pilote depuis treize ans et membre du Cercle luxembourgeois de l’aérostation (CLA) depuis 3 ans. Sous le regard de deux autres passagers, il s’affaire avec son équipier Manu et trois adolescents venus leur prêter main-forte, tout en donnant les consignes de sécurité.

Dans la nacelle en osier couchée sur l’herbe humide, ils ont fixé quatre lourds cylindres de propane à chaque coin pour alimenter les brûleurs. Un extincteur, un altimètre, un GPS et une radio reliée à la tour de contrôle viennent compléter l’équipement. Les gestes sont précis, rapides.

Avant de pouvoir décoller, il faut que la toile de nylon soit bien gonflée. Pour cela, rien de tel qu’un ventilateur. (photo DR)

Accroché à cette nacelle par des élingues, le ballon, ou plus précisément l’enveloppe étalée à plat sur le sol. Place à présent à son gonflage : un ventilateur est posé devant son ouverture, soufflant de l’air froid et petit à petit, elle prend sa forme ovale ornée du logo bleu et blanc de la commune d’Esch-sur-Alzette.

Maintenant, les brûleurs de la nacelle sont allumés, leur air chaud est insufflé dans l’enveloppe. Lorsque sa température atteindra 60 °C, le ballon se lèvera verticalement : «Quand je vous ferai signe, nous explique Sylvain dont le ton se fait sérieux, vous monterez à bord tout de suite, sans réfléchir, parce qu’il nous faut du poids pour stabiliser le ballon.» «Sans réfléchir». Parfait.

«Pas relié avec le sol»

La veille, l’envol de masse des montgolfières avait été annulé à cause de conditions météorologiques défavorables, mais aujourd’hui, lors du briefing, le directeur du site a donné son aval au décollage des quelque 400 ballons présents. Si les dieux de la météo m’ont abandonnée, l’énergie et la concentration qui émanent de Sylvain Bierry commencent à me rassurer, ses explications claires et empreintes d’humour aussi.

En quelques instants, le ballon est au-dessus de la nacelle que nous enjambons rapidement. La corde amarrant l’habitacle au sol est larguée, nous disons au revoir de la main à Manu qui va attendre de venir nous récupérer, et sans l’avoir senti, voilà que nous avons pris de l’altitude.

Aucune secousse, aucune sensation de vertige et pourtant nous sommes bien dans les airs. «Le mal des transports, on peut l’avoir, mais pas longtemps. En fait, c’est comme le vertige, nous explique Sylvain Bierry. Comme on n’est pas reliés avec le sol, l’oreille interne n’est pas du tout perturbée».

«Pas relié avec le sol», c’est vrai, j’aurais presque oublié tant la sensation procurée par l’apesanteur est douce, portés par le vent, nous flottons paisiblement. Notre pilote a les yeux rivés sur l’horizon. Il surveille les lignes électriques pour éviter l’accident et tire sporadiquement sur une corde rouge quand il veut faire s’échapper de l’air chaud de la soupape du ballon afin de garder la même altitude.

Un spectacle magnifique

Je jette un œil sur l’altimètre qui bipe à intervalles irréguliers : nous volons à une vitesse comprise entre 10 et 15 km/h et sommes à 380 m d’altitude par rapport au niveau de la mer. «Accrochez-vous, on va descendre un peu pour nettoyer la nacelle dans le champ de maïs», rigole soudain Sylvain qui joint le geste à la parole et nous fait frôler les tiges pour qu’elles balaient sous nos pieds.

Il recommencera cette manœuvre un peu plus tard en nous faisant passer juste au-dessus de la cime des arbres d’un petit bois. La vue est sublime. De quelques côtés que l’on regarde, des montgolfières se détachent de la brume, on a beau avoir vu ces images mille fois, en faire partie est un spectacle à la fois surréaliste et de toute beauté. Et quel calme. Au sol, ici deux lièvres traversent un champ, là une biche et là encore des chevaux dans un pré. «J’évite de voler trop bas, cela les effraie trop», commente l’aérostier.

 

En bas, un homme posté sur un chemin attire son attention : «Ah ! il est en train de relever les immatriculations.» L’occasion d’apprendre que chaque montgolfière porte un numéro sur son enveloppe, dont la première lettre définit le pays. À notre droite, un S5 – le préfixe de la Slovénie –, à notre gauche un PH, pour les Pays-Bas.

Cinquante nations sont présentes à cette édition du GEMAB 2023 et, même si une fois en altitude, un sentiment de paix nous envahit, l’actualité a des répercussions ici aussi. Pour preuve, le ballon jaune et bleu aux couleurs de l’Ukraine qui flotte un peu plus loin dans les airs, tandis que la participation de la Russie a été refusée par les organisateurs, développe Sylvain Bierry.

Une cérémonie inattendue

Déjà près d’une heure de vol, l’aérostier envoie un message à son équipier resté au sol pour lui expliquer où nous nous trouvons et vers où nous nous dirigeons. D’ailleurs, sur les routes en contrebas, des voitures avec remorque avancent lentement en file indienne.

Ce sont les équipiers, un poste qui n’est pas non plus de tout repos, nous confiera Manu plus tard, lui qui durant les neuf jours que dure la manifestation perd environ quatre kilos : «On ne dort pas beaucoup, on mange de façon irrégulière».

Sylvain a repéré un champ où atterrir, mais manque de chance, une camionnette nous empêche de le faire. Pas grave, on se posera dans le suivant. Les mains agrippées à des cordes à l’intérieur de la nacelle, les jambes légèrement fléchies, les talons décollés du sol, nous sommes prêts. La nacelle heurte le sol puis redécolle plusieurs fois laissant derrière elle une traînée dans le champ moissonné. Enfin elle s’arrête, couchée sur le flanc. Je sors la première en rampant, suivie par mes trois compagnons de vol.

Manu nous a trouvés et rapplique avec sa voiture, il est temps de ranger le matériel, en commençant par retirer les cylindres de gaz. Nous allons d’ailleurs aller les recharger derrière la base de Chambley pour qu’ils soient pleins pour le vol de ce soir. La nacelle et la toile de nylon repliée sont chargées dans la remorque et nous montons dans le véhicule, direction la station de propane.

Mais sur le trajet, Manu arrête la voiture dans le premier village. Sylvain nous en fait descendre et nous demande de nous mettre à genoux. Quelques minutes après, lestée de gouttes de vin mousseux et de fleurs dans les cheveux, me voici adoubée comtesse et pourvue d’un «certificat d’ascension» attestant que j’ai «réalisé mon premier vol en montgolfière en faisant preuve de courage et sang-froid». De quoi me donner envie de faire de la balançoire.

Sylvain Bierry.

Le meilleur vol et le pire de Sylvain Bierry

«En 2021, se remémore le pilote (NDLR : lors d’un envol de masse au GEMAB), les ballons étaient tellement serrés qu’on se parlait de nacelle à nacelle, les enveloppes se touchaient, c’était magnifique, c’est le plus beau vol que j’ai réalisé.

Par contre, un jour à Maizières-lès-Metz, je me suis retrouvé avec les cylindres presque vides, sans gaz au-dessus de petites nappes d’eau. J’ai dû être tiré avec une corde de manœuvre !»