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Georges Mischo : «Je n’ai pas peur»


(Photo: Alain Rischard / Editpress)

Son père était resté à la porte du bureau du bourgmestre, lui l’a franchie. Georges Mischo sera le premier bourgmestre CSV d’Esch-sur-Alzette : une vraie révolution en terre rouge.

Il est le symbole de la réussite des chrétiens-sociaux lors de ces élections communales. Georges Mischo, 43 ans, a ravi l’hôtel de ville d’Esch aux socialistes. Un exploit auquel même lui n’aurait pas cru avant de lire les résultats au soir du 8 octobre.

Tout est allé très vite pour vous. Pendant la campagne, vous êtes-vous imaginé bourgmestre?

Georges Mischo : Non, comme tout le monde, j’ai été surpris! Je ne l’espérais même pas… au mieux, j’en rêvais. Le LSAP avait neuf sièges, nous quatre. Je n’étais pas dans la position où je pouvais dire que j’allais devenir bourgmestre. Maintenant, j’ai hâte de commencer. J’ai conscience qu’il s’agit d’un challenge énorme, mais je n’ai pas peur.

Il s’agit pour vous d’un changement de perspectives radical…

Oui, là, je viens juste de sortir de cours (NDLR : il est professeur d’éducation physique au lycée Bel-Val). Dès que je serai assermenté, je serai en congé à temps plein. Ma vie professionnelle va changer, ma vie de famille aussi…

Savez-vous quand aura lieu votre assermentation?

Non, la directrice du lycée vient de me poser la même question parce qu’il faut organiser mon remplacement. La lettre a été envoyée au ministre de l’Intérieur, c’est à Dan Kersch de fixer un rendez-vous. J’espère qu’il aura lieu bientôt parce que les 35 000 habitants d’Esch et les 1 200 employés de la commune méritent que l’on se mette vite au travail.

Évoquons vos motivations, d’où vient votre engagement politique pour le CSV?

Je me suis toujours intéressé à la politique, mais j’ai longtemps dit à ma femme que je ne me présenterais pour aucun parti! En 2005, François Maroldt m’avait contacté pour rejoindre la fraction. J’avais été honnête avec lui en lui disant que je n’étais alors pas sûr de rester à Esch. En 2011, par contre, je me suis présenté aux élections communales. Ce qui m’a permis d’entrer au conseil communal en janvier 2014.

Votre père, en 1999, avait été en conflit avec le CSV alors qu’il était en position d’être bourgmestre. Comment aviez-vous vécu ce moment?

Le problème était apparu dès 1993. Lorsque François Colling était parti à la Cour des comptes européenne, une place se libérait au conseil et il aurait dû entrer au collège échevinal. Mais il était le seul ouvrier, sans formation académique, et on l’avait cantonné aux syndicats et aux commissions. En 1999, le CSV avait obtenu sept sièges et mon père aurait dû être nommé bourgmestre, mais je me souviens que dès le soir des élections, en revenant à la maison, il avait dit qu’on essayait encore de l’écarter. La situation est devenue telle qu’il a arrêté la politique, alors que le CSV avait pour la première fois la chance de devenir bourgmestre à Esch.

Aujourd’hui, la mentalité a changé au CSV?

Oui, je pense bien. J’ai promis que l’on respecterait le vote des électeurs à la voix près. En 2011, lorsque François Biltgen m’a demandé de venir sur la liste, je lui ai dit d’entrée que si quelqu’un osait dire du mal de mon père, j’arrêtais tout de suite. Il m’a répondu que le parti avait fait une gaffe énorme et qu’il le regrettait. Norbert Haupert (NDLR : ancien député mondercangeois) avait dit que le CSV eschois paierait cette histoire pendant 20 ans. Il a eu raison.

Du coup, comment avez-vous reçu cette victoire?

Ce qui m’a étonné, pendant la campagne, c’est d’avoir vu autant de personnes venir vers nous pour dire qu’il fallait quelque chose de nouveau à Esch. Au début, je disais à ma femme qu’il ne s’agissait que de paroles de militants et de sympathisants, mais au fur et à mesure, de plus en plus d’habitants que j’imaginais plus proches du LSAP que du CSV nous tenaient ce même discours. Certains m’ont même assuré qu’ils voteraient pour la première fois de leur vie pour nous. Ce n’est pas rien…

Quels exemples invoquaient ces personnes qui voulaient ce changement?

C’était toujours un peu les mêmes. Ils en avaient assez que la ville se précipite toujours sur les questions sociales et oublie la qualité de vie de l’ensemble des habitants.

Qu’allez-vous faire pour les contenter, désormais que vous êtes aux commandes?

Notre programme est surtout basé sur les Eschois. Nous ne jetterons pas ceux qui ont des problèmes sociaux aux portes de la ville, pas du tout, mais nous penserons aussi aux autres. Nous discuterons avec eux, pour qu’ils nous disent ce qu’ils attendent de nous.

Vous venez de signer l’accord de coalition avec les verts et le DP. Dans quelle ambiance se sont déroulées les réunions?

Nous nous sommes fait confiance. Puisque j’étais la tête de liste du parti le plus fort, j’ai conduit les débats et j’ai imposé que nos discussions ne durent pas plus de 1 h 30 ou 2 h. Après, c’est du blabla et je voulais de l’efficacité.

