Chaque matin, Laurent, habitant de Seraing, se rend à son travail à Esch-Belval, de l’autre côté de la frontière, accompagné par trois covoitureurs avec qui il partage la route depuis plusieurs mois. Témoignage.
Avec l’arrivée de la pandémie de Covid-19, la démocratisation du télétravail, mais aussi la récente montée du prix des carburants, le covoiturage fait de plus en plus figure d’option pour se rendre à son bureau quotidiennement à moindres frais. Une alternative que n’a pas hésité à prendre Laurent Loosveldt, un habitant de Seraing, petite commune près de Liège, lorsqu’il a obtenu un poste au Luxembourg en septembre dernier.
«Je trouve ça bête d’être tout seul dans sa voiture pour aller au même endroit que son voisin», confie le jeune thésard de 27 ans, qui, jusqu’ici, avait la chance de pouvoir se rendre à son université à vélo. Difficile, après un tel confort, d’envisager plusieurs heures de voiture seul. «Je ne me sentais pas d’attaque pour rouler comme ça tous les jours.»
Pour y parvenir, Laurent décide donc de prendre les choses en main et s’attèle, il y a sept mois, à publier une annonce dans un groupe Facebook baptisé «Covoiturage Luxembourg». Mais il ne s’arrête pas là. Pour mettre toutes les chances de son côté, il fait le tour de son quartier et tente de repérer «les plaques jaunes du Luxembourg». Commence alors un drôle de porte-à-porte, qui sera finalement fructueux.
«C’est comme ça que j’ai rencontré Marc, qui travaille à Leudelange», raconte Laurent, en riant. «Il s’est d’abord montré méfiant, c’est normal, je sortais de nulle part! Mais depuis, nous faisons la route ensemble quotidiennement.» Marc et Laurent vivent dans la même rue et travaillent tous deux dans le sud du Luxembourg. Avec des horaires de bureau plutôt standard, il est très simple pour les deux hommes de faire la route ensemble.
Chacun y trouve son compte
«J’ai de la chance d’avoir de la souplesse dans mes horaires de travail. Je ne pense pas que le covoiturage soit la solution adaptée à tous, même si on gagnerait à avoir moins de voitures sur la route», explique Laurent. Depuis le mois de septembre, le jeune mathématicien n’a déplacé sa voiture… qu’une seule fois. Pourtant, il passe en moyenne plus de trois heures par jour dans une voiture : le voyage Seraing-Belval dure de 1 h 45 à 2 heures, couplé à quelques minutes de transport en commun depuis Leudelange.
Mais ces heures-là, Laurent ne les considère pas comme «perdues» : «On discute, on partage nos musiques… C’est un vrai plaisir de faire la route ensemble. Et puis, le réseau s’est étendu : après Marc, j’ai rencontré Julien et Delphine, un noyau dur avec lequel j’ai noué des liens.» Chacun y trouve son intérêt : économies d’essence, partages sur la route… Les covoitureurs belges s’arrangent entre eux. «Je peux payer un plein sur deux, ou ne rien payer du tout parce qu’on utilise une voiture de fonction. C’est beaucoup plus agréable comme ça», juge Laurent, qui, parfois, reste aussi dormir au Luxembourg pour gagner du temps et, surtout, de l’énergie.
«Si demain je ne peux plus covoiturer, je me rabattrai sans doute sur le train, mais actuellement c’est impossible. Il y a une très mauvaise connexion entre Liège et Luxembourg, c’est trop compliqué. Je cherche avant tout le côté le plus pratique de porte à porte», estime le jeune homme, qui admet également covoiturer pour des raisons écologiques. «J’essaie d’être le plus vert possible. À mon âge, c’est une thématique importante. Si on peut diviser par deux le nombre de voitures sur les axes routiers, je ne dis pas non, c’est une bonne chose.»
Boom des demandes
Les places proposées sur la plateforme de covoiturage BlaBlaCar ont plus que triplé en un an en Europe, a indiqué l’entreprise dans un communiqué. BlaBlaCar a enregistré «un pic sans précédent en mars 2022» avec un total de «36 millions de sièges qui ont été proposés sur cette période», précise la plateforme.
La hausse atteint 227 % entre mars 2021 et mars 2022 «en France, en Allemagne, en Espagne ou encore en Italie», assure l’entreprise de covoiturage.
«Face à la hausse exceptionnelle des prix du carburant, les conducteurs cherchent à partager les coûts», explique BlaBlaCar pour qui «le seuil de 2 euros le litre a eu un vrai effet psychologique». Le nombre de places proposées est ainsi monté en flèche à partir de janvier.
Dans l’Hexagone, le service BlaBlaCar Daily, dédié au covoiturage du quotidien domicile-travail, a gagné 500 000 nouveaux inscrits ces six derniers mois et atteint 2,5 millions de membres. «Ce changement d’habitude répond également aux enjeux environnementaux de notre époque», a salué l’entreprise, qui rappelle que le taux de remplissage moyen d’une voiture est de 1,9 personne seulement.