Gilles Baum coiffe à nouveau sa casquette de chef de file des libéraux au Parlement. Il a aimé travailler avec ses anciens partenaires de coalition et apprécie le sang neuf de cette nouvelle majorité.
Lors du débat sur la déclaration gouvernementale, vous avez remercié vos anciens partenaires de coalition, les socialistes et les écologistes. Avec une pointe de nostalgie ?
Gilles Baum : Oui quand même, une petite pointe de nostalgie, parce qu’à côté du travail que nous avons réalisé ensemble, il y a des amitiés qui se sont créées et qui nous ont permis de passer des moments très agréables, hors politique, pas seulement lors des plénières et des commissions, mais aussi en privé. Ce sont des amitiés qui vont durer.
Au-delà de ces considérations, on ne renie pas ce qui a été fait ces dix dernières années, c’était un travail d’équipe et pour la première fois à trois partenaires. Je pense que dans beaucoup de domaines, que ce soit au niveau sociétal, économique, financier ou écologique, cette coalition à trois nous a permis de prendre les bonnes pistes, que Luc Frieden, dans son discours, a encouragé à poursuivre. Cela me conforte dans l’idée que ce qui a été fait était du bon travail.
Il y aura donc moyen de s’entendre sur certains sujets…
Nous allons pour la première fois être confrontés à une opposition de cinq partis, dont deux qui sortent de la coalition, et je pense que nombre de projets qui vont être réalisés dans les prochains mois sont encore des projets de l’ancien gouvernement. Bien sûr, nous allons devoir affronter une opposition plus ferme, plus farouche peut-être, je l’ignore encore. Je suis convaincu, néanmoins, que nous trouverons avec l’opposition un terrain d’entente sur beaucoup de projets.
Vous étiez présent au sein des groupes de travail pour préparer l’accord de cette nouvelle coalition. Était-ce une autre méthode de travail, un autre ton ?
Les premières impressions que j’ai eues m’ont agréablement surpris. C’était une ambiance bon enfant, nous avons travaillé à fond sur tous les dossiers. En matière d’éducation, nous avons essayé de trouver un terrain d’entente en dépit des vives critiques émises par le CSV durant ces dix dernières années concernant le travail réalisé par Claude Meisch. En règle générale, nous avons trouvé des compromis dans différents dossiers et je pense que c’est de bon augure pour les années à venir.
En matière d’éducation justement, rien n’est jamais simple et il est souvent compliqué de satisfaire élèves et corps enseignant, peu importe la réforme menée. Comment l’expliquez-vous, alors que vous êtes vous-même instituteur de métier ?
Je pense que les dix dernières années, beaucoup a été entrepris pour placer l’école sur les voies du XXIe siècle. Il faut savoir qu’au Luxembourg, les deux tiers des enfants qui entrent à l’école ne parlent plus la langue luxembourgeoise et nous avons fait beaucoup d’efforts pour permettre à tous les enfants de s’intégrer et de participer au mieux. L’alphabétisation en français est une piste que nous avons développée dans quatre projets pilotes et nous ferons une évaluation.
Les réformes qui ont été faites vont prendre du temps. Celles de 2009 entreprises par l’ancienne ministre Mady Delvaux étaient nécessaires, mais très critiquées par le corps enseignant. Peu à peu, elles vont être acceptées. C’est souvent un changement qui prend du temps. La mission de l’Éducation nationale est d’intégrer tous les enfants.
La Jeunesse démocrate et libérale a encore insisté dernièrement sur la création d’un superministère du Logement, qui n’a pas vu le jour, contrairement à ce que prévoyait votre programme électoral. Que leur répondez-vous ?
Je n’ai pas fait partie de la délégation qui s’est occupée de la répartition des ministères, donc je peux difficilement leur répondre. Ce qui est important, c’est de travailler de manière transversale sur de nombreux sujets, dont le logement, l’aménagement du territoire, l’énergie, le climat et aussi la culture et l’environnement.
