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Golden numbers : une ex-compagne répondait au téléphone, l’autre livrait l’héroïne


Jocelino, la tête du réseau, a essayé de minimiser l’importance de son réseau. (Photo : archives lq)

Le prévenu avait mis son entourage à contribution pour vendre de l’héroïne. Ses compagnes ont agi par amour sans rien demander en retour pour l’aider à se refaire une santé financière.

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Jocelino et son réseau de dealers auraient écoulé au moins 55 kilogrammes d’héroïne au Luxembourg grâce à deux «golden numbers». Ces numéros de téléphone circulaient dans le milieu des toxicomanes luxembourgeois. Ils n’avaient qu’à les composer pour passer commande de leur dose. Leur demande était traitée depuis Rotterdam aux Pays-Bas et un rendez-vous était fixé pour la remise. Principalement dans le sud du Luxembourg et sa région frontalière. Cinq grammes d’héroïne étaient vendus 75 euros. 25 grammes, 350 euros.

Toutes les opérations étaient dirigées par le prévenu qui mettait ses anciennes compagnes et ses deux fils les plus âgés à contribution. Jocelino, Silvana, Diara, Lorenzo et Luciano comparaissent cette semaine et la semaine prochaine avec cinq autres prévenus face à la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. L’arrestation d’un des revendeurs en flagrant délit le 9 août 2021 avait mis les policiers luxembourgeois et l’administration des douanes et accises sur la piste du réseau.

Les enquêteurs ont eu du fil à retordre pour remonter jusqu’à la tête de l’organisation et l’interpeller. Silvana et Luciano ont été arrêtés alors qu’ils amenaient de l’héroïne aux vendeurs le 2 février 2022. Jocelino et le reste de la bande en mai. Le prévenu se serait livré à ce commerce pour rembourser une dette de 200 000 euros au moins. 45 kilogrammes d’héroïne ont été saisis au domicile de Silvana à Rotterdam. «Les écoutes nous ont montré que quand il l’a appris, il a eu la frousse. Il a dû avancer l’argent pour se les procurer», a noté un enquêteur hier.

Entre 20 et 30 kg d’héroïne

Les chiffres avancés par les enquêteurs ne sont que des estimations. «Les quantités vendues sont certainement plus importantes. Nous n’avons pas eu accès aux commandes passées via WhatsApp et les autres applications de messageries instantanées», explique l’agent des douanes.

Jocelino admet avoir vendu entre 20 et 30 kilogrammes d’héroïne depuis le mois de mars 2021. Pas un de plus. Le parquet a daté le début de ses activités au Luxembourg à décembre 2020. La drogue serait parvenue déjà conditionnée aux revendeurs. «Je donnais 50 à 150 euros à différents consommateurs pour conditionner les drogues chez eux. Je n’avais pas de domicile fixe», a expliqué le prévenu hier. «L’héroïne saisie au domicile de Silvana ne m’appartenait pas.»

La présidente de la chambre correctionnelle a du mal à comprendre sa logique. «Pourquoi voulez-vous rembourser la drogue saisie chez votre ancienne compagne si ce n’est pas la vôtre, et où est la vôtre puisqu’au moment de la perquisition, vous revendiez au Luxembourg?», lui demande la juge. Le prévenu n’aurait donc jamais entreposé ni conditionné de stupéfiants au domicile de sa compagne. Pourtant, l’ADN d’un gamin du quartier qui «venait jouer à la console» chez elle a été retrouvé sur les stupéfiants, le coince la juge.

Aveuglées par l’amour

«J’ai transporté entre 10 et 20 kilogrammes d’héroïne. C’étaient souvent des boules et parfois des blocs. Il me les déposait devant la porte avant que je me mette en route», a reconnu Silvana. «Au départ, je ne voulais rien avoir à faire avec son trafic, mais il avait tellement de problèmes d’argent que j’ai finalement décidé de l’aider par amour. J’ai été bête.» Jocelino prétend avoir accumulé un million de dettes en 30 ans.

La jeune femme a sacrifié sa stabilité gratuitement. Elle aurait transporté six à huit fois de la drogue au Luxembourg contre l’argent des courses du ménage. «Vous deviez être consciente qu’il ne s’agissait pas d’un petit trafic», a constaté la juge. «Vous avez avoué au juge d’instruction avoir rapatrié de 3 000 à 6 000 euros par transport aux Pays-Bas.»

«J’ai compris qu’il s’agissait d’un trafic parce que des personnes différentes téléphonaient. Je pensais qu’il vendait de la marijuana. Les policiers m’ont expliqué de quoi il s’agissait vraiment lors de mon interpellation», a indiqué Daria, une autre ancienne compagne qui avait pour rôle de décrocher un des «golden numbers» et de le rappeler pour transmettre les messages. «Je répondais ce qu’il me demandait de dire.» «Vous vous exécutiez de manière très convaincante», rétorque la juge qui ne croit pas qu’elle ait seulement été téléguidée par Jocelino.

«C’était de l’argent facile»

Diara a payé les Airbnb qui ont accueilli les revendeurs et les tickets de train de ses propres deniers, sans jamais recevoir de contrepartie, selon elle. «J’étais aveuglée, folle amoureuse de lui.» «Vous lui avez permis de doubler son trafic», a constaté la présidente.

Les autres chaînons du système mis en place par Jocelino sont moins prolixes. Les vendeurs tentent de semer la juge et refusent de parler de l’argent perçu pour leurs services. «Est-ce que cela en valait la peine? À vous entendre, on dirait que vendre de l’héroïne était une bagatelle», demande la juge alors que certains d’entre eux, pères de famille, risquent de la prison ferme. «C’était de l’argent facile. Je ne pensais pas à la prison», avance Eric à la présidente qui ne comprend pas. «Vous risquez un an de prison pour avoir vendu pendant une journée. Ici, on parle d’association de malfaiteurs.»

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