La fédération a annoncé, hier, que le meilleur buteur de son histoire n’est plus sélectionnable «jusqu’à nouvel ordre». Ce qui veut tout et rien dire.
Ce mois de juin commence à coûter bonbon. Cela fait cher payé les deux matches amicaux contre la Slovénie et l’Irlande, en fin de saison dernière.
Deux mois après les accusations d’atteinte à la liberté de la presse, après la sélection d’un joueur accusé de violences conjugales sans explications circonstanciées, après l’arrachage des banderoles au stade assimilé à un musellement de l’expression des supporters, il y avait eu, dans un premier temps, l’annonce d’un futur non-renouvellement du contrat de Luc Holtz.
Voilà désormais venu le temps de la mise à l’écart de Gerson Rodrigues. Et en trois semaines, les Rout Léiwen auront perdu leur coach à partir de 2026 et leur meilleur buteur, à partir de tout de suite. Funestes conséquences.
Dans un communiqué qui parvient, encore, à être ambigu, la FLF a en effet décidé de frapper du poing sur la table, mais pas trop fort non plus, et de l’exclure de la sélection nationale, mais avec les précautions d’usage qui s’imposent.
C’est ce que demandaient une partie de la société civile et plusieurs députés et ministres. Paul Philipp et son conseil d’administration leur ont finalement donné satisfaction, avec cette petite phrase toutefois : le meilleur buteur de l’histoire du pays, 23 buts en 72 apparitions, n’est plus le bienvenu… «jusqu’à nouvel ordre».
Jusqu’à quand, du coup? Jusqu’à l’arrivée d’un nouveau sélectionneur capable d’insuffler un nouveau rapport entre le joueur et sa fédération? Jusqu’à des excuses circonstanciées de Gerson Rodrigues après ses prises de parole de juin?
La FLF oublie un peu ses torts
Ses «posts», c’est, a priori, ce qui a beaucoup influencé la décision de la FLF, qui ne semble pas se rappeler qu’elle a elle-même placé le joueur dans cette épouvantable situation de l’homme seul contre tous.
La FLF a expliqué son choix en ces mots : «L’image de l’institution du football luxembourgeois et de tous ses membres a été affectée par « l’affaire Gerson Rodrigues ». Nous tenons à préciser que la renommée de la fédération et de ses membres est au-dessus de toute individualité et considération sportive. Malgré les conseils et recommandations que les responsables de la fédération ont essayé de donner au joueur concerné, celui-ci n’y a donné aucune suite favorable.»
Ils sont nombreux contre moi? Tant mieux (…) Ma communauté, elle, marche avec moi
De quoi parle-t-on là? Du fait qu’en gérant de façon désastreuse son rappel par Luc Holtz, en ne le laissant pas à l’écart d’un rassemblement qui suivait de peu sa condamnation en appel, en ne le protégeant pas comme il aurait fallu, en ne communiquant pas à l’adresse de la société civile, la FLF attendait au moins de son joueur… la retenue.
Or ses messages sur les réseaux sociaux, son désormais fameux «seul Dieu peut me juger», ses entorses les plus évidentes faites aux règles essentielles visant à apaiser la situation ont servi au conseil d’administration pour le pousser dehors. Mais, est-il utile de le répéter, «jusqu’à nouvel ordre».
«Nous voulions qu’il s’excuse»
Comme pour leur donner raison, dans la foulée, Gerson Rodrigues s’est déjà senti obligé de répliquer sur les réseaux. Avec une photo de lui, en Thaïlande, où il travaille déjà pour son nouveau club, le Kanchanaburi Power.
Il y dit ceci : «Ils peuvent m’écarter, salir mon nom… mais jamais éteindre ma flamme. Le terrain parlera pour moi. Blessé par les mots, porté par la haine, mais guidé par Dieu et le travail (…) Ils sont nombreux contre moi? Tant mieux (…) Ma communauté, elle, marche avec moi.» Sent-il que le public, lui, n’est plus forcément en ordre de marche derrière lui?
En tout cas, Paul Philipp ne l’est plus, lui. Il l’a indiqué à nos confrères du Tageblatt : «Suite à la situation de juin, nous lui avons demandé de prendre position et de s’excuser. Il n’a pas répondu à nos attentes et n’a fait preuve d’aucune compréhension. Nous lui avons donné une seconde chance en le sélectionnant pour les deux matches amicaux. Lorsque nous l’avons contacté, il n’a pas accepté de s’excuser, comme nous l’avons fait en tant que FLF.»
Un communiqué clef en main aurait même été préparé sur mesure pour lui, entre les deux rencontres de juin. Gerson n’a pas souhaité saisir cette perche-là non plus.
Pourtant, hors communication officielle, l’homme fort de Mondercange s’est senti obligé de préciser : «Nos portes ne sont jamais fermées.» On ne sait donc pas, in fine, s’il s’agit d’un crépuscule définitif pour le joueur de 30 ans ou d’une simple éclipse.
Comme trop souvent, les choses ne sont pas claires. On peut toutefois partir du principe qu’il sera compliqué de revoir le divin rasta avant la fin de l’année 2025 et les éliminatoires du Mondial. Cela ressemble à un sacré gâchis.