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Gerson et la FLF jouent un jeu dangereux


Gerson Rodrigues, un communiqué qui va encore plus mettre le feu aux poudres?

Alors qu’une partie de la société civile est vent debout contre la sélection en équipe nationale de Gerson Rodrigues, l’intéressé a répondu sur les réseaux. Aurait-il dû s’abstenir ?

La FLF joue avec le feu. En se murant dans le silence alors que de toute part, dans la société civile, on lui demande des comptes, elle s’exposait à ce que Gerson Rodrigues, qui avait déjà par le passé court-circuité les voies officielles (en annonçant par exemple lui-même son exclusion du groupe de Luc Holtz, en pleine semaine internationale), tente de donner son point de vue d’homme dont la présence est jugée inopportune par nombre d’associations, hommes (mais surtout femmes) politiques, personnalités du milieu footballistique. Vu la situation, le joueur d’Aves aurait pu s’abstenir de chercher à donner son point de vue, mais il a fini par faire ce que la FLF aurait dû faire elle-même dans le courant de la semaine écoulée : communiquer.

C’est peut-être courageux, mais c’est surtout inconscient : on est dans le genre de moment où il faut peser chaque mot et mesurer chaque idée. En pleine tempête autour de sa sélection par Luc Holtz (qui de son côté fait son boulot de sélectionneur en appelant les meilleurs, puisqu’on ne lui interdit pas de le faire) pour les prochains matches amicaux face à la Slovénie et l’Irlande, le joueur a souhaité déplacer le débat… vers ses performances sportives. Alors qu’il vient de voir confirmée en appel sa peine de 18 mois de prison assortis du sursis probatoire, notamment pour violences conjugales et insultes envers des policiers, c’est au mieux maladroit, au pire incendiaire.

LE CNFL s’en mêle aussi

Dans un texte publié en anglais sur son compte Instagram, l’ancien joueur du Fola et du RFCU a commencé par donner le baiser de la mort à sa fédération, même si c’est avec les meilleures intentions du monde, celles d’un homme reconnaissant : «Après une difficile et désormais achevée procédure judiciaire, je veux dire un grand merci à la FLF pour avoir été à mes côtés durant tout ce temps». Venant d’un homme condamné, et à destination d’une institution qui n’a jamais jugé utile de prendre ses distances avec les actes incriminés autrement que du bout des lèvres, le conseil d’administration appréciera l’impact. En 2022, ce dernier avait fait imprimer sur papier glacé un «plan stratégique», qui développait, en page 12, la notion d’intégrité inhérente à ses «valeurs» : «Nous sommes conscients de notre fonction de modèle et respectons toujours les règles établies». Il n’y est effectivement écrit nulle part que la condamnation d’un homme entraîne son inéligibilité aux sélections nationales, mais l’expliciter, ou accepter le débat, serait, dans ce cas, faire preuve de responsabilité, de la part de la plus grande fédération du pays.

Il est plus gênant, pourtant, que Gerson ne mesure pas la teneur de ce qui se joue aujourd’hui dans la société et, justement, du symbole que revêt sa sélection. Mais est-ce à lui de le faire ?

Mercredi encore, c’est le Conseil national des femmes du Luxembourg (CNFL) qui a pris sa plume, situant clairement à quelle hauteur il souhaite porter la question : «Le CNFL est d’avis qu’il ne faut pas séparer l’homme du sportif. Positionner les compétences sportives au-dessus d’actes condamnables et condamnés revient à minimiser et à banaliser des actes pénalement sanctionnés. Ce faisant, il est implicitement instauré un mode de défense pour celles et ceux qui agiront de la même façon».

Gerson ne veut pas «être un symbole»

Le sportif est-il au-dessus des lois ? Le joueur, lui, poursuit en tout cas complètement à l’opposé du CNFL : «Avec un travail acharné, une discipline et mes performances sur le terrain, je vais faire de mon mieux pour rendre cette confiance qui m’a été donnée (…) Ces derniers mois, j’ai souvent été considéré comme un instrument marketing. Je prends sur moi la responsabilité de mes actions, mais je ne me laisserai pas transformer en un symbole que les gens peuvent brandir quand ils le désirent. Je ne suis pas parfait mais je suis honnête, et ma réponse ne viendra pas au travers des mots mais sur le terrain de football».

La FLF est-elle d’accord avec ça ? Tout sera pardonné, voire effacé si tant est que Gerson Rodrigues, par ses performances sportives, fait briller la sélection nationale? C’est un jeu très dangereux. La fédération, qui pouvait compter ces dernières années sur une forme d’union sacrée réjouissante dans son stade national, court désormais le risque de scinder les tribunes, entre les pro et les anti. Le test du public, recours populiste absolument désespérant, tombera contre la Slovénie, le 6 juin. Personne d’ici là ne prendra la peine d’essayer d’apaiser la situation ?