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Golden numbers : un réseau néerlandais vendait de l’héroïne par téléphone


Pas besoin de zoner à la recherche d’un dealer, avec les «golden numbers», il suffit de lui téléphoner. La méthode est presque sans risque. (photo archives LQ)

Emballé, c’est pesé ! Il suffisait aux toxicomanes de commander leur dose d’héroïne par téléphone pour la recevoir. Cette centrale d’achat était gérée en famille depuis les Pays-Bas.

Des mois d’écoutes téléphoniques, d’observations et de recoupements d’indices ont mené à l’arrestation de Jocelino, la tête pensante «d’une organisation criminelle bien rodée» opérant depuis Rotterdam, aux Pays-Bas, ainsi que de certains complices présumés, dont deux de ses compagnes et deux de ses fils. Dix personnes comparaissent cette semaine et la semaine prochaine face à la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg dans le cadre d’une vaste affaire de vente d’héroïne par l’intermédiaire de «golden numbers».

Ces «golden numbers» sont des numéros de téléphone reliés à des sortes de centrales d’achat auprès desquelles les consommateurs de stupéfiants peuvent passer commande. Leur commande leur est ensuite remise par des vendeurs de rue lors de rendez-vous fixés au cours de l’appel. Jocelino et Diara, une de ses compagnes, répondaient au téléphone ou communiquaient par WhatsApp et Snapchat avec les clients.

Le prévenu fixait les rendez-vous et s’occupait de la logistique nécessaire au fonctionnement de son réseau, selon un agent de l’administration des Douanes et Accises chargé de l’enquête menée conjointement avec la police grand-ducale et ses homologues néerlandaise et française.

Le chef présumé du réseau avait mis tout son entourage à contribution. Ses deux fils, Lorenzo et Luciano, remettaient les commandes aux toxicomanes, Silvana, une autre compagne, livrait la drogue depuis les Pays-Bas vers les zones frontalières du Grand-Duché et récupérait l’argent quand Jocelino ne s’en chargeait pas lui-même.

Lors d’une perquisition au domicile de cette dernière à la suite de son arrestation et de celle de Luciano le 2 février 2022, les policiers néerlandais ont mis la main sur 45 kilogrammes d’héroïne pure ainsi que sur du produit de coupe. Ce qui permet aux enquêteurs de conclure que l’appartement qui était occupé par Jocelino devait servir de lieu de stockage et de conditionnement des stupéfiants.

Près de 55 kg écoulés

Jocelino a indiqué au juge d’instruction couper les produits stupéfiants de moitié. Il les achetait à différents fournisseurs pour environ 15 000 euros le kilogramme et engrangeait près du double en recettes. Son but était de rembourser une dette de 200 000 euros contractée aux Pays-Bas.

Tous les deux ou trois jours, selon les informations recueillies grâce aux écoutes, entre autres, des deux «golden numbers» et aux images vidéo des systèmes de surveillance autoroutière, les livraisons étaient remises à la frontière luxembourgeoise. À Athus et Stockem, notamment. Le réseau était principalement actif dans le sud du pays.

L’arrestation en flagrant délit à Esch-sur-Alzette d’un de ses revendeurs le 1er août 2021 avait mis la puce à l’oreille des policiers. Ils estiment qu’en dix-huit mois d’activité, soit entre décembre 2020 et le 23 mai 2022, le réseau aurait vendu au moins 54 681 grammes d’héroïne sur le territoire luxembourgeois pour une contre-valeur totale de 734 549 euros.

Les enquêteurs ont placé les deux numéros de téléphone sur écoute ainsi que ceux de leurs correspondants, dont la majeure partie a pu être identifiée comme étant des toxicomanes luxembourgeois. Deux d’entre eux, Jessica et Antonio, également prévenus dans l’affaire, ont joué les intermédiaires en échange de quoi financer leur propre consommation de stupéfiants.

Ces heures d’écoutes et de décryptage de messages ont permis de comprendre l’organisation du réseau et d’en déterminer l’ampleur, même si les enquêteurs ne peuvent pas chiffrer avec précision son rendement, ni même déterminer la date du début de ses activités.

Fin mai 2022, huit membres présumés du réseau ont été interpelés. Cinq ont été arrêtés au Luxembourg, deux aux Pays-Bas et un en France. Deux autres personnes, suspectées d’avoir revendu l’héroïne obtenue par ce réseau, ont été arrêtées au Luxembourg au début du mois de juin 2022, communiquait le parquet à l’époque.

Ce mercredi après-midi, Jocelino sera interrogé par la présidente de la 9e chambre correctionnelle. Après lui, ce sera au tour de ses deux compagnes, Silvana et Diara.