La place financière reste un pilier important de notre économie, mais la concurrence est rude. Le pays peut-il encore compter sur elle pour assurer son avenir ?
Il ne faut pas lâcher du lest, en tout cas. À Londres ou à Dublin, ils n’attendent que ça. Il faut néanmoins se diversifier, dans le secteur de la logistique, par exemple, des nouvelles technologies, de l’intelligence artificielle, de la recherche et de la médecine. Il faut trouver d’autres piliers qui soient durables, mais la place financière, il faut la choyer.
La simplification administrative est une vieille rengaine et vous avez déclaré lors de votre discours qu’il fallait « vraiment simplifier ». Que s’est-il passé ces dix dernières années dans ce domaine qui était pourtant une des priorités de l’ancien gouvernement ?
Nous avons beaucoup travaillé, mais pas assez. Nous avons beaucoup progressé dans la digitalisation des administrations étatiques et je pense que le contact entre le citoyen a été simplifié par le biais de MyGuichet. Je pense que les administrations doivent mieux travailler entre elles pour faire avancer les grands dossiers, les grands projets, par exemple en matière de logement.
La simplification administrative est un dossier qui ne sera jamais terminé, car on essaye toujours de faire mieux, plus facile, plus vite. J’ai proposé de faire un bilan annuel pour voir, ministère par ministère, ce qui a été fait dans ce sens. Pendant la crise du covid, j’ai reçu beaucoup d’échos positifs sur les facilités au sein du ministère des Classes moyennes et du Tourisme pour venir en aide aux PME.
Ce gouvernement s’est fixé comme objectif de lutter contre la pauvreté dans laquelle risque de tomber une partie de la classe moyenne qui reste la plus sollicitée fiscalement. Comment définissez-vous la classe moyenne ?
C’est très difficile de définir la classe moyenne. J’ai dit un jour que je considérais qu’un ménage avec deux salaires équivalents à 9 000 euros brut peut être défini comme appartenant à la classe moyenne. Je me suis fait beaucoup critiquer, mais quand on regarde le salaire médian, on n’est pas loin de 8 000 euros brut.
Dans le domaine de la santé, nous aurions dû batailler ferme avec les socialistes
Les verts se sont montrés sceptiques à la lecture de l’accord de coalition, regrettant que l’environnement et le climat n’aient pas été jugés prioritaires. Ont-ils tort ?
Je crois bien que oui, parce que pour les engagements que nous avons pris, en faveur aussi bien de la protection de la biodiversité que des énergies renouvelables, il y a une forte conviction de notre parti, mais aussi du CSV. Ces engagements sont à respecter, donc les craintes des verts sont non fondées.
La politique du ministère de la Santé n’a pas toujours fait l’unanimité au sein de la dernière coalition. Cette fois, les soins ambulatoires vont être revus. Êtes-vous enfin satisfait, voire soulagé ?
Nous avons voté une loi en juillet dernier, non pas à contrecœur, mais en se disant que c’était un premier pas. Pour désengorger les urgences, les cabinets médicaux et les spécialistes, nous devons faire une ouverture pour permettre aux cabinets de groupes spécialisés de s’installer et d’offrir des appareils qui, jusqu’à présent, ne sont accessibles que dans les hôpitaux. Je pense notamment à la mammographie, à l’échographie ou à la coloscopie. Nous aurions dû batailler ferme avec les socialistes dans ce domaine si la coalition à trois avait été reconduite. Je pense qu’avec le CSV, nous avons un terrain d’entente, surtout en ce qui concerne l’accès à une santé de haute qualité pour tous.
Sans mettre en danger les finances de la Caisse nationale de santé ?
L’évaluation de la caisse de santé, c’est un processus permanent. Tous les ans, on fait le bilan, et ce sera au ministère de voir s’il faut faire des adaptations. Je pense qu’il est encore trop tôt pour voir la marche à suivre.
Vous voulez faire une politique avec les citoyens, c’est une formule qui revient régulièrement, mais que signifie-t-elle à vos yeux ?