Sur quels thèmes les accords ont-il été les plus longs à trouver?

Il suffit de comparer les programmes des trois partis pour voir que nous étions assez proches les uns des autres. Chacun a fait des concessions, mais c’était sur des détails, jamais sur les grandes lignes.

Quand on lit l’accord de coalition, on voit que les écoles tiennent une place importante.

C’est l’avenir de notre ville. Aujourd’hui, Esch compte 35 000 habitants et un taux de chômage des jeunes de 25 %. Près de 3 000 personnes touchent le RMG. Cela représente 8 % de la population : c’est énorme. Être ambitieux sur la question scolaire est la meilleure solution pour changer cette situation.

Quelles sont les priorités absolues, pour vous, dans ce domaine?

Il faut construire de nouvelles écoles, à Wobrécken, à op de Klëppen… Et il faut rénover celles qui en ont besoin. Mon fils est à l’école du Brouch qui est dans un état déplorable. Tous ces projets ne sont pas nouveaux, mais il est impératif d’accélérer. Cela a pris tellement de temps jusqu’ici.

Vous évoquez également la construction d’un nouveau hall sportif au Lankelz.

Ce projet est sur le bureau du collège échevinal depuis octobre 2014. Trois ans et toujours rien, ça me rend dingue! En tant que sportif, professeur de sport et vice-président du Handball Esch, je vois l’absolue nécessité d’investir à ce niveau. Le hall de Lallange a été construit alors qu’Esch comptait 20 000 habitants, il y en a 15 000 de plus aujourd’hui et les infrastructures n’ont pas évolué du tout. Ce n’est pas normal.

Vous héritez également du dossier de la candidature pour la capitale européenne en 2022. Esch aura alors une visibilité à l’échelon continental, comment imaginez-vous cet évènement?

Ce que je ne veux pas, en tout cas, c’est une année de fête et plus rien ensuite. Esch 2022 doit être un tremplin pour des artistes, des start-up, pour faire du business!

Esch est à l’étroit sur son territoire et le développement des friches industrielles est un enjeu majeur. Qu’y voyez-vous?

C’est effectivement très important pour nous, que ce soit sur la lentille Terres rouges ou à Esch-Schifflange. Ce sont pratiquement les seuls terrains à bâtir de la commune. Mais il faut que l’État nous aide, nous ne pourrons pas faire ça tout seul. Ce qui se passe sur celle d’Esch-Schifflange est positif, il faudra que cela suive sur la lentille…

Il y a toujours la question des coûts de la dépollution. Jean Cazzaro, le patron eschois de LuxTP, a déjà déclaré qu’il avait un projet tout prêt et que seul ce point bloquait…

Je ne suis pas sûr que M. Cazzaro viendra un jour là. Un des problèmes, c’était la guerre que menait Vera Spautz à ArcelorMittal. Avec la fraction, nous avions rencontré Michel Wurth (NDLR : le directeur d’ArcelorMittal) pour lui demander de faire avancer ces dossiers. Il nous avait répondu que tant que Vera Spautz l’énerverait à ce point, on n’avancerait pas.

Si vous avez de meilleures relations avec lui, pourrez-vous alors débloquer le dossier de la piste cyclable entre Esch et Belval?

Je l’espère. Vous savez, Lakshmi Mittal se fout que l’ARBED ait reçu ce terrain de l’État pour presque rien il y a un siècle. Nous allons essayer de faire évoluer ces dossiers.

Esch souffre d’une circulation importante, y compris en son centre. Avez-vous des solutions?

Pour le bien de la qualité de vie des habitants, il faut parvenir à réduire la circulation sur le boulevard Kennedy et faire avancer la liaison entre Micheville et l’A4. Et nous allons mettre un terme à la kermesse qui bloquait tout le boulevard Prince-Henri pendant deux semaines. Cet emplacement était censé être provisoire pendant les travaux de la place du Brill, mais cela dure… De toute façon, cet endroit n’était pas du tout approprié.

Quant à l’idée de créer un park & ride pour ne pas être obligé d’entrer dans Esch en voiture, avez-vous des idées?

Le problème est toujours le manque de place. Il faudrait voir avec les urbanistes si l’on peut en construire un sur la friche d’Esch-Schifflange.

Entretien avec Erwan Nonet

Le nouveau collège échevinal

Bourgmestre : Georges Mischo (CSV) : finances, budget et patrimoine communal, sécurité publique, mobilité, communication et relation avec le conseil communal et le public, sport, cimetières et cérémonies civiles.
Premier échevin : Martin Kox (déi gréng) : développement urbain, bâtiments, environnement, espaces verts, énergie, promotion sociale, logements sociaux, promotion de la santé et protection des animaux, économie forestière, sécurité.
Échevins : André Zwally (CSV) : personnel communal et réforme administrative, infrastructures, réseaux – électrique, antenne, canalisations, eau – et voirie, informatique, accessibilité, cultes, troisième âge. Pim Knaff (DP) : culture, promotion économique, hygiène, intégration et politique de non-discrimination, tourisme, relations internationales et jumelages, coopération transfrontalière. Mandy Ragni (déi gréng) puis François Maroldt (CSV) : enseignement, structures d’accueil, affaires sociales et emploi, démocratie participative, participation citoyenne et médiation, jeunesse, égalité des chances.