« De nombreuses données informatiques » ont été saisies lors de perquisitions menées chez le géant américain du pneumatique Goodyear, mais le Luxembourg et la Belgique peuvent les contester.
Les saisies informatiques qui se sont déroulées mardi et mercredi chez Goodyear, après l’éclatement de pneus de camions à l’origine d’accidents mortels, « vont pouvoir être exploitées par les enquêteurs », a déclaré ce jeudi le procureur de la République de Besançon.
Ces perquisitions ont été menées sur des sites en France, en Belgique et à Colmar-Berg au Luxembourg. Le procureur Étienne Manteaux a toutefois souligné que Goodyear pouvait encore contester en justice les saisies effectuées au Luxembourg et en Belgique.
« La remise des scellés aux enquêteurs français sera donc subordonnée à la validation des saisies opérées par un juge au Luxembourg et en Belgique », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.
Le magistrat est longuement revenu à cette occasion sur les trois dossiers d’accidents mortels survenus dans le Doubs et la Somme en juillet 2014, et dans les Yvelines en avril 2016. Quatre personnes sont mortes dans des collisions provoquées chaque fois par l’éclatement du pneu avant gauche de poids lourds provoquant une perte de contrôle du chauffeur.
Quatre autres dossiers d’accidents, ayant causé trois décès, ont aussi été versés à la procédure, mais seulement à titre d’information car prescrits.
Pas de rappels des pneus
« Dans ces différentes procédures, ce sont donc huit expertises distinctes, réalisées par sept experts différents, qui ont constaté » les défaillances des pneumatiques Goodyear Marathon LHS II et LHS II +.
Il est reproché au géant américain d’avoir eu connaissance d’un défaut sur ses pneumatiques mais de n’avoir pas procédé à une campagne de rappels, se contentant d’un programme d’échange.
Étienne Manteaux a d’ailleurs regretté que dans un certain nombre d’autres accidents de poids lourds « on ne peut définir quelle est la marque même du pneumatique qui a éclaté et compte tenu de l’ancienneté des faits, tous ces scellés ont été détruits ». « C’est tout à fait désolant. »
« Souvent l’éclatement d’un pneu est vu comme la faute à pas de chance ou à une crevaison subite », a-t-il noté, ce qui a pu conduire à classer sans suite certaines requêtes après des accidents.
Sophie Rollet, lanceuse d’alerte qui a permis de mettre au jour cette affaire et dont le mari était décédé dans un de ces accidents, estime également qu’il y a « beaucoup plus de victimes » dues à l’éclatement des pneus Goodyear. « Mais on ne sera jamais en capacité de les identifier pour de multiples écueils systémiques. »
Étienne Manteaux a salué « la détermination de Mme Rollet, qui a été centrale dans cette procédure pour faire progresser les investigations ».