SÉLECTION NATIONALE Sans grande surprise, Jeff Strasser a été nommé, mardi, en remplacement de Luc Holtz. Son contrat devrait courir jusqu’en décembre 2026.
Il s’y préparait depuis assez longtemps pour qu’on puisse dire que Jeff Strasser vit aujourd’hui son apothéose professionnelle. Par-dessus, sans doute, ce bref intermède à Kaiserslautern qui se sera terminé trop vite à son goût, dans un club qui lui est immensément cher, mais sans doute pas autant que cette sélection pour laquelle il a parfois pu fragiliser consciemment sa carrière. Mais le cœur a ses raisons…
L’un des joueurs les plus emblématiques du premier quart de siècle, qui a longtemps été le seul joueur professionnel restant au pays, systématiquement européen avec ses clubs successifs (Fola et Progrès) depuis qu’il a commencé sa carrière d’entraîneur, se sentait voué à reprendre un jour les Rout Léiwen en main et il ne s’en cachait pas. Cela lui semblait aussi logique qu’à nous tous, pour ainsi dire. En ce sens, le communiqué de la FLF n’a surpris personne. Après que nous avons révélé, lundi, le lobbying actif de la Ligue pour arriver à cette issue, doublant les compétences indéniables du bonhomme d’un impératif quasiment politique (une nomination en échange de la tranquillité au prochain congrès de la FLF pour le président Philipp?), il n’y avait plus beaucoup de doute sur l’issue des réflexions.
Gerson, Moris, Mutsch… que de dossiers !
La conférence de presse ce mercredi matin ne va pourtant pas servir à l’introniser gentiment. Le boulot est déjà monumental pour Jeff Strasser, qui va devoir s’atteler, immédiatement, à rassurer ceux qui, à Mondercange, redoutent son intransigeance. Parce qu’elle confine au rigorisme et que la maison n’est pas habituée à ça. Souvent, quand il s’est retrouvé confronté à cette question de savoir s’il n’avait pas le sentiment de faire peur, le technicien a pointé le doigt dans la direction opposée, assumant totalement un professionnalisme non négociable qui devrait faire franchir un palier supplémentaire à son équipe.
Souvent, les contempteurs de Luc Holtz reprochaient au coach de ne pas avoir de passé dans le monde pro, ce qui était à leurs yeux un manque difficile à combler quand il s’agissait de la gestion des ego. Maxime Chanot n’avait finalement pas dit autre chose quand il pointait un «amateurisme dans la gestion du groupe». Qu’il soit réel ou fantasmé, il collait aux basques de Holtz. Alors que du point de vue de ces gens dont la voix compte, Jeff Strasser, lui, sait. Ou doit savoir. Et aujourd’hui, l’enjeu est d’autant plus important que le «Chef» (d’après un surnom hérité de ses années en Bundesliga) est investi d’un destin national. Auparavant, il n’était redevable de comptes qu’aux supporters de ses clubs successifs, il a désormais tout un pays à contenter. Peut-être mesurera-t-il vite la différence.
Le Luxembourg l’attend d’ailleurs d’ores et déjà sur des sujets bouillants hérités des soubresauts de l’été. Pourrait-il se laisser aller à rappeler Gerson Rodrigues, qu’il a plus d’une fois mis à l’amende à ses débuts, du côté du Fola? Parviendra-t-il (s’il en a le souhait, bien entendu) à faire changer d’avis Anthony Moris, qui souhaiterait mettre un terme à sa carrière internationale? Mario Mutsch, dernier adjoint en date de Holtz et qui se trouvait être l’une des options envisagées pour la succession, peut-il rester à ses côtés? Sera-t-il tenté de faire un petit ménage sur certains profils qui plaisaient à son prédécesseur, pour privilégier d’autres garçons?
Quels sont ses objectifs pour le Mondial ?
Il y a autre chose. Les ambitions. Autour de ce point crucial, il y a tout un discours à concevoir. Parce que depuis la campagne des éliminatoires de l’Euro-2024 bouclée avec 17 pts, sur laquelle la (non-)qualification s’est jouée à un match (perdu) contre la Slovaquie, après aussi le match de barrage de Nations League raté en Géorgie (2-0) alors qu’il restait une chance, le pays continue de s’écharper.
Une frange des suiveurs des Rout Léiwen continuent d’assurer qu’avec un sélectionneur soi-disant mieux avisé, l’opportunité se serait transformée en page d’histoire. Une autre frange assure que le Grand-Duché n’avait fait que profiter d’un momentum (avec des adversaires moins performants) et qu’il ne faudrait pas surévaluer la qualité réelle de cette génération des Barreiro, Martins, Sinani et consorts. Pourtant, Luc Holtz, qui avait partagé ses doutes avec certains joueurs sur sa capacité à la faire progresser, cette génération, jurait après le tirage des éliminatoires du Mondial-2026 qu’il faudrait voir si un Luxembourg redevenu conquérant après une campagne de Nations League ratée, ne pourrait pas tenter d’arracher la 2e place de groupe derrière l’Allemagne, au nez et à la barbe de l’Irlande du Nord et de la Slovaquie. Et donc retrouver des raisons de rêver…
Est-ce encore valable avec l’arrivée d’un nouveau patron ? À Jeff Strasser de nous livrer son état des lieux, sachant qu’il doit aussi se soucier, désormais, d’assurer au pays sa place en Ligue C de Nations League, puisqu’une double confrontation contre Malte, en mars prochain, pourrait le faire réintégrer le groupe des nains continentaux. Mais on en est pour l’heure au stade des promesses. La fumée blanche flotte au-dessus de Mondercange. Il y a un nouveau pape à la tête de ce pays qui veut continuer à y croire. Quelle est la vision ?