On nous reproche souvent d’être trop loin des citoyens et de ne plus être accessibles après les élections. Je pense que c’est faux. Une politique avec les gens, c’est leur permettre de participer. Les pétitions restent un outil qui fonctionne bien, nous avons eu aussi le conseil citoyen sur le climat, où les gens ont pu nous faire part de leurs idées. Il y a aussi l’engagement dans les partis, par exemple, avec des sections de jeunes aussi. Je pense encore aux commissions consultatives communales. Je viens de voir, à Junglinster, qu’elles ont été recomposées et beaucoup de gens ont montré leur intérêt pour y participer.
En parlant du DP, je dois dire que nous avons très souvent des stands le samedi sur les marchés ou sur des braderies et nos mandataires y sont toujours très présents. J’incite d’ailleurs les personnes qui sont intéressées à nous rejoindre, soit dans les commissions, soit à venir discuter avec nous. Voilà ce que j’entends par faire de la politique avec les citoyens.
Cette nouvelle coalition sera-t-elle très différente, selon vous ? Il y a eu un renouvellement du personnel politique dans tous les partis : est-ce plutôt une aubaine, pensez-vous ?
Oui. Il y a eu un renouvellement au sein du CSV, au DP aussi avec cinq ou six nouveaux entrants, en y incluant Barbara Agostino, qui était arrivée à la Chambre en fin de législature. Le renouvellement politique, c’est toujours positif, cela amène un nouvel élan, de nouvelles idées, et j’ai hâte de travailler avec eux.
Ma première mission sera de m’occuper particulièrement de nos nouveaux députés, de les aider à s’y retrouver dans ce monde politique qui est quand même un peu spécial. J’ai hâte aussi de faire connaissance avec les nouveaux députés CSV, qui viennent d’horizons professionnels différents, et cela peut être une réelle plus-value pour la Chambre des députés. J’inclurai aussi les nouvelles députées socialistes. C’est important aussi de nouer des liens amicaux, on y revient.
Les temps sont difficiles, mais vous semblez garder votre optimisme…
Il faut toujours rester optimiste et faire de son mieux. Les années derrière nous n’ont pas été faciles et celles qui s’annoncent risquent d’être difficiles avec des crises internationales sur lesquelles nous avons peu d’impact. Nous jouons quand même un bon rôle au sein de l’Union européenne et je suis sûr que Xavier Bettel saura être un bon fédérateur au sein de l’Union, comme Jean Asselborn avant lui.
Il faut dire qu’avec les élections qui se sont déroulées aux Pays-Bas, notamment, et en voyant l’extrême droite gagner massivement du terrain, il faudra des gens comme Xavier Bettel pour tenir les rênes en main. Je suis content qu’en Allemagne les conservateurs et les socialistes tiennent bon, mais nous devons rester sur nos gardes au sein de l’Union européenne face aux défis que va nous poser l’extrême droite.
Il faut trouver des réponses politiques aux soucis des gens qui se tournent vers l’extrême droite, parce que je ne suis pas sûr que tous ceux-là aient un réel penchant pour le nationalisme extrême.
Repères
État civil. Gilles Baum est né le 16 janvier 1973 à Luxembourg. Il est marié et père de quatre enfants, trois filles et un garçon.
Études. Il obtient son diplôme de fin d’études secondaires en section économie au lycée de garçons de Luxembourg, puis poursuit ses études à l’Institut supérieur d’études et de recherches pédagogiques.
Profession. En 1992, il commence une carrière d’instituteur à Roodt-sur-Syre, où il enseigne pendant près de vingt ans, jusqu’en 2013 lorsqu’il fait son entrée au Parlement.
Échevin. En 1996, Gilles Baum devient membre du DP. À 26 ans, il entre au conseil communal de Junglinster, puis trois ans plus tard accède à la fonction d’échevin.
Député. Gilles Baum rejoint la Chambre des députés pour succéder à Maggy Nagel, entrée au gouvernement en 2013. Il est désigné chef de fraction du DP à la Chambre après le décès d’Eugène Berger et confirmé à ce poste en 2023.