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Golden numbers : Jocelino, de trafiquant rodé à tête de réseau en faillite


Dix personnes comparaissent dans cette affaire de stupéfiants entre le Luxembourg et les Pays-Bas. (Photo : archives lq)

Dealer peu doué en affaires, loser, criminel sans scrupules… Qui est Jocelino qui exploitait deux golden numbers avec ses proches depuis les Pays-Bas? Sans doute un peu de tout cela.

Ses moindres faits et gestes étaient scrutés nuit et jour par les membres de la cellule d’enquête composée de policiers et de douaniers. Jocelino se savait dans le viseur des autorités luxembourgeoises après l’arrestation d’un de ses fils et d’une de ses compagnes lors d’un transport d’héroïne, mais il ne pensait sans doute pas avoir été à ce point épié, traqué, triangulé. Au fil de mois d’écoutes téléphoniques, l’étau s’est resserré autour de lui et de son groupe, jusqu’à son arrestation dans un train à destination du Luxembourg et au démantèlement de son organisation criminelle. Si les dix prévenus peuvent être considérés ainsi.

Le parquet n’en démord pas. L’homme de 42 ans, originaire de Rotterdam, en était la tête, selon son représentant. «Il assurait la logistique du groupe, l’acquisition et le conditionnement de l’héroïne, le recrutement et la supervision des membres du réseau, l’organisation des moyens de transport et des logements, la coordination des ventes… Il avait appris la pratique des golden numbers en travaillant comme vendeur pour une organisation il y a dix ans.»

Appartenir à une organisation criminelle ou à une association de malfaiteurs ou la diriger est une circonstance aggravante qui fait gonfler les peines prévues en cas de trafic de stupéfiants. Jocelino encourt au moins 15 ans de prison ferme étant donné ses antécédents judiciaires. Sauf si la 9e chambre correctionnelle décide de ne pas retenir la circonstance aggravante à son encontre et à celle de ses coprévenus. C’est la raison pour laquelle son avocat, Me Pim Knaff, s’est employé à démonter la théorie du ministère public et à tenter de décrocher des circonstances atténuantes en sa faveur.

«Tout trafic de stupéfiants n’est pas fondé sur une organisation criminelle», a commencé par argumenter l’avocat qui reproche au procureur d’avoir fait siennes «les hypothèses des enquêteurs». «Ce n’est pas parce que de grandes quantités de drogue ont été écoulées qu’il s’agit d’une organisation criminelle. Sa définition est très vague.» Selon Pim Knaff, «une association de malfaiteurs doit faire profiter tous ses membres associés de ses bénéfices», ce qui n’est pas le cas dans cette affaire où les principaux accusés auraient voulu l’aider à rembourser ses nombreuses dettes.

«Jocelino a mis en place le trafic seul, sans associés», poursuit l’avocat. «Les autres prévenus n’ont pas profité des bénéfices générés par les ventes. Aider ne signifie pas qu’on est associé. On peut, par exemple, être complice.» Après avoir passé en revue diverses législations et jurisprudences, Me Knaff a demandé au tribunal d’acquitter son client de cette circonstance aggravante et de «rester bien en deçà de ce qui a été requis par le parquet».

«Sa seule alternative»

Souvent, les trafiquants de drogue sont attirés par l’argent facilement gagné, par un train de vie luxueux. On les imagine dangereux, roublards, la gâchette sensible et le couteau entre les dents. Jocelino paraît tout le contraire. Il accumulerait les dettes et les erreurs et courrait après l’argent pour les rattraper. Le prévenu de 42 ans croule sous les dettes contractées auprès de plus gros poissons que lui. Des fournisseurs qu’il n’a pas payés.

Me Knaff, qui veut faire pleurer dans les chaumières, dépeint un homme à qui la vie n’a pas fait de cadeau et qui n’a connu que le trafic de drogue pour échapper au milieu défavorisé duquel il est issu. «C’était sa seule alternative.» Jocelino est condamné une première fois à 18 ans. Dix ans plus tard, en 2009, il est condamné à trois ans de prison par le tribunal d’Arlon pour avoir servi de chauffeur dans le cadre d’un trafic de stupéfiants. En 2013, il prend deux ans de prison en tant que vendeur et en 2015, il écope de cinq ans à Arlon pour les mêmes raisons.

«À chaque sortie de prison, l’ardoise n’était pas effacée», note Me Knaff. «Ses créanciers le laissaient tranquille quelque temps avant de se manifester à lui. Jocelino est tenu par ces gens. Il est tenu de prendre des risques pour les rembourser et protéger sa famille.» Le prévenu n’aurait d’ailleurs pas de domicile fixe et se sentirait plus en sécurité en détention préventive que s’il avait été libéré en attendant son procès. En voulant protéger les siens, il les a entraînés avec lui. «Je ne me le pardonnerai jamais. Personne ne me le pardonnera», a lancé le prévenu qui, pour la première fois depuis mardi, est sorti de sa réserve.

La présidente de la chambre correctionnelle n’admet pas son manque de scrupules à impliquer ses proches. «Je n’ai jamais eu de chance», répond Jocelino en néerlandais. «Alors pourquoi refuser cette chance à vos fils?», le questionne la juge. «Pire, vous entraînez votre compagne enceinte. Vous lui avez donné le téléphone pour brouiller les pistes en le laissant en France.»

Le procès reprend lundi après-midi avec les plaidoiries des avocats des autres prévenus.

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