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Golden numbers : les prévenus ont pris des risques pour rien


Comme l’a fait remarquer Bruno, ils risquent de tous aller en prison gratuitement.  (photo S. K.)

Les prévenus n’avaient pas conscience de participer à une organisation criminelle. Selon leurs avocats, qui tentent d’alléger leurs peines, la plupart ont été «embobinés» par Jocelino.

Ils ont tous été impliqués de différentes manières dans le trafic d’héroïne opéré par Jocelino pendant 17 mois, et pourtant, l’un après l’autre, leurs avocats ont contesté lundi leur participation à une organisation criminelle. Une circonstance aggravante qui rallonge considérablement la durée des peines encourues par les dix prévenus de cette affaire de golden numbers qui a débuté la semaine dernière face à la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Il suffisait aux héroïnomanes de composer deux numéros de téléphone différents pour avoir un dealer au bout du fil et passer commande. Le reste, le Néerlandais de 42 ans s’en occupait avec ses proches.

Jusqu’à ce qu’une de ses compagnes et un de ses deux fils aînés se fassent arrêter par la police alors qu’ils apportaient de l’héroïne au Luxembourg. Un dealer avait vendu la mèche et une cellule conjointe de policiers et de douaniers remontait pas à pas la piste du trafic. L’étau s’est resserré de plus en plus autour de celui qui, jusqu’alors, s’espérait intouchable.

Jocelino a alors tenté d’échapper aux policiers et à ses créanciers. Les premiers l’ont attrapé et les deuxièmes attendent patiemment sa sortie de prison. Celui que le parquet a qualifié «de tête d’une organisation criminelle» est loin d’être un baron de la drogue comme le cinéma les dépeint. L’homme d’origine cap-verdienne a plus de dettes qu’il ne peut en rembourser. Après avoir honoré les commandes, il ne lui restait pas un rond.

Le prévenu n’a pas bénéficié des bénéfices de son commerce. Ses coprévenus non plus. Il n’aurait jamais pu les payer pour leurs services. «Il avait la nécessité de se refaire, de rembourser ses dettes. Dans ce milieu, une dette ne s’efface jamais. À moins de se retrouver avec une balle entre les deux yeux», a expliqué Me Stroesser, qui défend les deux anciennes compagnes de Jocelino. «Mes clientes ont pris des risques pour zéro euro.» Les deux jeunes femmes se sont, selon l’avocat, laissé «embobiner» par le quadragénaire beau parleur.

«Si elles n’avaient pas été amoureuses, elles ne se seraient jamais retrouvées dans ce dossier», a estimé l’avocat. «L’amour rend aveugle. Il les avait mises sous emprise psychologique.» Jamais elles n’auraient eu conscience de participer à une organisation criminelle quand elles sont entrées en «aide active», a indiqué l’avocat avant de se rallier, comme ses autres confrères, aux développements de Me Knaff, qui avait contesté la circonstance aggravante d’organisation criminelle jeudi dernier. Comme ses confrères, Me Stroesser a prié le tribunal de réduire la durée des peines requises contre les deux jeunes femmes à la durée de leurs détentions préventives.

Jocelino, l’embobineur

Silvana et Diara ont agi par amour. «Sous dépendance affective et psychologique (…), elles ont toutes les deux fait le mauvais choix», les défend Me Stroesser. «Jocelino a un grand pouvoir de conviction. Il n’a aucune stabilité dans sa vie, mais il est parvenu à leur faire croire qu’il pouvait leur apporter la stabilité affective et financière qu’elles recherchaient.» En impliquant les deux jeunes femmes dans son trafic, le prévenu aurait choisi la voie de la facilité.

Luciano et Lorenzo ont agi par loyauté envers leur père. Selon leur avocat, Me Says. Ils ont participé à la petite entreprise de leur père de février 2021 à février 2022 pour l’un et de novembre 2021 à avril 2022 pour l’autre. «Ils ont l’avenir devant eux. Un retour par la case prison leur briserait les ailes», a commenté l’avocat. «Le but de cette affaire est de ne plus les recroiser sur le territoire. Parfois, une main tendue est bénéfique, à eux d’en être dignes.»

Éric «a été embobiné» lui aussi par Jocelino et a entraîné Bruno dans l’affaire pour vendre les stupéfiants. Le père de sept enfants y aurait vu une opportunité pour arrondir les fins de mois difficiles de son ménage. Mais pour son avocate, Me Stoffel, son cousin et lui «n’ont pas participé de manière consciente à une organisation criminelle».

Bruno a jeté l’éponge au bout de deux jours après avoir réalisé dans quoi il avait accepté de s’embarquer. «Donnez-moi du sursis s’il vous plaît. J’aimerais partir en vacances avec mon fils», a demandé le jeune homme que son contrôle judiciaire empêche de quitter le pays.

Le parquet a requis des peines allant de 15 ans, contre Jocelino, à 18 mois, contre un de ses revendeurs. Ses deux fils et ses deux anciennes compagnes encourent des peines de cinq et six années de réclusion. Le prononcé est fixé au 11 juillet.

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